Histoire du prix Nobel

Coralie Pereira | 11 octobre 2012

4051391400_daea5ced76Monsieur Alfred Nobel (1833-1896)

Par Coralie Pereira

L’ouvrage brosse en premier lieu le portrait d’Alfred Nobel, créateur du prix. Nous découvrons un homme complexe et ambigu, presque dans la contradiction permanente. Ainsi, celui qui demeure dans nos mémoires le créateur du Prix Nobel de la Paix fût un acteur important de l’industrie de l’armement du XIXe et l’inventeur de la dynamite. Solitaire, peu porté vers la société de ses contemporains, il s’évertuera pourtant à effacer l’image de marchand d’armes que le monde s’apprêtait à conserver de lui. Dans son ouvrage, c’est cette double dimension du personnage que décide de mettre en avant Antoine Jacob.

 

Un mécanisme secret et complexe

 

Pour éclairer le fonctionnement de l’institution Nobel, Antoine Jacob décortique le testament laissé par l’industriel. Document essentiel, ce texte énonce les différentes conditions inhérentes au recrutement et à l’architecture du jury. Assistés de conseillers enquêtant sur les nominés, les multiples Comités sont partagés entre différents groupes de hautes personnalités expertes dans les différents domaines (littérature, science, paix, physique-chimie). Le plus prestigieux des prix, le Nobel de la Paix, est quant à lui remis au(x) lauréat(s) par un comité Norvégien, garantissant une certaine neutralité.

Les délibérations, qui s’étendent entre février et octobre, sont longues et complexes, donnant lieu à beaucoup d’études, de recherches et de discussions, qui parfois se terminent en impasses (notamment lors des années où aucun lauréat n’est désigné). L’auteur met en avant un caractère essentiel de ce mécanisme de sélection : le secret, maître mot des nominations, discussions et délibération. Il vise à conserver une certaine indépendance des jurés mais entretient surtout un mystère qui impose la cérémonie de remise des récompenses comme l’une des plus attendues de l’année.

 

Le prestige Nobel

Depuis la première remise de prix en 1901 dans les cinq domaines que sont la Chimie, la Physique, la Médecine, la Littérature et bien sûr la Paix, le prix Nobel n’a cessé de voir sa réputation grandir et son prestige se confirmer. L’auteur en veut pour preuve l’intégration de nouvelles disciplines. Ainsi, en 1969, la Banque de Suède décide la création d’un Prix d’Économie associé au nom « Nobel ».

Aujourd’hui, plus d’un siècle après sa création, la remise des prix Nobel est toujours internationalement attendue. Tous les 10 Décembre, elle a lieu en grande pompe. Retransmis à la télévision, la cérémonie est conçue comme un événement médiatique incontournable. Les personnalités les plus en vue sont invitées à y assister et un concert réunissant des chanteurs mondialement connus a lieu le lendemain de la cérémonie. À mots couverts, l’auteur dénonce cette évolution de la célèbre institution. Il y voit une certaine commercialisation des Nobels, qui les détournent du testament fondateur.

 

Interprétations et adaptations du testament fondateur

Cette infidélité à l’esprit originel du prix est en partie due, selon l’auteur, à l’imprécision du texte d’Alfred Nobel, qui est loin de constituer un guide précis. Une grande liberté a ainsi été laissée aux exécuteurs testamentaires.

Le Nobel de la Paix en est l’exemple le plus éloquent. Ainsi, le testament précisait que ce prix devait être remis à « la personnalité ayant le plus ou le mieux contribué au rapprochement des peuples, à la suppression ou à la réduction des armées permanentes, à la réunion et à la propagation des progrès pour la paix ». Le concept de paix n’étant finalement que très légèrement défini, le Prix a été décerné depuis 1901 à des personnalités très diverses : des militants pour la paix, mais aussi des hommes politiques et des organisations humanitaires font partie des lauréats.

 

La politisation du Prix Nobel

Parce qu’ils existent depuis plus d’un siècle, les Nobels – de quelques catégories qu’ils soient – ont donné lieu à de multiples critiques. Le prix serait ainsi devenu un instrument géopolitique. Ainsi, choisir Barack Obama (2009) ou le dissident chinois Liu Xiaobo (2011) fut pour les détracteurs du prix un choix politique destiné à soutenir, ou dans le second cas, à désapprouver publiquement, la conduite de tel ou tel pays.

Analysant avec impartialité la liste des lauréats depuis la première remise de prix Nobel en 1901, l’auteur explique que les Comités Nobel, dans leur choix, ont cherché à apporter leur soutien à tel ou tel dirigeant, ou encore à l’apaisement de certains conflits. À titre d’exemple, l’auteur évoque l’année 1994, où le palestinien Yasser Arafat conjointement aux israéliens Shimon Peres et Yitzhak Rabin furent récompensés en vu de favoriser un processus de Paix au Proche-Orient.

 

Une enquête méthodique et universitaire à la portée de tous

 

Sans remettre en cause le bien fondé du Prix Nobel, l’ouvrage d’Antoine Jacob dresse un constat critique de l’évolution du Prix et pose des questions pertinentes. Les jurés sont-ils trop politisés ? Trahissent-ils le projet d’Alfred Nobel ou ne sont-ils pas au contraire fidèle à sa personnalité complexe ?

À ces interrogations, l’auteur apporte des réponses nuancées et argumentées. Avec honnêteté, Antoine Jacob détaille la démarche suivie lors de son enquête, revenant sur ses déplacements, ses fouilles dans les archives, ses entretiens avec les actuels dirigeants de l’Institut Nobel et des Comités de sélection mais également avec les détracteurs du prix dans sa forme actuelle. Sans doute parce qu’il est journaliste, Antoine Jacob a su simplifier son étude, et ainsi rendre son propos accessible à chacun.

 

crédit photo : Flickr, Alejandra H. Covarrubias


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