Le coût de la grève

20 juin 2014

20.06.20142Le coût de la grève

Tribune publiée dans l’Opinion, le 17 juin 2014.

Alors que l’activité économique est au point mort, une grève dans les transports publics ferroviaires se prolonge. Il est possible d’évaluer quelques ordres de grandeur de ses effets économiques. Sans surprise, ils sont assez importants dans la mesure où une grève des transports publics affecte un grand nombre de secteurs d’activité.

La première méthode d’évaluation consiste à estimer l’effet d’une grève sur le PIB (produit intérieur brut) de la France. L’Insee a estimé que les grèves massives dans les transports de 1995, qui avaient concerné 16 jours normalement ouvrés, ont pesé sur la croissance trimestrielle du 4ème trimestre 1995 à hauteur de -0,2% à -0,3% de PIB. Il est donc possible de considérer qu’une semaine de grève dans les transports publics fait perdre approximativement 0,1% de croissance de PIB sur le trimestre concerné. Cela dit, le PIB ne constitue qu’une mesure imparfaite des coûts socio-économiques d’une grève. Par exemple, il compte positivement le surplus de dépenses de consommation de carburants automobiles – surplus de dépenses qui augmente le PIB pendant la période de grève mais certes pas le bien-être.

Une autre méthode de calcul de l’effet économique des grèves conduit à évaluer les coûts liés notamment à la perte de temps associée à l’allongement des temps de déplacement (qui se répercute sur le temps de travail soit sous forme de retard à l’arrivée ou de départ anticipé du bureau) et au surcoût de transport lié à l’usage de moyens de transport de substitution (voiture particulière au lieu des transports en commun). Ce type de travail nécessite d’évaluer d’assez nombreux paramètres techniques. L’enquête de référence en la matière est celle de J.-P. Coindet relative aux grandes grèves de 1995 en France, parue en octobre 1998 dans le Journal of transportation and statistics. Il est possible, à partir de ces données, de considérer qu’une journée de grève dans les transports publics en France métropolitaine coûterait environ 300M€ à 400M€ par jour de grève en lien avec les deux facteurs évoqués. Ce coût est nettement plus élevé que la seule perte d’exploitation enregistrée par les entreprises publiques de transport durant la période de grève.

Ces évaluations sont prudentes. Elles ne tiennent pas compte par exemple de l’effet de fragilisation des PME induite par la grève dans les transports – PME qui ne parviennent plus toujours à livrer leurs marchandises alors que leur trésorerie est généralement déjà tendue. De surcroît, l’image de la France à l’étranger et son attractivité pour les investisseurs peuvent être altérées par les grèves dans les transports.

Pour mémoire, le système ferroviaire dans sa globalité n’est à ce jour pas entièrement financé. Il dégage une perte annuelle communément évaluée à près de 2Md€ par an – un chiffre qui pourrait être revu à la baisse si les agents de la SNCF et leurs familles payaient les billets de train au même prix que les autres citoyens.

Frédéric Gonand
Professeur d’économie associé à l’Université Paris-Dauphine

Crédit photo : 14wangs1

Twitter : @Lopinion_fr

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