Hasta siempre, Comandante ? Rétrospective des années Chavez
21 mars 2013
Hasta siempre, Comandante ? Rétrospective des années Chavez
La mort du président vénézuélien, Hugo Chavez, le 5 mars dernier, a suscité de vives réactions. Figure de proue de la gauche latino-américaine, il fut pendant 14 ans le leader très controversé du pays le plus riche en pétrole au monde.
Issu des milieux militaires, son entrée en politique est marquée par une tentative manquée de coup d’Etat en 1992 contre le président en place dont il dénonce la gestion corrompue. Il passe ensuite deux ans en prison puis fonde son parti, le Mouvement Cinquième République (MVR) avec lequel il est élu à la tête de l’Etat en 1999.
Quel régime Chavez a-t-il mis en place ? Quel projet de société ? Et surtout, quel pays laisse-t-il à sa mort ? Quoi qu´il advienne, sa disparition place incontestablement le Venezuela face à un tournant de son histoire.
De la Révolution bolivarienne au « socialisme du XXIème siècle » : le projet chaviste
Hugo Chavez est élu président de la République vénézuélienne le 2 février 1999 grâce à un vaste projet qu’il baptise « Révolution bolivarienne », et qui se concrétise en partie dans la nouvelle Constitution qu’il fait adopter en Décembre de la même année. La référence à Bolivar, héros national et chef de l’Indépendance, est un pur calcul : en effet la figure est consensuelle et rassemble largement mais les idées de l’homme, converti au libéralisme européen du XVIIIème siècle, entrent, à l’exception du rêve d’unité latino-américaine, en contradiction avec celles professées par Chavez.
D´inspiration marxiste, la révolution s’organise autour de plusieurs axes. Elle revendique tout d’abord la protection des plus pauvres, par le biais notamment d’une réorientation de la rente pétrolière, désormais nationalisée, au profit de larges programmes sociaux baptisées « missions bolivariennes ».
Elle vise ensuite à rapprocher le peuple du pouvoir par la mise en place d’une « démocratie populaire participative ». La mesure la plus emblématique consacrée dans la nouvelle constitution est sans doute l’instauration d’un « référendum révocatoire » grâce auquel le peuple peut renvoyer n’importe lequel de ses dirigeants -Président de la République inclus- par référendum d’initiative populaire.
Enfin, pour ce qui est des relations à l’international, le programme chaviste s´appuie sur la lutte contre l’ « impérialisme néolibéral », visant ainsi principalement les Etats-Unis. Chef de file des opposants à la puissance occidentale, Chavez a condamné l’intervention militaire en Irak et soutenu des figures controversées telles qu’Ahmadinejad, Khadafi et Bashar El-Assad.
Quel bilan ?
On se doit de noter les nombreux progrès sociaux générés par les réformes chavistes: le pays s’est doté d’un système de protection sociale, l’accès gratuit à la santé et à l’éducation s’est généralisé, les conditions de travail et de logement se sont améliorées. L’extrême pauvreté est passée de 20,3% de la population en 1998 à 7% en 2011 et avec un indice de Gini de 0,41, le Venezuela est le pays le moins inégalitaire d’Amérique Latine.
Cependant un problème majeur demeure : la révolution bolivarienne est entièrement financée par le pétrole. Les recettes de l’entreprise publique d’exploitation du pétrole PDVSA (Petroleos de Venezuela SA) sont directement transformées en allocations et en conséquence, les programmes sociaux sont totalement assujettis aux variations du prix du baril. Aujourd’hui, l’économie vénézuélienne dépend à 96% des revenus de l’or noir.
Ceci génère un déséquilibre structurel de l’économie : face aux forts taux d’exportation la monnaie s’apprécie et il devient ainsi plus difficile d’exporter des produits hors hydrocarbures, ce qui décourage les investissements dans ces secteurs. L’agriculture, délaissée par l’Etat, est en ruines. Il est devenu nécessaire d’importer les produits de consommation de base, ce qui entraîne pénuries, coupure d’eau et d’électricité chroniques. A cela s´ajoute l’anéantissement du secteur privé-porté par la Révolution- et le blocage de toute initiative personnelle dans les secteurs en crise.
