L’écologie, une science confisquée ? (1)
27 décembre 2018
Qu’est-ce que l’écologie ?
Ernst Haeckel avait défini en 1866, l’écologie comme «la science des relations des organismes vivants avec le monde environnant ». À l’origine, l’écologie est une science qui cherche à étudier les interactions entre les organismes vivants et le milieu. C’était une approche nouvelle, synthèse de nombreuses sciences préexistantes. La question centrale porte sur cette synthèse et la hiérarchie entre toutes les disciplines de base, pour aborder correctement chacun des sujets. Les préoccupations écologiques ont surtout fait irruption à partir des années 1970. Elles ont complexifié de nombreux domaines.
L’écologisme : une prétention à guider nos vies
Cette approche a été jugée novatrice, si ce n’est révolutionnaire et a inspiré de nombreux mouvements politiques : ainsi est apparu ce qu’il est convenu d’appeler l’« écologie politique », autrement dit « l’écologisme ».
Plusieurs traits caractérisent ces mouvements :
– La dramatisation et les alertes sur les dangers majeurs et les catastrophes irréversibles qui menaceraient la faune, la flore, les mers, les continents, la planète et l’espèce humaine, du fait des activités économiques jugées inconsidérées ;
– La recherche du pouvoir et du monopole de l’information ;
– La priorité accordée à l’environnement, à la biodiversité et à la planète, et le discrédit permanent des activités humaines, surtout celles des pays développés ;
– L’usage d’une phraséologie radicale, voire révolutionnaire, préconisant au final un renforcement du corsetage réglementaire, débouchant sur des interdits, des taxes et des contrôles : le bien ne serait que ce qui a été écrit dans les textes réglementaires ; ceci explique l’activisme des lobbies sur la législation nationale et européenne; les nécessaires corrections et adaptations des textes réglementaires, à la lumière des connaissances, sont particulièrement laborieuses à obtenir ;
– Implicitement, l’« écologiquement correct » ne pourrait provenir que de la puissance publique et non des acteurs privés et des citoyens ; cet arsenal législatif à la complexité croissante, réconforte et occupe nombre de juristes, alors que les citoyens, les agriculteurs et les entrepreneurs ne comprennent plus ce qu’on attend d’eux ;
– La remise en cause et l’ignorance de la production, des filières progressivement mises en place par les sociétés humaines, et au final de l’économie de marché ;
– La limitation de la liberté, des déplacements et de la démocratie, sous prétexte des prétendues « lois de l’écologie », dont on ignore encore à peu près tout (1).
Qui a énoncé « les lois de l’écologie » ? Sont-elles disponibles et vérifiées au point que toutes nos politiques devraient s’en inspirer ? Évidemment nous n’en sommes qu’aux balbutiements, et notre premier devoir consiste à ne pas les prendre pour acquises a priori, même si certains s’en font les porte-voix.
Comment un arsenal réglementaire s’appuyant sur des bases aussi fragiles, discutables et fluctuantes pourrait-il encadrer utilement nos actions ? Comment éviter de déboucher comme souvent sur des blocages, des taxes, de la paperasserie, des contrôles, des obligations à tous propos ?
Il est évident qu’apprécier le plus tôt possible l’impact des interventions humaines ou d’un aménagement est un préalable indispensable et que nombre de progrès ont été accomplis en quelques décennies dans ce domaine, notamment dans les pays dits occidentaux, et en particulier en France depuis la mise en place en 1974 des études d’impact précédant les aménagements importants. Il est possible d’éviter, de réduire et de compenser les nuisances prévisibles dès la conception des projets. C’est ce qui est développé pour les établissements soumis à la législation des Installation classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ou pour les Autorisations Environnementales, désormais.
Mais, jusqu’ici il faut bien constater que les préoccupations écologistes ont conduit à une succession d’erreurs, de théories invérifiées et de contre-sens majeurs et, parfois, ces erreurs intrinsèques des concepts écologistes ont été « fixées » par la réglementation, qu’il est ensuite difficile de faire évoluer, à plus forte raison avec le principe de non-régression du droit de l’environnement selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une « amélioration constante (2) » (cf. Falque 2017) . Comme s’il était aisé de définir une « amélioration » et « sa constance ».
