L’affaire Mehdi Meklat ou la fin du monopole de la gauche morale

Erwan Le Noan | 05 mars 2017

Les monopoles ont ceXVM7b94ba64-f796-11e6-9665-bb8b25e8c5d5ci de néfaste que, lorsqu’ils ne reposent pas sur la performance, ils confèrent à leurs bénéficiaires un sentiment de toute-puissance qui leur permet de s’abstraire des réalités, de vivre dans le confort rentier de leurs illusions incontestables et de museler ceux qui, d’aventure, auraient l’audace de les remettre en cause.

C’est le cas de la gauche morale, qui impose son monopole intellectuel sur le débat public en France depuis des années, excluant ceux qui s’en distinguent.

Simone de Beauvoir, sous-entendant que la droite revendiquait la possibilité de rester dans l’ignorance, écrivait : « La vérité est une, l’erreur multiple. Ce n’est pas un hasard si la droite professe le pluralisme ». Le message était clair : la gauche, elle, n’a que faire du pluralisme : dès lors qu’elle détient la vérité, toute dissidence d’opinion ne sert qu’à multiplier les risques d’erreur (et une erreur délibérée est une faute…).

Parmi les vérités à défendre, il y a celle selon laquelle les victimes ne peuvent pas être des bourreaux. Toutes n’ont cependant pas cet honneur : un policier frappé par des jeunes émeutiers n’est pas vraiment une victime ; c’est un dommage collatéral de l’expression d’une souffrance sociale. Celles qui ont toutefois la chance d’être désignées ont le privilège de l’irresponsabilité : on peut, par exemple, être jeune de banlieue (donc, implicitement, victime même inconsciente du colonialisme et de son héritage) et délivrer un discours antisémite, homophobe et raciste décomplexé. Une victime ne peut pas avoir délibérément mal fait : soit elle exprime de manière maladroite un traumatisme qu’elle a subi (c’est l’excuse sociale) ; soit elle doit être dans une forme d’expression artistique (c’est… n’importe quoi !). Voilà comment certains en sont venus à défendre Mehdi Meklat.

Déconnexion. Les monopoles ont un coût social. Dans l’affaire Meklat il est énorme car, en refusant de reconnaître l’horreur dans ses tweets odieux, la gauche morale qui le défend justifie que sa haine ait pu se répandre et légitime que d’autres la reproduisent. En lui accordant des interviews complaisantes où le garçon dit devoir s’exiler pour échapper à la « fachosphère », elle alimente implicitement dans les « quartiers » l’idée qu’en France les « fachos » peuvent organiser des cabales contre les jeunes d’origine maghrébine – et que c’est là le fond de la réaction médiatique des derniers jours.

Qu’importe : le monopole n’a pas besoin de se confronter à la réalité. Il peut ainsi refuser d’admettre qu’il y a un lourd problème d’antisémitisme dans les quartiers ; même si la Fondapol a déjà très précisément soulevé le sujet (L’antisémitisme dans l’opinion publique française, 2014) ; même s’il y a eu les violences de Sarcelles à l’été 2014 ; même si les pires rumeurs complotistes y prospèrent.

Les monopoles finissent souvent par s’effondrer, leurs certitudes alimentant leurs turpitudes. Ils subissent l’assaut des modèles alternatifs, qui étouffent de subir leur pression injuste et leur position injustifiée. Le monopole de la gauche morale s’effrite ainsi depuis quelques années, sous les coups de butoir des électeurs humiliés par la déconnexion qu’ils perçoivent entre le discours officiel et leur réalité sociale. L’affaire Mehdi Meklat vient de faire exploser un peu plus la forteresse. La concurrence des idées va reprendre de la vigueur ; mais il est à craindre que ce ne soit au profit de celles de la colère révoltée…

(Article initialement publié sur L’Opinion le 26 février 2017.)

 

 

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