Le Portugal remboursera-t-il sa dette ?
10 mars 2015
Le Portugal remboursera-t-il sa dette ?
Malgré la politique budgétaire relativement responsable de l’exécutif portugais, rien ne prouve que le prochain gouvernement poursuivra sur cette voie au lieu de prendre la première à gauche pour s’engager sur la route de la servitude.
Actuellement, la volonté inébranlable du gouvernement portugais semble plaider pour un remboursement de la dette, ou tout du moins pour l’absence d’un défaut portugais dans les années à venir. Le contraste avec son ancien camarade grec, qui était assis comme lui au fond de la salle de classe européenne, est révélateur. En février, pendant que Syriza essayait tant bien que mal de s’engager sur la voie des vénézuéliens ou autres argentins, dont la réussite est aussi frappante que, disons, la hache du bourreau, le Portugal annonçait son intention de rembourser par anticipation au FMI 14 milliards d’euros du prêt qu’il lui avait concédé, proposition acceptée par ses créanciers internationaux. Le Portugal emboîte ainsi le pas à l’Irlande, qui avait remboursé par avance 9 milliards d’euros au FMI. Entre nous, mieux vaut suivre l’exemple irlandais que l’exemple argentin… Selon les calculs de la Commission Européenne, le Portugal devrait économiser environ 500 millions d’euros grâce au différentiel de taux d’intérêt, le pays se finançant actuellement autour de 1,75% à 10 ans, contre un taux de 3,7% concédé par le FMI. Certes, la dette publique portugaise se monte toujours à 128,7% du PIB en 2014, mais ce chiffre prend en compte les émissions d’obligations réalisées par le Trésor portugais pour se constituer un matelas de sécurité en profitant des taux bas, matelas pouvant justement servir à des remboursements anticipés.
Comme on le voit, le gouvernement portugais et sa ministre des finances Maria Luís Albuquerque mènent une gestion budgétaire relativement responsable et de long-terme, qui tranche avec les gesticulations grecques. Les récents échanges d’amabilités entre Lisbonne et Athènes, le premier ministre Pedro Passos Coelho qualifiant les idées de Syriza de « conte de fées », et Alexis Tsipras désignant l’Espagne et le Portugal « en tête des forces conservatrices en Europe », sont révélateurs de ce clivage.
Néanmoins, il ne faut pas oublier que le gouvernement actuel, de centre-droite, ne restera pas éternellement aux manettes. Les élections législatives prévues pour l’automne 2015 se rapprochent, et le PS portugais caracole en tête des sondages. Quelle est la position de la gauche portugaise au sujet de la dette souveraine ?
Je me trouvais justement en décembre dernier à une conférence parlementaire, à l’initiative du PS, sur la restructuration de la dette. Preuve que cette idée reste présente au sein d’une certaine partie de la gauche portugaise. Que s’est-il dit à cette conférence ?
Trois expériences de restructurations de dettes souveraines ont été présentées à l’Assemblée de la République.
Tout d’abord l’expérience argentine de 2001, lorsque le pays sud-américain s’était déclaré en situation de banqueroute pour un montant total avoisinant les 100 milliards de dollars. Jorge Argüello, ambassadeur argentin au Portugal, a défendu l’idée que la restructuration de la dette avait été bénéfique pour son pays et a conseillé aux parlementaires de suivre la même voie. João Duque, professeur à l’Institut Supérieur d’Economie et de Gestion (ISEG) de Lisbonne, a au contraire rappelé que l’Argentine a été obligée de retourner se financer sur les marchés, et qu’elle n’a réussi à lever que 286 millions d’euros sur un objectif de 3 milliards. L’application au Portugal d’une restructuration sur le modèle sud-américain aurait d’autres conséquences désastreuses pour l’économie nationale : la destruction d’une partie des actifs des banques portugaises entraînerait un besoin de recapitalisation du secteur, qui devrait de toute manière être assurée par l’Etat.
L’exemple équatorien a également été mis en lumière, suite au refus du pays d’honorer 40% de sa dette publique extérieure, considérée comme “illégitime”.
Troisième expérience analysée : la restructuration de la dette grecque au début de la crise. Jeffrey Anderson, directeur général des affaires européennes de l’Institut of International Finance (IIF), qui a accompagné le processus de restructuration de la dette grecque, a appelé les Portugais à ne pas suivre la même voie que la Grèce.
On voit que ces exemples, au moins dans les cas argentin et grec, font plutôt figures de repoussoirs que de modèles.
Qu’en est-il en termes de soutenabilité de la dette ?
Un premier groupe d’économistes a estimé que si le Portugal poursuivait ses efforts de consolidation, la dette serait soutenable. Parmi les idées avancées pour garantir la soutenabilité des finances publiques, l’engagement des partis sur des limites pluriannuelles de dépenses à ne pas dépasser est souvent revenu.
De l’autre côté, de nombreux économistes proches du PS ont assuré aux parlementaires que la soutenabilité de la dette publique portugaise était une fiction. Paulo Trigo Pereira, professeur à l’ISEG de Lisbonne, a rappelé les hypothèses retenues par la troïka pour que le scénario de soutenabilité de la dette soit respecté : taux d’intérêts inférieurs à 3,5%, excédents primaires supérieurs à 4%, croissance supérieure à 1,7% à partir de 2016 et taux d’inflation de 2%. Seraient également nécessaires une réforme de la Sécurité Sociale et la diminution de la masse salariale du secteur public. Traduction pour les députés de gauche : l’enfer.
En conclusion, le fait même que le PS, qui sera très certainement à la tête de l’exécutif portugais avant la fin de l’année, choisisse d’aborder la question de la restructuration de la dette et fasse travailler des économistes sur ce thème, a de quoi inquiéter les créanciers du Portugal. Et ce malgré les efforts budgétaires concédés par le gouvernement actuel.
Crédit photo : mammal
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