Le septennat non-renouvelable : ses menaces et les conditions pour les éviter

Romain Millard | 07 novembre 2014

HollandeLe septennat non-renouvelable : ses menaces et les conditions pour les éviter

Par Romain Millard, étudiant en Master Droit Economique à Sciences Po Paris, conseiller municipal de Villebon sur Yvette (91)

Un nombre croissant de responsables politiques préconisent le passage à un mandat présidentiel de sept ans non-renouvelable, dans l’espoir de re-sacraliser la fonction et la protéger du syndrome de la « campagne permanente ». Cependant, sans l’inscrire dans une rénovation de nos institutions beaucoup plus profonde, cette réforme pourrait être des plus contre-productives. 

Le théologien américain du XIXe siècle James Freeman Clarke avait eu cette phrase passée à la postérité : « Un homme politique pense à la prochaine élection, l’homme d’Etat à la prochaine génération. » A l’heure où la parole publique est décrédibilisée par l’impuissance apparente des élus nationaux face aux crises récentes et les scandales financiers successifs, on rêve de trouver des personnages publics plaçant l’intérêt général au-dessus des intérêts particuliers et prêts à faire des choix difficiles sans chercher à sauver leur propre popularité.

Le Président de la République est enfermé par le quinquennat dans une logique de survie politique

Il est aisé de constater que le quinquennat a contribué à accélérer le temps politique et à jeter le Président de la République, supposément la clé de voûte des institutions et l’arbitre au-dessus des partis, dans une frénétique campagne permanente. On a reproché à Nicolas Sarkozy comme à François Hollande de gouverner sans cap, au gré des sondages d’opinion ou des grognements de la rue. Ce reproche est moins lié à leur personnalité qu’au court délai – cinq ans – qu’ils possèdent pour agir et qui ne peut que les pousser à privilégier les coups d’éclat de court terme et remettre à plus tard les grands chantiers dont ils ne pourraient tirer aucun bénéfice électoral.

Le mandat non-renouvelable n’est pas la garantie d’avoir un Président dévoué à l’intérêt général

Il serait illusoire de croire qu’il suffit de donner au Président de la République un mandat plus long de deux ans et lui interdire de se représenter pour croire qu’il va se dévouer corps et âme à l’intérêt général, ignorer les calculs partisans et, avec la noblesse du martyre, conduire le pays vers la lumière malgré les coups de fouet assénés par l’opinion publique.

Ce serait avoir une foi immodérée – et franchement naïve – en la nature humaine. Comme l’avait formulé Montesquieu en son temps, « tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ». Dès lors qu’il serait libéré de la sanction du suffrage universel, qu’est ce qui empêcherait le Président de laisser libre court à ses fantaisies, à son sectarisme idéologique voire à sa malhonnêteté ou tout simplement à sa paresse en se claquemurant dans son palais pour profiter des délices du pouvoir sans soucier de ce qui se passe au dehors ?

Un Président ne pouvant se représenter cesse de peser sur l’avenir de ses troupes

On pourrait répondre que le Président ne gouverne pas seul et qu’il pourrait être rappelé à son devoir par son gouvernement et surtout sa majorité. Là encore, ce serait pécher par angélisme.

Le cas de figure le plus probable serait qu’à la première difficulté, les députés se désolidarisent du Président et s’agrègent autour d’une nouvelle figure qui leur promet « une autre politique ». Ils pourraient même se sentir libres de refuser de voter les réformes du Président s’ils jugent qu’elles menacent leurs intérêts électoraux à court terme. Un Président qui ne peut plus se représenter et peser sur l’avenir de ses troupes est déjà un cadavre politique qui ne peut plus faire peur à personne.

Souhaite-t-on réellement retrouver les cohabitations ?

Enfin, on retrouverait les cohabitations qui seraient dans le contexte actuel du pain béni pour les populistes dénonçant le gouvernement « UMPS ». La ficelle du Président qui se refait une virginité sur le dos de son gouvernement de cohabitation a été trop utilisée pour être efficace à nouveau. Rappelons que c’est à l’issue d’une cohabitation de cinq ans entre un Président de droite et un Premier ministre de gauche (1997-2002) que le candidat de l’extrême droite, pourfendeur de « l’establishment » s’est retrouvé propulsé au second tour des élections présidentielles.

Si l’on n’accompagne pas le passage au septennat non-renouvelable d’autres réformes institutionnelles, on achèvera de décrédibiliser la fonction présidentielle en la déresponsabilisant et en ôtant à son titulaire tout moyen de tenir sa majorité sur l’ensemble de son mandat. Le Roi sera plus nu que jamais alors qu’on souhaitait le rhabiller.

Le septennat non-renouvelable doit être accompagné d’autres réformes institutionnelles

L’idée d’extraire le Président de la République de la frénésie de la politique politicienne quotidienne et l’autoriser à prendre des décisions de long terme – notamment dans les domaines écologiques, éducatifs et diplomatiques qui sont aussi essentiels que peu profitables électoralement – est une bonne idée. Mais elle doit s’inscrire dans une dialectique : d’un côté plus de marge de manœuvre pour le Président, d’un autre côté plus d’espace de participation pour les électeurs au quotidien.

Voici une liste (non-exhaustive) de réformes qui doivent accompagner le septennat non-renouvelable pour rendre notre démocratie à la fois plus stable et plus dynamique à l’échelle nationale et qui devront alimenter le débat sur une rénovation de nos institutions :

  • appliquer le septennat non-renouvelable aux députés afin qu’ils soient dans la même logique que le Chef de l’Etat du début à la fin
  • élire les députés un mois avant le Président et non pas après pour rendre leur importance aux élections législatives lors desquelles le débat sur le programme électoral doit être tranché avant d’entamer le débat – important mais plus secondaire – sur les personnalités
  • rendre les mandats « impératifs » sur certains points du programme librement déterminés par les candidats et engager leur responsabilité civile en cas de manquement à ces impératifs à l’issue de leur mandat
  • organiser au moins deux référendum par an : le premier sur un sujet choisi conjointement par le Président et sa majorité, le second d’initiative populaire
  • rendre le vote obligatoire pour forcer les citoyens à sortir de leur individualisme quotidien et à s’intéresser régulièrement au débat public

Crédit photo : Élysee.fr

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