Le Kazakhstan devient le premier pays émergent en Asie centrale
Rémi Velez | 10 avril 2015
Le Kazakhstan devient le premier pays émergent en Asie centrale
Par Rémi Velez
En 2010, pour la première fois, un État non-européen occupe la présidence tournante de l’Organisation de la Sécurité et de la Coopération en Europe (OSCE) [1]. En prenant la tête d’une organisation de statut intercontinental (Eurasie), le président de la République du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaïev, a pleinement fait entrer son pays sur la scène internationale et confirmé ses talents de diplomate. Si celui qui s’est fait nommer « chef de la nation » par les parlementaires de la Chambre basse ne se représente pas lors de l’élection présidentielle anticipée du 26 avril prochain, il quittera alors ses fonctions sur un bilan économique clairement positif.
Sous sa présidence, le Kazakhstan est devenu une puissance économique émergente grâce à ses richesses naturelles. Selon le Country Report 2010 de la Bertelsmann Fondation, le pays est le plus avancé des Etats de l’ancienne Union soviétique en termes de mise en œuvre des réformes du marché. Analyse toutefois tempérée par certains experts internationaux : il serait incertain d’affirmer que le pays est véritablement arrivé au terme de sa transition vers le modèle occidental d’économie de marché. En ce sens, La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) maintient que le processus de transition en Kazakhstan n’est pas encore terminé [2].
Une stratégie de développement marquée par l’action de l’Etat et la libéralisation de l’économie
Parmi les ex-républiques soviétiques, l’économie du Kazakhstan fut l’une des plus touchées par la désintégration de l’URSS : le PIB par habitant a diminué de 30 % dans les années 1990 [3]. Cependant, les réformes économiques de cette décennie ont aidé le pays à se remettre rapidement de la récession économique. Depuis l’indépendance, les performances du développement économique du pays ont été remarquables, si bien qu’il est présenté aujourd’hui comme un modèle de transition économique pour les anciens États socialistes [4]. Depuis 2001, la croissance du PIB a été parmi les plus élevés du monde (+10.6% en 2006).
La réussite économique du pays est associée à la personnalité et au programme de Noursoultan Nazarbaïev illustré par son slogan «l’économie d’abord, la politique ensuite ! ». Le président a constamment exprimé sa volonté de faire du Kazakhstan un succès économique et un pays prospère pour atteindre les niveaux de développement des pays européens. Sous l’exemple de Deng Xiaoping pour la Chine des années 1970 et 1980, les réformes économiques ont prévalu sur les changements politiques et la démocratisation de la société.
L’État a joué un rôle important dans la transition économique par la création d’entreprises d’économie mixte qui ont accru la concurrence dans les marchés de biens et services. Après le rôle actif de l’État, les deux autres piliers de la stratégie de développement ont été la libéralisation progressive des secteurs économiques et les investissements directs étrangers (IDE).
En effet, alors que les pays du Tiers-monde riches en ressources naturelles ont généralement protégé leur économie du commerce international au moment de l’indépendance, le Kazakhstan, au contraire, a largement privatisé le secteur de l’énergie et l’a rapidement ouvert aux IDE. Cette politique libérale a ainsi permis à l’administration kazakhe de ne pas tomber dans le piège de l’État-rentier, où l’argent facile apporté par l’exploitation des hydrocarbures est détourné par les fonctionnaires et le gouvernement.
Ce dernier a créé un fond souverain pour gérer efficacement les bénéfices de la manne pétrolière. Les exportations de pétrole, représentant la moitié de la valeur du total des exportations et 50 à 55% du budget de l’État, ont permis au pays de sortir de la période de récession postindépendance et de financer des projets d’aménagements comme ceux du centre-ville d’Astana [5], la nouvelle capitale depuis 1997.
L’exploitation des ressources naturelles, clef de l’essor économique kazakhe
Le Kazakhstan possède d’énormes quantités de pétrole, de gaz, de minéraux (uranium) et de métaux (or) : le sous-sol kazakh renferme respectivement 3 et 2 pourcents des réserves de pétrole et de gaz de la planète, et le pays représente un tiers de la production mondiale d’uranium.
Par ailleurs, le pays dispose d’un potentiel agricole considérable avec ses vastes steppes irriguées où, malgré le manque d’eau [6], pousse abondamment du blé dur (1er exportateur mondial de farine). L’État a été aidé par la hausse des prix des matières premières et a reçu les liquidités nécessaires au développement d’un secteur industriel national orienté vers l’extraction et la transformation des ressources naturelles, le matériel de construction et les engins militaires [7].
Dans ce contexte économique, le principal défi pour le pays est d’assurer une utilisation optimale des revenus pétroliers. Bien que la production devrait se prolonger à son niveau actuel jusqu’en 2050, le gouvernement a pris de nombreuses mesures pour diversifier l’économie afin que le pays ne dépende bientôt plus de la manne pétrolière. Le Fonds national de la République du Kazakhstan a été créé en 2000 pour prendre en charge les recettes pétrolières excédentaires et éviter le comportement d’État-rentier. De 2000 à 2010, les ressources annuelles du fond ont augmenté de 1,2 milliards de dollars USA à 33,7, ce qui a permis de financer divers programmes de développement industriels.
Toutefois, ces programmes n’ont jamais atteint les objectifs fixés, en grande partie parce que les infrastructures et le niveau technologique du pays sont insuffisants. Un autre problème majeur de l’économie kazakhe est le manque de ressources humaines qui reflète une pénurie de cadres supérieurs et d’ingénieurs qualifiés. Ainsi, de sérieux défis sont encore à surmonter par le Kazakhstan sur la voie sinueuse du développement économique et humain.
[1] http://www.ekonomico.fr/2012/03/le-kazakhstan-un-pays-emergent-encore-meconnu/
[2] http://www.ebrd.com/downloads/research/annual/ar10e.pdf
[3]http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMTendanceStatPays?codeTheme=2&codeStat=NY.GDP.PCAP.KD&codePays=KAZ&codeTheme2=2&codeStat2=x&codePays2=KAZ&langue=fr
[4] http://www.peterlang.ch/download/extract/80432/extract_265095.pdf
[5] http://www.liberation.fr/grand-angle/2006/01/03/astana-capitale-du-kazakhstan-polyphonie-de-beton_25246
[6]http://www.lesfrereslatullaye.fr/la-mer-d-aral-exploit-agricole-en-desastre-environnement-hommes
[7]http://www.novastan.org/articles/un-nouvel-helicoptere-de-combat-deurocopter-bientot-produit-a-astana-2
Crédit photo : mariusz kluzniak / Flickr
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