Expatriation : une chance pour la France ?

Fondapol | 09 septembre 2014

8006422672_26a78e80d3_kExpatriation : une chance pour la France ?

Par @JulienGonzalez

Pour Axelle Lemaire, secrétaire d’Etat chargée du numérique, « l’expatriation est une chance inouïe ». En est-il de même pour l’économie française ?

Vouloir trouver des solutions aux maux qui rongent notre société tout en ayant la fainéantise d’en débattre consciencieusement : telle est l’impossible équation que nous nous efforçons de vouloir résoudre nous, Français, depuis trop longtemps. La faute à un implacable raisonnement binaire, à l’amour des caricatures qui nous assaillent dès que nous abordons un sujet un tant soit peu d’importance.

Blanc ou noir, pour ou contre, viande ou poisson, choisissez ! Politique de l’offre ou de la demande ? Austérité ou endettement ? Répression ou prévention ? Indignez-vous des débordements ayant eu lieu lors des manifestations de soutien à la bande de Gaza et certains vous classeront parmi les défenseurs d’Israël (soyez déjà content d’éviter le procès en islamophobie).

Révoltez-vous pour les innocentes victimes palestiniennes et vous risquez l’accusation de sympathie envers le terrorisme couplé à un antisémitisme rampant. Êtes-vous pour la destruction de la famille induite par le mariage pour tous ou homophobe ? Faut-il se préoccuper de créer les richesses ou de les redistribuer ?

Oui à l’expatriation…

Un autre débat s’approche et il va bien falloir choisir votre camp : l’émigration française est-elle une chance ou une menace pour notre pays ? Y a-t-il trop ou pas assez de Français hors de nos frontières ? La secrétaire d’État en charge du numérique a tranché : « l’expatriation est une chance inouïe », « les Français ne s’expatrient pas assez, c’est dommage », à lire dans le dernier numéro de Challenges. Vraiment ?

Que le nombre de Français vivant à l’étranger soit en constante évolution depuis 20 ans est d’une logique implacable et se contenter de s’émouvoir de cet état de fait semble bien illusoire. L’apprentissage d’une langue, l’ouverture à d’autres cultures, le gain d’expérience professionnelle sont autant d’opportunités remarquables offertes conjointement par la construction européenne et la mondialisation. Que nos jeunes compatriotes s’en emparent, que nos responsables politiques le valorisent et l’encouragent ! Madame Lemaire, nous sommes ici en parfait accord : le départ pour choix et la découverte pour horizon.

… mais non à l’émigration !

Mais que faites-vous des entrepreneurs qui quittent la France pour créer leur entreprise à Londres ou New York parce qu’ils jugent que cela sera beaucoup plus simple que dans notre pays ? Le registre mondial des Français établis hors de France fait état de 75 000 entrepreneurs à la tête d’une entreprise d’au moins 10 salariés, soit a minima 750 000 emplois créés à l’étranger par nos compatriotes. Une chance, vraiment ? Que vous inspire la perte de recettes estimée de 9 milliards par an pour le Trésor public due au départ des détenteurs de patrimoine depuis 20 ans ? Les jeunes diplômés qui ne trouvent pas d’emplois à la hauteur de leurs qualifications ?

Le vieillissement programmé des pays occidentaux et l’intensification de la concurrence internationale autour « d’une économie du savoir et de la connaissance » vont favoriser, selon l’OCDE, les migrations d’individus qualifiés entre les pays de l’OCDE, voire à destination des pays émergents. L’organisation internationale évoque même des pays « qui pourraient devoir gérer l’émigration tout autant que l’immigration » et parle de la « capacité à intensifier à la fois l’attraction et la rétention de travailleurs ». Madame la Secrétaire d’État, la question semble donc plus équivoque.

Trop ou pas assez ?

« Quand on regarde les chiffres, l’émigration est moins importante que celle des Anglais ou des Allemands, et c’est d’ailleurs bien dommage », poursuit Madame Lemaire dans Challenges. Elle se base certainement sur la dernière étude de la CCIP sur l’expatriation… qui invite également à ne pas s’arrêter à une simple lecture mathématique. L’émigration anglaise s’effectue par exemple essentiellement à destination des pays du Commonwealth ou vers des pays plus ensoleillés, l’Espagne arrivant en deuxième position des pays d’émigration derrière l’Australie (et devant les États-Unis) malgré l’état de son économie.

La langue et le climat du Royaume-Uni étant ainsi des facteurs clés. Concernant l’Allemagne, l’étude explique cette expatriation, notamment, par le modèle économique allemand et la forte présence à l’international de ses PME et ETI qui favorisent l’embauche des nationaux à l’étranger. Pour cette raison, l’émigration allemande est éclatée en un grand nombre de pays avec des communautés moins visibles que d’autres diasporas. S’il est nécessaire de comparer les chiffres, une analyse plus poussée laisse apparaître des réalités contrastées.

Mais Axelle Lemaire nous fait grâce du « les émigrés français sont des ambassadeurs de leur pays à l’étranger » cher à Hélène Conway-Mouret, ancienne ministre déléguée chargée des Français de l’étranger du gouvernement Ayrault II, et François Hollande. Elle a probablement pris connaissance des études faisant état d’un « French bashing »… des Français émigrés.

Sur ce sujet comme sur les autres, et pour reprendre la citation d’une illustre référence socialiste « le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire », celle-ci apparaissant souvent bien complexe. Mais encore faut-il vouloir la trouver. Vraiment.

les-echos

Crédit photo : Mathieu Delmestre

Commentaires (0)
Commenter

Aucun commentaire.