Le cinéma français menacé ?
14 août 2014
Le cinéma français menacé ?
En 2012, près de 270 films et plus de 5200 heures de programmes audiovisuels ont été produits en France, soit un volume d’investissement de 1,3 à 1,4 milliards d’euros. 193 millions d’entrée ont été enregistrées en 2013, soit près de 3 par habitant.
Un système de soutien public d’une ampleur unique en Europe…
Le système français de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle se singularise au sein de l’Union européenne par l’ampleur des aides publiques accordées à ce secteur. Il repose en effet essentiellement sur des aides publiques, des taxes affectées au Centre National du Cinéma et de l’image animée (CNC), des aides des collectivités territoriales ainsi que d’importantes dépenses fiscales.
Sur les 10 dernières années, la tendance a été à la multiplication de ces dispositifs et à l’augmentation des financements. Ainsi, par exemple, les aides publiques ont augmenté de 80% entre 2002 et 2012. De même, les taxes affectées au CNC ont augmenté de 70% sur la même période, passant de 450 à 750 millions d’euros. Les dépenses fiscales ont également progressé, passant de 19 millions en 2002 à 145 millions en 2012. Cette augmentation est principalement due à la création de trois crédits d’impôt en 2004 et 2009. Enfin, des dispositifs fiscaux de droit commun ont également été utilisés : c’est par exemple le cas des dispositifs visant à favoriser l’investissement au sein des PME ainsi que des taux réduits de TVA accordés à Canal + et Numéricâble. Quant à la production audiovisuelle, 800 millions d’euros d’investissements des chaînes de télévision ont été réalisés en 2012, ainsi que 332 millions d’euros d’aides publiques.
…aujourd’hui dépassé
La mise en place de ce système de financement complexe avait pour objectif initial de développer le cinéma français et lui permettre de faire concurrence au cinéma américain. Le constat actuel en est loin : si les entrées en salle enregistrées en France ne cessent d’augmenter, celles-ci se concentrent sur une trentaine de films uniquement ; de même, si les financements croissent de façon continue, les résultats obtenus en termes de production sont bien loin des attentes du public. Surtout, la production française se voit largement remise en cause par le développement du numérique. D’une manière générale, l’économie globale de notre système est mise à mal par l’apparition de nouveaux opérateurs dans le domaine de la diffusion, lesquels concentrent leurs efforts ailleurs que sur la création française : ces nouveaux acteurs misent en effet sur le développement de nouveaux usages et de nouveaux modes de consommation de l’image animée, avec la volonté de pouvoir à terme accéder à différentes œuvres à tout moment et sur n’importe quel type de support.
Cet affaiblissement de notre système risque par ailleurs d’être aggravé par une tendance à l’augmentation des coûts de production ainsi qu’à une exposition plus réduite des films français en salle et à la télévision. Les perspectives de rentabilisation sont toujours plus aléatoires pour les investisseurs, accentuant la réorientation de leurs choix d’investissement.
Un politique culturelle à renouveler
Ce constat appelle sans plus tarder un renouvellement de notre système de financement du cinéma et de la production audiovisuelle français. La nouvelle orientation des investissements pourrait conduire à une perte de ressources potentielles pour ce secteur et constituerait une menace pour la viabilité du secteur de la production cinématographique et audiovisuelle.
Le cinéma français a aujourd’hui besoin d’une politique allant au-delà de la défense et de la protection des acteurs nationaux. La France a besoin d’une politique active, et non plus seulement défensive de sa marque cinématographique, qui lui permettrait de porter ses productions à l’échelle européenne et internationale et ainsi de parvenir aux objectifs fixés dès 1950.
Sarah Nerozzi-Banfi
Crédit photo : Flickr : achassignon
Source : Rapport Cour des comptes, avril 2014, Les soutiens à la production cinématographique et audiovisuel : des changements nécessaires
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