Erdogan le Magnifique !
01 novembre 2013
Erdogan le Magnifique !
La Grande Mosquée Bleue, le plus grand aéroport du monde, désormais le Tunnel sous le Bosphore et bientôt un canal qui rivalisera avec celui de Suez, des grandes centrales électriques et un troisième pont sur le détroit : telles sont les 6 Merveilles de la Turquie.
Le Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan assouvit les rêves des Sultans en construisant ce lien unique entre la rive occidentale et la rive asiatique de la Turquie. Cette performance est fortement critiquée par les opposants à ce régime autoritaire. Ces-derniers défendent corps et âmes l’écologie, l’environnement, les arbres, le détroit, les jardins et autres lieux verts détruits par ces constructions pharaoniques. Leurs actions ont provoqué de réels et violents mouvements de révoltes, au printemps dernier, contre le gouvernement. La Turquie vacille de façon extrêmement paradoxale entre hyper-traditionalisme politique et modernité économique effrénée. Paradoxe que l’on retrouve mutatis mutandis dans la Chine d’aujourd’hui et qui est l’une des voies bien connues des processus de modernisation depuis l’ère Meiji japonaise.
Un vieux projet
Justement, le projet de tunnel sous-marin joignant l’Asie à l’Europe apparut peu avant le début de l’ère Meiji (1868) et revient au sultan réformateur Abdlülmecid Ier (1823-1861), à l’époque où la Turquie des Tanzimat entamait cahin-caha sa modernisation : il s’agissait en adoptant leurs techniques de résister à l’impérialisme croissant des grandes puissances, Russie au premier chef, très gourmandes des dépouilles de « l’homme malade de l’Europe ». Mais les moyens techniques, en 1860, ne permettaient en aucun cas la mise en place d’un tel projet. L’idée a été relancée en 1990, alors que la Turquie connaissait une explosion démographique. En 2004, les travaux pour construire ce fameux tunnel commencent. Erdogan en est le penseur, le maître d’œuvre, et le parrain. Il sacralise son œuvre en organisant l’inauguration le jour du 90ème anniversaire de la fondation de la République turque en 1923. Ce tunnel symbolise la modernité, le progrès et la performance technique de la Turquie.
Le « ras-le-bol » des Stanbouliotes
En parallèle, les écologistes se battent bec et ongles pour pouvoir préserver le dernier grand parc d’Istanbul : le parc Gezi. Ils créent ainsi le mouvement des Indignés turcs : « Occupy Gezi ». A cela, s’ajoute la volonté de nombreux Stanbouliotes d’exprimer leur mécontentement, leur refus et leur « ras-le-bol » de la politique islamiste du Premier ministre. Le nombre de manifestants augmente de mois en mois et leurs revendications aussi. Ils s’opposent à « l’Islamisation » de la société identifiable, selon eux, à la restriction de la vente d’alcool, l’autorisation du port du voile islamique à l’Université, la limitation du droit à l’avortement… tandis que Recep Tayyip Erdogan sacrifie l’environnement, creuse la dette du pays de 7 points de PIB, en construisant des monuments et lance des projets surdimensionnés.
Islamisme et nationalisme
Projets qui flattent évidemment l’orgueil national turc et constituent autant de dérivatifs au mécontentement politique. Là encore les parallèles sont troublants avec la Chine –ou avec jadis la Russie de Staline- comme si communisme aussi bien qu’islamisme rimaient sans problème avec le nationalisme, y puisant une ressource politique sans limite et une garantie de durée sans équivalent.
Désormais la Turquie est un pays dont certaines infrastructures sont démentes et modernes, dont la religion est symbolisée par la plus grande mosquée du monde et dont les complexes industriels se multiplient. « Erdogan Le Magnifique », certes, laisse « sa trace » sur le paysage turc, tel un sultan, mais à quel prix ?
Rebecca Breitman
Crédit photo: Flickr: dibaer
http://www.trop-libre.fr/?s=Turquie
http://www.franceinfo.fr/monde/qui-manifeste-en-turquie-1011373-2013-06-03
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