Parallèlement, la violence s’est considérablement aggravée (15 morts violentes par jour en moyenne à Caracas !) et la corruption continue de sévir dans toutes les couches de la société.
Le bilan de la politique chaviste est donc négatif car non construit sur un développement durable. N’étant jamais parvenu à construire un développement durable, la politique chaviste est donc finalement peu concluante.
Le chavisme : un populisme autoritaire
Hugo Chavez au pouvoir met en place un discours que l’on peut sans peine qualifier de populiste. En effet l’idée de « rendre le pouvoir au peuple » est au cœur de l’imaginaire politique qu’il élabore et se traduit dans un bon nombre de mesures qui jettent les bases d’une démocratie participative.
On décèle par ailleurs une rhétorique manichéenne du Bien et du Mal qui offre l´image d´un monde divisé entre ami et ennemi, l’ennemi étant les « riches » ou les « puissants ». Ces derniers n’auraient aucune place dans la République bolivarienne où règnent égalité et justice sociale.
D´autre part, la dimension populiste se confirme par l’aspect mystique que prennent les allocutions du Comandante. Chavez use et abuse de la figure de l’homme providentiel transcendé par sa fonction: il n’est plus lui-même mais l’incarnation du Peuple souverain. “Je ne suis pas un individu, mais un peuple”, se plait-il à répéter. Comme le proclament les slogans, Chavez est le peuple, le peuple est Chavez.
Typique également de l’imaginaire populiste la « théorie du complot », américain bien entendu, qui explique tous les malheurs du pays, y compris la maladie du dirigeant suprême.
Enfin paradoxalement à sa volonté de rapprocher le pouvoir du peuple, Chavez est parvenu à une monopolisation absolue de la scène politique et à une restriction de l’espace de l’opposition qui, muselée, devient dans un premier temps fantomatique. En effet, la dimension compétitive nécessaire à toute démocratie est anéantie par l’autoritarisme électoral qui caractérise le régime. Par le biais de manipulations institutionnelles et médiatiques qui faussent le processus électoral, on s’assure que le candidat est immanquablement élu. Le régime se soumet donc faussement aux impératifs électoraux pourtant nécessaires à sa légitimité puisqu’au cœur de l’idée de souveraineté populaire qu’il proclame.
Le Venezuela sans Chavez : -le problème de la succession
Mais le Président n´est plus et la République bolivarienne rencontre à présent le même problème que tous les régimes construits par un leader autour de sa personnalité : celui de sa succession. Chavez a de plus longtemps affirmé que le chavisme s’éteindrait avec lui et n’a évoqué que très tardivement la possibilité d’un passage de flambeau.
C’est le Vice-Président Nicolas Maduro qui est devenu Président par intérim le 8 mars dernier. Désigné par Chavez en dépit de la Constitution qui prévoit que le Président de l’Assemblée occupe ce poste, c’est un civil, ancien syndicaliste converti en politique. Il est présent sur la scène politique depuis 1999 mais s’est toujours montré discret. Proche du Président, il serait, selon le Comandante lui-même, le plus apte à poursuivre le processus révolutionnaire.
En face, sur l’échiquier politique, c’est l’occasion rêvée pour l’opposition menée par Henrique Capriles Radonski de continuer à s’imposer comme elle est parvenue à le faire lors des dernières élections d’octobre. En effet, Capriles a récolté 44% des voix et a été le premier et seul véritable challenger du Comandante ; la question est s’il saura transformer l’essai face à Maduro qui n’a ni le charisme et ni la popularité de son prédécesseur.
Louise Thin
Crédit Photo: Flicr,www_ukberri_net
Aucun commentaire.