La pagaille politique après les élections en Irlande
Bastien Cueff | 25 mars 2016
La pagaille politique après les élections en Irlande
Par Bastien Cueff
À la fin du mois de février les irlandais ont voté pour élire les nouveaux membres du Sénat : le Dail Eirean. À la sortie des urnes, les résultats sont surprenants et contrastés. La formation d’un nouveau gouvernement s’avère être un exercice difficile.
Le gouvernement rejeté
L’ancien gouvernement de coalition emmené par Enda Kenny (Fine Gael) a mené une campagne laborieuse. En effet, l’argument martelé par les partis du gouvernement (Labour et Fine Gael) a été l’absence de politique alternative à celle précédemment mise en place. Le gouvernement menait la bonne politique et ceux qui voulaient s’en écarter étaient des démagogues. Si dans les chiffres, la situation peut facilement se vérifier, dans les faits elle est plus complexe. L’Irlande a connu avec la crise des problèmes de dettes conséquents. Placé sous quasi tutelle européenne, les dirigeants irlandais ont appliqué le remède de la Troïka (BCE, Commission Européenne, FMI). Le gouvernement irlandais a perdu la face devant l’Europe en promettant durant la campagne précédente de négocier des termes moins âpres pour les irlandais. Mais le gouvernement s’est rapidement plié aux exigences de Bruxelles. Les irlandais ont réagis par orgueil et ont sanctionné le gouvernement en conséquence durant cette élection.
Un échiquier politique éclaté
En une élection, le Labour est passé du statut de parti de gouvernement à celui de parti mineur. Il ne représente aujourd’hui plus que 6,6% des sièges du Sénat irlandais alors que le Fine Gael (libéral conservateur) qui était également au gouvernement se maintient avec 25.5% des sièges. L’autre parti majeur, le Finna Fail (conservateur) comptabilise 24.3% des sièges. C’est un score historiquement bas pour le Labour qui ne possède plus que six sièges au Sénat, soit un siège de plus que l’Alliance Anti-Austérité (AAA)[i]. L’échec du Labour est en partie dû à des arguments vieillissant et un parti qui ne se renouvelle pas.
C’est également la première fois que les deux principaux partis irlandais, le Fine Gael et Finna Fail, rassemblent moins de 50% des voix à eux deux alors qu’en 2007 ils réunissaient 67% des suffrages. Cette élection a réellement fait ressortir un éclatement des votes inédit. Aucun des partis n’a dominé les autres. Les leaders politiques ont éprouvé des difficultés à mobiliser et créer une dynamique autour d’eux. L’absence de réelle politique alternative a forcé les électeurs à considérer les hommes plus que les idées.
Le remède européen est mal vu par le peuple
Le gouvernement de coalition a appliqué la politique de la Troïka après la crise. Et cette politique a fonctionné puisque le chômage a chuté de 15% en 2012 à 8.5% en 2015. L’Irlande affiche un dynamisme économique et une croissance insolente de 6.9% en 2015[ii]. La politique fiscale extrêmement attractive pour les entreprises a permis de faire redémarrer l’économie. Pour autant les irlandais n’ont pas le sentiment de tirer profit de cette croissance. Une crise immobilière guète le pays et la réforme du système de gestion des eaux est venu frapper leurs portemonnaies. Jusqu’à il y a peu, l’eau courante n’était pas payante en Irlande. Ce qui est une dépense nouvelle à gérer pour les ménages. Pourtant la consommation est à un niveau inédit dans ce pays avec 3,6% de croissance de la consommation l’année dernière avec un maximum atteint de 8% sur certaines périodes.
Finalement la création du nouveau gouvernement s’annonce difficile, les tractations font état d’un possible gouvernement minoritaire puisque le Finna Fail et le Fine Gael n’arrivent pas à s’entendre. Historiquement ces deux partis ne se sont jamais entendus depuis le traité avec la Grande-Bretagne dans les années 1920. Il faudra composer avec de nouveaux acteurs et un parti nationaliste (Sinn Fein) fort qui gagne neufs sièges de plus qu’en 2011. Il est aujourd’hui le troisième parti du Sénat avec 23 sièges.
[i] Résultats complets sur le site de l’Irish Times : http://www.irishtimes.com/election-2016/results-hub
[ii] The Irish Times du 11 Mars 2016.
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