Le tirage au sort en politique

11 août 2014

16.03.2014Le tirage au sort en politique

La Fondation pour l’Innovation politique défend l’utilisation du tirage au sort dans des conditions précises au niveau local  (numéro 7 « intensifier la démocratie ! » des 12 idées pour 2012)[1]. Il en demeure pas moins que nous considérons que la démocratie participative est le meilleur système pour garantir les libertés publiques et la qualité de la législation.

Ancien stagiaire à la Fondation pour l’innovation politique, diplômé de Science Po Toulouse, Charles-Antoine Brossard s’est passionné pour l’idée d’un retour partiel au tirage au sort. Cette idée fut l’objet de son intérêt lors de notre évènement exceptionnel, 24 heures non-stop Le progrès, c’est nous ! Il nous propose l’article que nous sommes heureux de publier pour l’intérêt du débat, même si nous n’en partageons ni toutes les analyses ni les conclusions.

Un conseil populaire tiré au sort pour un renouveau démocratique

Le tirage au sort, utilisé comme procédure de sélection des représentants, à savoir des citoyens participant aux décisions collectives, est une idée aussi vieille que la démocratie. Ce sont les Grecs de l’Antiquité qui l’ont employée, avec un certain succès, dans une combinaison de procédures de sélection qui alliait tirage au sort et élection.

Aussi ce mode de scrutin, à la différence de l’élection, présente de nombreux avantages. Sa vertu tient en peu de choses : la participation de toutes et de tous aux décisions collectives, à la démocratie.

En cette période de campagne pour les élections municipales de 2014, le Collectif citoyen pour le tirage au sort vous propose donc l’idée suivante : la création d’un conseil populaire composé de citoyens tirés au sort[2].

Impuissance citoyenne, classe politique désavouée

Crise économique, sociale, écologique et, plus largement politique, nous sommes nombreux à être pessimistes quant à notre avenir et celui de notre pays. Une tendance qui nous confine à un sentiment d’impuissance et qui nous refuse la capacité à produire le changement. De manière générale, 34 % des sondés français ressentent de la morosité, 31% de la lassitude et 30% de la méfiance[3] !

A ce constat doit s’ajouter celui d’un désaveu croissant des citoyens vis-à-vis de la classe politique : 87 % considèrent que les responsables politiques ne se préoccupent peu ou pas de leurs avis [4]! Certes, il faut nuancer ce tableau. La confiance vis-à-vis des représentants peut varier suivant le niveau de décision – nous avons beaucoup plus foi dans nos maires que dans les députés européens voire les ministres[5].

Les Français ont toutefois l’impression, que le personnel politique « fait des promesses pour le seul plaisir de ne pas les tenir »[6], leur laissant un goût amer vis-à-vis de la chose publique (i.e. respublica).

Et pourtant, il demeure impérieux de les réconcilier avec la République, leurs élus et, plus largement, la politique …

La « démocratie représentative »,  un régime qui ne saurait échapper à la critique.

La France, comme l’immense majorité de ce que nous nommons « démocraties », est un régime représentatif – « mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde »[7], d’où l’importance de cette précision. Ce système politique peut être défini selon quatre principes :

(1) « les gouvernants sont désignés par élection à intervalles réguliers » ;

(2) « les gouvernants conservent, dans leurs décisions, une certaine indépendance vis-à-vis des volontés des électeurs. » ;

(3) « les gouvernés peuvent exprimer leurs opinions et leurs volontés politiques sans que celles-ci soient soumises au contrôle des gouvernants. » ;

(4) « les décisions publiques sont soumises à l’épreuve de la discussion. »[8].

Si les deux derniers principes sont bel et bien une condition sine qua none garantissant l’édifice démocratique, les deux premiers restent discutables.

L’élection n’est pas une procédure intrinsèquement démocratique. Montesquieu, ainsi qu’Aristote, Rousseau ou encore Montaigne considéraient l’élection comme étant le mode de désignation d’une élite, et donc de nature aristocratique (ou oligarchique) : « Le suffrage par le sort est de la nature de la démocratie. Le suffrage par le choix est de celle de l’aristocratie. Le sort est une façon d’élire qui n’afflige personne ; il laisse à chaque citoyen une espérance raisonnable de servir sa patrie »[9].

