Extrémisme ou consensus mou : la politique ne fait plus rêver
Ambroise Mejean | 23 décembre 2015
Extrémisme ou consensus mou : la politique ne fait plus rêver
Par Ambroise Mejean
Les dernières élections régionales ont mis en lumière un pays divisé. Contrairement à ce qu’affirment nombre de commentateurs, il n’y a pas deux blocs mais trois. Les extrémistes, adeptes d’un repli identitaire, les « progressistes » qui refusent ce repli et, très majoritaires, les abstentionnistes qui se sont éloignés du monde politique. Quelles sont les raisons de ce partage ? Y-a-t-il des raisons d’espérer un renouveau ?
L’extrémisme : des solutions miracles face à l’échec des partis politiques conventionnels.
« Depuis 40 ans la gauche et la droite ont exercé le pouvoir, elles ont échoué, il est donc temps d’essayer autre chose », cette phrase prononcée d’une manière plus ou moins violente résume souvent la pensée de ceux qui se tournent vers le Front National ou plus marginalement vers la gauche – très – radicale. Elle est le symbole d’un rejet très fort des deux partis traditionnels qui n’ont pas su maintenir un rythme de croissance élevé ni éviter une augmentation du taux de chômage depuis la fin des Trente Glorieuses.
Pour récupérer des voix, les partis radicaux utilisent cet échec et désignent des boucs émissaires qui changent selon les époques et les idéaux mais poursuivent toujours le même objectif : cristalliser les tensions autour du rejet de l’autre. L’immigré, l’Europe, l’immigré, l’État trop puissant, l’immigré, l’État pas assez protecteur, l’immigré, les hommes politiques corrompus ou encore l’immigré constituent quelques-uns des repoussoirs mis en avant. La recette fonctionne de manière irrégulière puisqu’une part des électeurs des partis conventionnels ne cède aux sirènes des extrémistes qu’en temps de crise. Preuve en est l’ascension fulgurante du Front National depuis 2010 alors qu’il était au plus bas en 2007.
Par ailleurs, le FN, qui est aujourd’hui le représentant majeur des électeurs « radicalisés », a su se rajeunir et se refaire une image. Sans être présent physiquement, ses représentants bénéficient d’un soutien de plus en plus fort car la population entend parler en boucle de ce parti, sujet principal du monde médiatique et du monde politique. De plus, le mouvement propose des solutions radicales qui attirent des électeurs fatigués par l’inaction des politiques et même si les votants ne connaissent pas le programme ils ne doutent pas que « cela ne pourra pas être pire que ce qui est ».
L’abstention : désabusés et désintéressés, les électeurs ne vont plus voter.
C’est le sujet phare de chaque élection… jusqu’à 20h. Et puis, bizarrement, l’abstention disparaît au profit de l’analyse politique des résultats. Pourtant, lorsqu’on donne les scores en termes d’électeurs inscrits et non d’électeurs exprimés on constate que la représentativité des élus est mise à mal. Par exemple, en Bourgogne-Franche-Comté la socialiste Marie-Guite DUFAY va gouverner la région avec 20,2% des suffrages des inscrits au second tour.
Certes les régionales, comme toutes les élections intermédiaires, mobilisent moins que les présidentielles, cependant il reste anormal que dans une démocratie certains représentants soient aussi mal élus. D’ailleurs les chiffres montrent une progression constante du nombre d’abstentionnistes depuis les années 1980.
Ainsi, à l’image des électeurs radicaux, les abstentionnistes considèrent que la politique qui a été menée est incapable de répondre à leurs besoins. Par contre, ils se refusent à tomber dans un extrémisme qui semble tout aussi inefficace à résoudre les problèmes. Ils préfèrent ignorer la politique ou ne pas cautionner son mode de fonctionnement.
Envisageons une solution différente : portrait-robot de l’homme politique providentiel.
Notre régime présidentiel laisse peu de place au doute, le changement ne peut venir que d’une manière différente d’envisager la politique. Et cela passe par l’élection d’un président qui comprend les considérations et les aspirations d’une majorité de français.
On peut se risquer à évoquer une série de mesures phares, souvent proposées mais jamais appliquées pour redonner goût à la politique. Mise en place d’élections avec une dose importante de proportionnelle (la proportionnelle intégrale empêcherait un gouvernement stable), prise en compte du vote blanc dans les résultats, instauration d’un septennat non renouvelable qui donnerait au président la possibilité d’agir fermement (sans craindre une baisse de sa popularité en vue d’une réélection future), fusion du Sénat et du Conseil Economique Social et Environnemental avec un rôle consultatif pour la préparation des lois, plus de démocratie directe avec des référendums plus réguliers sur des mesures importantes,… La liste est non exhaustive, elle ne comporte d’ailleurs que des mesures politiques, mais elle se veut représentative des demandes qui émanent de ceux qui n’en peuvent plus de l’inaction.
Quoi qu’il en soit, il semble évident que certains candidats récurrents aux élections présidentielles ou certains politiques présents depuis déjà plus de 30 ans ne sont pas en mesure d’apporter ce renouveau. L’horizon de 2017 reste désespérément bouché pour ceux qui rêvent d’une évolution du monde politique.
Cet article est publié en partenariat avec Hémisphère Droit
crédit photo : flickr Max Sat

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