L'actualité commentée par Frédéric Bastiat : Les Arts

Fondapol | 14 août 2014

22.07.14 -3L’actualité commentée par Frédéric Bastiat : Les Arts

Frédéric Bastiat, Tome V – Sophismes économiquesCe qu’on voit et ce qu’on ne voit pas (1850) – Théâtres, Beaux-arts

« L’Etat doit-il subventionner les arts ?

Il y a certes beaucoup à dire Pour et Contre.

En faveur du système de subventions, on peut dire que les arts élargissent, élèvent et poétisent l’âme d’une nation, qu’ils arrachent à des préoccupations matérielles, lui donnent le sentiment du beau, et réagissent ainsi favorablement sur ses manières, ses coutumes, ses mœurs et même sur son industrie […]. On peut aller plus loin et se demander si, sans la centralisation et par conséquent la subvention des beaux-arts, ce goût exquis se serait développé, qui est le noble apanage du travail français et impose ses produits à l’univers entier […]. A ces raisons et bien d’autres, dont je ne conteste pas la force, on peut en opposer de non moins puissantes. Il y a d’abord, pourrait-on dire, une question de justice distributive. Le droit du législateur va-t-il jusqu’à ébrécher le salaire de l’artisan pour constituer un supplément de profits à l’artiste ? […] Ensuite, est-il certain que les subventions favorisent le progrès de l’art ? C’est une question qui est loin d’être résolue, et nous voyons de nos yeux que les théâtres prospèrent sont ceux qui vivent de leur propre vie […]. Voilà quelques-unes des raisons qu’allèguent les adversaires de l’intervention de l’Etat, en ce qui concerne l’ordre dans lequel les citoyens croient devoir satisfaire leurs besoins et leurs désirs, et par conséquent diriger leur activité. Je suis de ceux, je l’avoue, qui pensent que le choix, l’impulsion doit venir d’en bas, non d’en haut, des citoyens non du législateur ; et la doctrine contraire me semble conduire à l’anéantissement de la liberté et de la dignité humaines.

Mais, par une déduction aussi fausse qu’injuste, sait-on de quoi on accuse les économistes ? C’est, quand nous repoussons la subvention, de repousser la chose même qu’il s’agit de subventionner, et d’être les ennemis de tous les genres d’activité, parce que nous voulons que ces activités, d’une part soient libres, et de l’autre cherchent en elles-mêmes leur propre récompense […]. Loin que nous entretenions l’absurde pensée d’anéantir la religion, l’éducation, la propriété, le travail et els arts quand nous demandons que l’Etat protège le libre développement de tous ces ordres d’activité humaine, sans les soudoyer aux dépens les uns des autres, nous croyons au contraire que toutes ces forces vives de la société se développeraient harmonieusement sous l’influence de la liberté, qu’aucune d’elles ne deviendrait, comme nous le voyons aujourd’hui, une source de troubles, d’abus, de tyrannie et de désordre.

Nos adversaires croient qu’une activité qui n’est ni soudoyée ni réglementée est une activité anéantie. Nous croyons le contraire. Leur foi est dans le législateur, non dans l’humanité. La nôtre est dans l’humanité, non dans le législateur. »

 

Crédit photo : Sylvain Courant photographies

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