Au fil des années, l’écologie politique nous a montré combien ses divisions étaient nombreuses, incessantes et renouvelées ; il n’y a aucune unanimité sur l’analyse de la situation, ni sur les solutions, face à chacune des questions soulevées. Au final, les propositions de l’écologisme en termes politiques débouchent sur des propositions assez indigentes et partiales ; celles-ci n’ont d’ailleurs reçu qu’une approbation fort limitée dans l’opinion, comme en témoignent les résultats électoraux des formations politiques se réclamant de l’écologie.
Comme pour la psychanalyse, il faut s’interroger si l’écologie politique n’est pas « une maladie qui se prend pour son remède » : poser des questions, parfois intéressantes, ne suffit pas à formuler des réponses pertinentes et acceptables par le plus grand nombre.
L’écologie politique et ses propagandistes nous ont habitués à leur discours grandiloquents, emprunts de catastrophisme, d’irréversibilité et d’irrémédiabilité, de menaces toujours plus terribles pour la santé et l’environnement, toujours plus d’épidémies meurtrières, de perturbations gravissimes, de pertes drastiques de la biodiversité par ailleurs en grande partie inconnue, de risque d’extinction de l’espèce humaine au XXIème siècle (annoncée comme certaine par notre ancien ministre de l’écologie, Nicolas Hulot, dans « le Syndrome du Titanic »). Il faut également se remémorer le film d’Al Gore « une Vérité qui Dérange » dont les prophéties spectaculaires se sont avérées fausses. Toutes ces prévisions n’engagent que ceux qui les écoutent et ne pourront jamais être vérifiées ; les lanceurs d’alerte qui les professent le font « par précaution » et se savent être hors d’atteinte de toute critique ; il est vrai que des prévisions sur le long terme sont autant gratuites qu’invérifiables.
Les politiciens qui s’emparent des thèmes écologistes tentent vainement de rejustifier l’économie administrée ; ils auraient réponse sur tous les sujets : la production et l’utilisation de l’énergie, nos modes de vie, notre production agricole et industrielle, le nombre d’enfants dans les familles, notre consommation, nos modes de transport… La liste des préconisations à prétexte écologique, qui sont attentatoires à notre liberté est assurément longue et infiniment extensible.
Faut-il croire ces prophéties alarmistes ? Le mot « croire » est d’ailleurs approprié. Selon le Pr. Marian Apfelbaum, l’homme qui est omnivore, devrait s’efforcer de « croire » parce que sa survie en dépend. L’influence des religions décline, les drames gigantesques générés par les idéologies totalitaires du XXème siècle sont reconnus. Dès lors, de nouvelles idéologies de substitution peuvent prospérer : il faut s’interroger s’il ne s’agit pas là de la fonction sociétale de l’écologisme.
Par bien des aspects, l’écologisme fonctionne comme une religion à laquelle il serait devenu impératif de croire (cf. Crichton 2003). L’écologie, constitue-t-elle cette nouvelle religion au service d’un nouvel ordre mondial, comme l’avait prédit Luc Ferry (1992) ?
De nombreux auteurs nous ont déjà avertis des risques consistant à prendre pour acquises les peurs développées par les mouvements écologistes : Gérard Bramoulé, Bernard Oudin, Claude Allègre, Max Falque, Jean de Kervasdoué, Luc Ferry, Christian Gérondeau, François Gervais, Vaklav Klaus, Bjørn Lomborg, Claude Monnier, Rémy Prud’homme, Didier Raoult, Benoit Rittaud, Haroun Tazieff… Pour n’en citer que quelques-uns…
L’écologie, science des écologues ?
Une distinction entre cette écologie politique volontiers radicale et démagogique, avec une nouvelle science des écologues est apparue nécessaire. Les écologues ont développé leurs activités scientifiques, en dehors des écologistes, acteurs ou militants politiques.
Signalons en préambule que fort peu de scientifiques interviennent pour démentir ou nuancer les propos inconsidérés développés sous prétexte de la « science écologiste ». Le sort médiatico-politique réservé à ceux qui osent tenter la contradiction, comme Claude Allègre ou Bjørn Lomborg, explique d’ailleurs probablement la prudente réserve qu’ils adoptent.
