La Scandinavie, eldorado du système pénitentiaire

Alexis Gendry | 21 mars 2017

jail-1817900_960_720La cour d’appel d’Oslo a tranché dans l’affaire opposant le tueur néonazi Anders Breivik à l’État norvégien. Alors qu’un tribunal de première instance avait estimé, début 2016, que Breivik était traité de manière « inhumaine » en prison, ce dernier ayant lui-même affirmé être « lourdement affecté par l’isolement », les trois magistrats ont finalement décidé, mercredi 1er mars, de donner raison à l’État. L’occasion de se pencher sur la manière dont sont traités les prisonniers dans les pénitenciers de cette région.

 

Un modèle scandinave

 

22 juillet 2011. Anders Behring Breivik, extrémiste norvégien, amorce une bombe à proximité du quartier gouvernemental d’Oslo puis, déguisé en policier, exécute 69 personnes sur l’île d’Utøya, non loin de la capitale norvégienne. Il fera au total 77 victimes. À ce jour, il s’agit de l’attaque la plus meurtrière dans ce pays depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

 

Depuis lors, Breivik est incarcéré dans la prison de Skien, au sud-est de la Norvège. La condamnation à perpétuité n’existant pas dans son pays, il se voit « seulement » infliger une peine de 21 ans de réclusion, renouvelable de cinq ans en cinq ans. Cette peine, qualifiée d’indéterminée, est la sanction la plus radicale en Norvège.  

 

Placé à l’isolement depuis sa condamnation en août 2012, Breivik bénéficie toutefois, à l’image de la grande majorité des prisons norvégiennes, de conditions de vie plus que décentes : la Cour d’appel n’a en effet pas manqué de relever qu’il habitait une vaste cellule incluant notamment des équipements pour pratiquer la gymnastique ainsi qu’une télévision.  Cet établissement pénitentiaire s’inscrit dans la lignée du modèle scandinave, qui prône les prisons dites « ouvertes ». Ce modèle vise à donner un maximum d’autonomie aux détenus (voire à les faire travailler et étudier) afin de faciliter leur réinsertion dans la société une fois leur peine purgée. De quoi s’intéresser à l’efficacité de ce parti pris des autorités scandinaves, qui contraste fortement avec d’autres modèles étrangers.

 

Un succès sans pareil

 

Pour certains observateurs, ces prisons ouvertes sont une utopie. Le fait de fournir un véritable confort aux détenus ou de choisir de désarmer les gardiens annihilant tout l’effet « dissuasif » voulu par le système pénitentiaire. Les prisons françaises et américaines vont d’ailleurs à l’encontre de cette idée, en proposant un modèle totalement différent. Alors que les premières sont connues pour être surpeuplées, pour ne donner aucune autonomie aux prisonniers et pour favoriser les « sorties sèches » (sans aucun aménagement ni aide), les secondes enferment à outrance, possédant le taux d’incarcération le plus élevé de la planète, avec plus de 700 personnes écrouées sur 100 000 habitants en 2012.

 

Cependant, quand on s’intéresse au taux de récidive de ces pays, il semble que les condamnés scandinaves sont bien moins susceptibles de « replonger » que leurs homologues étrangers : alors que le taux de récidive est d’à peu près 20% en Norvège (et ne dépasse jamais 30% dans les autres pays de la région scandinave), il s’élève à environ 40% en France, et grimpait même jusqu’à 66% aux États-Unis il y a quelques années.

 

Cette différence flagrante peut notamment s’expliquer par l’autonomie conférée aux détenus dans les pays nordiques. Selon la conception prônée dans ces pays, en apprenant un métier durant leur réclusion, les condamnés deviennent bien plus à même de se réintégrer dans la société à leur sortie de prison, à l’instar d’Anders Breivik, qui suit actuellement un cursus de relations internationales, et ce malgré le contrôle extrêmement strict dont il fait l’objet. Pour John Pratt, professeur de criminologie à l’université de Wellington, ce taux de récidive peu élevé est la conséquence de l’instauration d’un cercle vertueux, dans lequel le crime est traité comme une maladie qu’il faut éradiquer. La prison, qui a valeur de vengeance dans la plupart des pays occidentaux, se transforme ici en une sorte d’accompagnement vers un nouveau départ. 

 

Vers une généralisation de ce modèle ?

 

Le modèle scandinave serait-il alors applicable ailleurs que dans les pays nordiques ?

 

De l’autre côté de l’Atlantique, le programme de Donald Trump ne comprend pas de mesures visant à faire évoluer la situation des prisons. Le fraîchement élu président des États-Unis a même fait annuler il y a peu une directive prise par son prédécesseur Barack Obama, qui prévoyait de mettre fin à l’utilisation de prisons privées pour les détenus fédéraux.

 

Du côté de la France, Il n’existe actuellement qu’une seule prison de type « ouverte » : il s’agit de celle de Casabianda en Haute-Corse, qui accueille en grande majorité des délinquants sexuels, et qui, bien qu’unique en son genre, peine à faire l’unanimité.

 

À l’aube d’un nouveau scrutin présidentiel sur le sol français, les propositions fusent de part et d’autre pour augmenter la capacité des centres de détention sur le territoire. Pourtant, la question de l’aménagement et des modifications des règles au sein de ces derniers n’est bien souvent pas évoquée, le modèle scandinave semblant encore se situer bien loin des priorités des différents candidats.

 

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