Le don en nature : donner plus pour gagner plus

Serge Guérin | 20 mars 2015

10329928973_7d3ac154f7_kLe don en nature : donner plus pour gagner plus

Par Stéphanie Goujondirectrice générale de l’Agence du Don en Nature, et Serge Guérin, sociologue.

Alors que la crise a bouleversé notre économie et que notre modèle social est menacé, les entreprises auraient à gagner en misant sur de nouvelles formes de solidarité comme le don en nature.

Depuis 2008, la crise a bouleversé notre société. D’abord financière, elle s’est vite transformée en catastrophe économique et sociale, puis a entraîné une remise en cause de nos valeurs et une perte de confiance dans le modèle capitaliste. Face aux excès de la finance, face à la recherche excessive du profit, de réelles interrogations apparaissent sur la viabilité de notre mode de fonctionnement basé sur l’accumulation du capital au détriment de l’humain. Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus nombreux à penser que c’est en créant de nouvelles formes de solidarité que nous pérenniserons notre modèle et refonderons notre cohésion sociale.

Les entreprises ont là une opportunité à saisir : elles peuvent devenir des acteurs majeurs de cette nouvelle solidarité et renouer avec l’engagement dans la cité. Mais comment faire ? D’abord en allant au delà du green et du social washing, uniquement destinés à alimenter un rapport RSE, pour privilégier les actions concrètes et mesurables, contribuant, aussi, à donner du sens à l’activité des salariés. Ensuite, en simplifiant et en modernisant le don produit, qui permettra aux entreprises de donner plus en gardant un lien direct avec l’activité commerciale de l’entreprise. Pour cela, il fallait adapter le don produit au monde d’aujourd’hui, c’est ce que fait au quotidien l’Agence du Don en Nature.

Le don en nature : réinventer la façon de faire du social

Apparu en France il y a une dizaine d’années, le don en nature est une nouvelle forme de solidarité, originale et efficace, qui permet d’équiper à ce jour 750.000 personnes démunies en biens de consommation essentiels à leur vie quotidienne tels que des vêtements, de l’électroménager, des produits d’hygiène… Le principe est simple : plus de 600 millions de produits non alimentaires sont détruits chaque année pour cause d’obsolescence marketing. Quel gâchis ! Neufs et de qualité, ces produits pourraient pourtant servir à ceux qui sont dans le besoin.

Grâce au don en nature, au lieu d’être jetés, ils sont reversés à des associations luttant contre l’exclusion. Au centre de ce dispositif, il y a l’Agence du Don en Nature, créée en 2009 pour être le catalyseur de cette nouvelle chaîne de solidarité, et qui fait le lien entre 600 associations et une centaine d’entreprises donatrices. Dans cette équation, tout le monde est gagnant : les personnes en situation précaire qui bénéficient de dons utiles à leur vie quotidienne, les associations qui peuvent encore mieux jouer leur rôle à leurs côtés, l’environnement, car donner ses invendus c’est éviter 12.000 tonnes de déchets, et enfin, les entreprises qui ont choisi ce levier de solidarité. C’est aussi cela l’esprit de ce nouveau modèle social.

La réinvention de la solidarité s’arrête-t-elle là ? Non, loin de là. Elle se combine avec une révolution technologique qui nous permet de nous réinventer et nous aide à trouver des solutions originales et plus efficaces aux bouleversements de notre société. L’appropriation d’Internet par tous et l’émergence d’entrepreneurs assez audacieux pour casser les codes de consommations établis a permis à une économie du partage et du collaboratif de s’installer. Jérémy Rifkin l’a théorisé, nous sommes en pleine troisième révolution industrielle. Une révolution qui touche également les acteurs de la sphère sociale qui renouvellent leur approche de la solidarité afin de s’inscrire pleinement dans l’économie circulaire. C’était d’abord le microcrédit ou le crowdfunding, qui donnait accès aux personnes dans le besoin à de nouvelles sources de financement ; mais c’est aussi aujourd’hui le don en nature.  Car le modèle créé par ADN repose sur le e-don : une chaîne du don sécurisée grâce à l’informatisation de la logistique, un catalogue de produits en ligne accessible 24h/24h aux associations partenaires, pour leur permettre de commander ce dont elles ont besoin, au fil de l’eau.

L’économie de partage : une équation où tout le monde est gagnant

Aujourd’hui, 400 000 euros de produits sont donnés et redistribués aux plus démunis chaque semaine. C’est bien, mais nous pouvons aller plus loin. Nous voulons doubler les dons en trois ans. Pour cela, il faut convaincre encore plus de donateurs. Comment ? En leur démontrant que social et business ne sont pas nécessairement opposés. Au contraire, leur action sociale peut se retrouver au coeur d’une logique commerciale qui peut leur permettre de créer de la valeur. En effet, l’économie du partage réinvente également la façon de faire du social dans le cadre d’un cercle vertueux de collaboration entre toutes les parties prenantes. Car le don en nature a un double avantage : économique et social. Economique car il permet d’éviter des coûts de destruction ou de stockage, et ouvre droit à crédit d’impôt. Social parce que plus aucune entreprise ne peut s’affranchir d’une précarité grandissante dans son bassin d’emploi et même chez ses consommateurs. Social aussi parce qu’un tel engagement favorise la cohésion en interne, en fédérant des salariés autour d’un projet qui fait sens, et dont ils se réapproprient la fierté.

Mais, revenons au postulat de départ : la crise a bouleversé notre économie et nos entreprises. Avec ce moteur qui se grippe, c’est notre modèle social qui est menacé. Alors que jusqu’à présent les amortisseurs qui font la différence, et la force, de la France avaient permis aux familles les plus précaires de survivre, l’absence de rebond fait craindre que certains acquis ne soient remis en cause par des arbitrages budgétaires défavorables. Une menace qui mettrait en péril la cohésion de notre société : en effet, près de 10 millions de Français vivent dans la pauvreté, un record depuis 15 ans ! Certains affirment sans hésiter que c’est la solidarité qui sauvera notre monde. Grâce au don en nature, les entreprises peuvent démontrer qu’elles œuvrent pour le profit de tous. Elles peuvent saisir l’opportunité de réinventer cette dose d’ouverture vers l’autre et de solidarité qui leur permettra de renouer avec un rôle d’acteur engagé dans la cité. Il fallait leur donner les moyens d’agir dans ce sens, c’est ce que fait au quotidien l’Agence du Don en Nature !

Crédit photo : blu-news.org

Cet article a également été publié dans Les Échos

les-echos

Commentaires (0)
Commenter

Aucun commentaire.