Le Conseil de Stabilité Financière

Fondapol | 24 juillet 2014

25.07.14 -1Le Conseil de Stabilité Financière : l’institution internationale méconnue qui marque le retour de la politique dans le champs de la régulation financière.

  1. Pourquoi n’existe-t-il pas d’Organisation Mondiale de la Finance ?
  2. Le Conseil de Stabilité Financière.
  3. La politique est de retour dans le champs de la régulation financière.

Le rêve d’une « citoyenneté universelle » est aussi ancien que le sont eux-mêmes les concepts de citoyenneté et d’universalité.  Ce rêve aujourd’hui s’incarne, à des degrés divers de multilatéralisme et de démocratie, au sein de nos institutions internationales: ONU, FMI, OMC, OMS, etc. Qui en effet aujourd’hui nierait que le processus de mondialisation des échanges économiques et des sociétés appelle inexorablement la politique à se mondialiser elle-même, et ainsi à se sédimenter dans ces institutions mondiales ? Et pourtant, certain champs de la politique sont restés hors de cette dynamique. Paradoxalement « la finance mondiale » a réussi à être à la fois l’un des visages les plus emblématiques de ce processus de mondialisation, en même temps que d’échapper à la dynamique de régulation qui accompagnait très souvent les autres champs de la mondialisation. S’il existe une Organisation Mondiale du Commerce, ou de la Santé, pourquoi n’existe-t-il donc pas d’Organisation Mondiale de la Finance ? La Banque des Règlements Internationaux jouait déjà le rôle de coordonner le travail des Banques Centrales et autorités prudentielles ainsi que la mise en place des réformes du Comité de Bâle. Elle n’a cependant pas le pouvoir d’initiative, et ainsi l’identité propre que le Conseil de Stabilité Financière[1] a fini par acquérir.

Il existe en effet désormais une institution internationale chargée de réguler la finance mondiale: le Conseil de Stabilité Financière (ou «Financial Stability Board»), crée en 2009 en remplacement du Forum de Stabilité Financière, jusqu’alors émanation du G7. Son rôle est de coordonner internationalement le travail des organisations nationales de régulation afin d’assurer une plus grande stabilité financière. Après avoir été dirigée par Mario Draghi il est désormais conduit par Mark Carney (gouverneur de la Banque d’Angleterre). Le Conseil est composé de 24 pays parmi les plus importants dans le champ financier, représentés en fonction de leur taille par la banque centrale, l’autorité de régulation des marchés financiers et les ministères des finances des pays en question. D’autres organisations internationales, comme le Fonds Monétaire International, ou syndicats majeurs de la finance y participent également à des fins de coordination.

Ce qui distingue le Conseil de Stabilité Financière des autres institutions de régulation financière nationales ou du Comité de Bâle est la présence des ministres de l’économie et des finances des pays les plus puissants du Conseil. Des éléments purement politiques sont ainsi le moteur de cette institution. C’est une véritable singularité. En effet les institutions de régulation de l’économie de manière générale sont tenues à l’écart des incitations politiques, de ses aspirations à l’immédiateté et du rythme de la vie publique, à l’instar de l’autonomie des Banques Centrales qui est un principe absolument fondateur[2]. Cette présence singulière du politique là où, traditionnellement, il n’est pas, se comprend également aisément si l’on se réfère à l’histoire de ce Conseil. D’abord groupe informel du G7, puis institutionnalisé en son sein avec la création d’un Forum spécifique, il s’en détache et obtient son autonomie en 2013. Au terme d’un processus de sédimentation de près de 20 ans, le Conseil de Stabilité Financière est apparu lentement, et donc discrètement, échappant ainsi à la curiosité des grands média et avec, à un questionnement à la mesure des pouvoirs qui sont les siens[3]. Cette grande discrétion n’aura donc pas permis jusqu’à maintenant de souligner ce qui est décisif pour chacun des citoyens que nous sommes: la politique est de retour dans le champ de la régulation financière. Et avec, le cortège des questionnements proprement politiques que chaque institution politique doit susciter, nouvelle ou pas. Le Conseil de Stabilité Financière est faiblement démocratique. Loin d’être composé de tous les Etats actuels, ni même animé d’une volonté d’universalité, il correspond à ce que Moisé Naïm appelle le «minilateralisme[4]», le nombre minimal d’acteurs et d’Etats nécessaires pour obtenir l’effet le plus important sur la scène mondiale.

Sa légitimité qui ne vient donc ni de son indépendance comme d’autres institutions internationales de régulation, ni de son universalité comme les institutions internationales politiques, et la présence d’acteurs de nature politique font de cette institution un acteur majeur et sans véritable équivalent . Son efficacité, sa capacité à respecter l’équilibre des pouvoirs en son sein et à inclure plus d’acteurs étatiques semblent ainsi des prérequis à la légitimité du Conseil de Stabilité Financière dans le futur. Politique, «minilatéral» et politisé, le Conseil de Stabilité Financière mérite donc désormais une attention médiatique plus soutenue qu’elle ne l’a été jusqu’à présent du fait de la lenteur discrète de son apparition parmi les organisations internationales. Espérons donc, pour toutes ces raisons, qu’il ne soit plus le seul objet des revues spécialisées.

 

@AmbroiseFahrner

Crédit photo : faceless ekone

[1]financialstabilityboard («Conseil de Stabilité Financière» en français)

[2]ecb.eu, notamment:

«CHAPITRE III – ORGANISATION DU SEBC – Article 7 – Indépendance

Conformément à l’article 108 du traité, dans l’exercice des pouvoirs et dans l’accomplissement des missions et des devoirs qui leur ont été conférés par le traité et par les présents statuts, ni la BCE, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des institutions ou organes communautaires, des gouvernements des États membres ou de tout autre organisme. Les institutions et organes communautaires ainsi que les gouvernements des États membres s’engagent à respecter ce principe et à ne pas chercher à influencer les membres des organes de décision de la BCE ou des banques centrales nationales dans l’accomplissement de leurs missions.»

[3]youtube.spider-man.degrandspouvoirsimpliquentdegrandesresponsabilités

[4]foreignpolicy.minilateralism

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