Etats-Unis : tensions au sein du Parti Républicain

07 mai 2014

07.05.2014Etats-Unis : tensions au sein du Parti Républicain

En janvier dernier, l’un des candidats aux primaires du parti républicain (Etat de Géorgie) pour les élections au Sénat américain – David Perdue – s’est attiré les critiques d’une majorité de son électorat, provoquant de vives tensions au sein de Grand Old Party (GOP). Celui-ci a en effet déclaré être le seul à posséder les capacités intellectuelles requises pour exercer une telle fonction. Et de décrédibiliser la candidature de sa concurrente – ancienne secrétaire d’Etat de la Géorgie – Karen Handel, diplômée du seul enseignement secondaire[1].

Les électeurs républicains n’ont pas tardé à faire entendre leur mécontentement, et les critiques se sont multipliées à l’égard de l’ancien PDG de Reebok et de Dollar Général. La raison : une condescendance et un élitisme n’ayant pas lieu d’être, qui ont conduit David Perdue à présenter ses excuses à celle qu’il comptait décrédibiliser[2].

Cols bleus VS cols blancs

Le parti démocrate a longtemps rassemblé en son sein une grande majorité d’ouvriers. Cette situation a pour le moins évolué depuis quelques décennies, notamment à partir de la présidence de Ronald Reagan. En effet, cette période a marqué le début d’un transfert progressif de l’électorat initialement démocrate vers le parti républicain[3]. Aujourd’hui, les cols bleus sont majoritaires au sein du GOP, tandis que les cols blancs (cadres) se retrouvent pour la plupart au sein du parti démocrate. En Caroline du Sud par exemple, 53% de l’électorat républicain ne possèdent aucun diplôme universitaire. Dans l’Ohio, ces « sans diplôme » représentent plus de 55% de l’électorat. Le comité électoral de l’Iowa était quant à lui constitué à 48% de cols bleus.

Des valeurs communes

La classe ouvrière américaine se retrouve désormais davantage dans les valeurs défendues par le parti républicain. Attachée à la famille, cette catégorie sociale – très présente au sein des petites villes et du monde rural – a développé un sentiment patriotique fort. Les ouvriers défendent le port et la vente libres d’armes. A cet égard, ils considèrent que les efforts entrepris par le parti démocrate afin de renforcer le contrôle des armes à feu est une atteinte à leurs valeurs culturelles, et notamment au deuxième amendement de la Constitution américaine, qui dispose : « A well regulated Militia, being necessary to the security of a free State, the right of the people to keep and bear Arms, shall not be infringed. »[4]

Compétences et finances ne suffisent désormais plus

La réaction provoquée par la remarque jugée déplacée de David Perdue a permis de rendre compte des attentes de cette partie de l’électorat. Historiquement, le candidat considéré comme étant apte à affronter une telle campagne était nécessairement celui doté du CV le plus important et le plus brillant[5]. En revanche, aujourd’hui, mieux vaut être un « outsider » pour convaincre les cols bleus. Ce changement de perspective n’est pas sans compter sur une certaine dérive populiste, rappelant la campagne réalisée par Sarah Palin. Cette dernière travaille actuellement pour le compte de Karen Handel, et n’a pas hésité à venter les mérites d’une classe ouvrière au bon sens bien plus développé que des élites tout droit issues de la Ivy League[6].

Les transformations de l’électorat républicain perturbent les habitudes de campagne. Ainsi, les diplômes et financements des candidats ne suffiront peut-être plus à emporter les primaires. Cette fois, l’issue du scrutin s’annonce plus qu’incertaine. Une importante campagne de terrain est à prévoir d’ici 2016, que les candidats potentiels – que sont Rand Paul, Scott Walker, Bobby Jindal ou encore Marco Rubio – ont tout intérêt à anticiper et préparer dès à présent.

Sarah Nerozzi-Banfi

 Crédit photo :  DonkeyHotey



[1] Alex Roarty, “the class war inside the Republican Party”, The Atlantic, 21 avril 2014.

[2] Daniel Malloy, « David Perdue calls Karen Handel to apologize », The Atlanta Journal-Constitution, 10 avril 2014.

[4] « Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit qu’a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé ».

[5] Voir sur ce sujet : Charles A. Beard, An Economic Interpretation of the Constitution of the United States (1913).

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