C’est là que se pose la problématique de l’indépendance des représentants : la liberté d’opinion est respectée, critiquer nos représentants est possible, mais le pouvoir  de les démettre de leurs fonctions, s’ils ne respectent pas leurs promesses ou même notre avis, n’existe pas. Or, un régime qui se revendiquerait de la démocratie se doit d’avoir des contre-pouvoirs, populaires de surcroît car l’essentiel « [n’est pas tant] l’origine des pouvoirs, [mais] le contrôle continu et efficace que les gouvernés exercent sur les gouvernants. »[10].

Ce n’est donc pas simplement l’élection en elle-même qui pose problème, mais l’absence de contrôle qui est exercée sur les représentants.

Un conseil populaire tiré au sort : de quoi parle-t-on ?

Un conseil populaire composé de citoyens tirés au sort au sein d’une commune serait un moyen efficace, peu coûteux et véritablement démocratique de détailler, examiner, délibérer et approfondir les décisions prises par nos élus tout en permettant la participation directe des citoyens aux décisions qui impactent leur vie quotidienne.

Ce conseil populaire n’a pas ici vocation à remplacer le conseil municipal issu de l’élection. Son rôle est de proposer, par la délibération de ses membres, des points à aborder ou des décisions à prendre lors des réunions du conseil municipal. Le conseil municipal aura à ce titre un devoir d’information et de transparence envers les citoyens et les membres du conseil populaire.

A la différence des Conseils de quartier[11], les membres du conseil populaire ont un mandat court, non-renouvelable pendant le mandat du maire et disposent  du seul pouvoir propositionnel. Ils ne siègent pas pour être uniquement consultés par le conseil municipal, mais pour lui donner à la fois un retour quant à sa politique et lui proposer des directions à prendre.

Ce ne sont que des propositions, mais un conseil municipal qui refuserait systématiquement des mesures proposées par le conseil populaire ne jouirait pas d’une bonne image auprès de ses membres mais surtout des habitants de la commune. 

La commune, laboratoire démocratique par excellence

Bien entendu, ces conseils populaires peuvent être étoffés, il ne s’agit ici que d’une proposition minimale que les citoyens comme les élus peuvent améliorer, rendre plus inclusive, participative.

L’idée, est somme toute assez simple : faire de la commune le terrain d’une véritable expérimentation démocratique que citoyens et élus pourront s’approprier. En ce sens, notre Collectif est convaincu que le meilleur chemin pour faire aboutir l’idée du tirage au sort est de commencer par le niveau local : proche des citoyens, au plus près de leurs problèmes, facile d’accès, pragmatique, il sera d’autant mieux compris – sans compter que la diversité des approches offrira des débats enrichissants…

Nous vous appelons donc à signer notre appel pour la création de conseils populaires tirés au sort, à mobiliser vos élus ainsi que vos proches sur cet enjeu.

Nous pensons intimement que cette période est propice au renouveau, à l’espoir d’un changement qui, pas à pas, prendra forme – mais sa forme ne dépend que de votre engagement !

Pour signer cet appel : http://conseilpopulairetireausort.wesign.it/fr

Charles-Antoine Brossard

Co-animateur du Collectif citoyen pour le tirage au sort

Note de la fondation pour l’Innovation politique :

Gil Delannoi – Le retour du tirage au sort en politique

Crédit photo : alpha du centaure


[1]http://www.fondapol.org/etude/nos-idees/intensifier-la-democratie-712/

[2] Un conseil populaire tiré au sort : pour la participation de toutes et tous à la démocratie locale, http://conseilpopulairetireausort.wesign.it/fr.

[3] Sondage OpinionWay pour le Cevipof, Baromètre de la confiance politique. Vague 5 – janvier 2014, http://www.youscribe.com/BookReader/IframeEmbed?productId=2381269&width=100%25&height=0&startPage=1&displayMode=scroll&documentId=2358688&fullscreen=1&token=, Décembre 2013

[4] Ibid.

[5] Ibid.

[6] William Hazlitt (1778-1830), écrivain irlando-britannique.

[7] Albert Camus (1913-1960), philosophe, romancier, dramaturge, essayiste, nouvelliste, journaliste.

[8] Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Flammarion, 1996, pp. 17-18

[9] Montesquieu, L’esprit des lois, Livre II, chapitre 2.

[10] Alain, Propos sur le pouvoir. Éléments d’éthique politique, Paris, Folio Essais, 1985.

[11] Wikipédia, Conseil de quartier, http://fr.wikipedia.org/wiki/Conseil_de_quartier, dernière modification le 2 décembre 2013.

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