Fondamentalement, une science est une discipline dans laquelle les théories et les hypothèses sont vérifiées ; dans le cas où elles sont infirmées, elles sont abandonnées et la théorie doit être renouvelée avec de nouvelles orientations.
Dans le cas de l’écologie scientifique, la vérification des hypothèses n’est pas systématiquement menée. De sorte que, de la formulation des hypothèses à leur répétition, nous assistons ensuite à l’adoption d’affirmations sans preuves. L’enchevêtrement des hypothèses invérifiées aboutit à des fondations précaires et, au final, à un édifice incertain et fragile : par contre, l’angoisse entretenue des catastrophes et bouleversements imminents est porteuse dans les médias et en tant que produit politique : l’appel aux changements radicaux et urgents se trouve ainsi facilement validé, répété, amplifié.
La théorie du climax, émise en 1916 par Frédéric E. Clements, qui décrète que les écosystèmes non perturbés par l’homme tendraient vers un état d’équilibre, stade ultime et supposé idéal de leur évolution, a intéressé nombre d’écologues ; cette théorie relève clairement de l’utopie et n’a jamais pu être démontrée ; ce concept du climax entretient une vision statique de l’équilibre de la nature, alors que nombre d’expériences montrent par exemple qu’une forêt non entretenue se transforme en quelques décennies en une jungle impénétrable et inhospitalière.
De même, l’hypothèse Gaia de James Lovelock (1992) qui considère la planète terre comme un être vivant malade qu’il faudrait soigner, n’a jamais pu être vérifiée.
Une théorie, fût-elle partagée par un grand nombre de scientifiques de diverses disciplines, reste une théorie. Pour autant, les paradigmes en cours dans les milieux scientifiques ne peuvent tenir lieu de démonstrations.
Face à chacune des affirmations, il faut exiger la preuve que celles-ci sont démontrées. C’est la révolution qui a eu lieu en médecine, avec l’« evidence-based medicine » (EBM ou la médecine par la preuve et les faits). « La médecine fondée sur les preuves consiste à utiliser de manière rigoureuse, explicite et judicieuse les preuves actuelles les plus pertinentes lors de la prise de décisions concernant les soins à prodiguer à chaque patient (3) ».
Force est de constater que l’« evidence-based ecology » reste à mettre en place.
Comme en psychologie ou en sociologie, nous assistons en permanence à une succession d’hypothèses qui s’enchaînent, sans que les prémisses et le discours ne soient correctement vérifiés. La notion même de « démonstration » est contournée. Par bien des aspects, l’écologie scientifique qui se veut également globale, affirme largement au-delà de ses capacités à démontrer : l’hybris est manifeste et produit des dogmes, qui sont autant de « prêts à penser », mais qui peuvent se révéler des « colosses aux pieds d’argile ».
Souvent faute de connaissances, d’observations précises, de reculs suffisants dans les constats et mesures, établir des conclusions est délicat. Au lieu d’en faire le constat, les laboratoires ont recours assez systématiquement à la modélisation. Mais une modélisation qui tente une simulation de l’évolution d’un système complexe, ne prouve absolument rien. Il convient au minimum que le modèle soit correctement validé par une comparaison entre les simulations obtenues et les mesures effectuées sur le terrain.
Notons qu’une modélisation permet la production de nombreux articles dans des revues scientifiques, mais ne constitue jamais une confirmation de l’exactitude du modèle. Tout modèle repose sur un schéma conceptuel et des hypothèses simplificatrices ; le modèle ne peut fournir des résultats absolus. Il doit être vérifié a posteriori par des mesures de terrain correctement interprétées, étape indispensable bien souvent négligée ou éludée. En outre, comme le souligne le Pr. Didier Raoult, la modélisation du vivant est pratiquement impossible.
En écologie, les interactions entre les nombreux êtres vivants et la multitude des paramètres rentrant en jeu, rendent difficiles les généralisations à partir des observations effectuées. La mise en place d’expériences, ne faisant varier qu’un paramètre et « toutes choses égales par ailleurs », est quasiment impossible. Les expériences en aveugle ou en double aveugle ne sont qu’exceptionnelles, de sorte que nombre d’écrits relevant de l’écologie scientifique ne démontrent rien et se contentent de répéter les théories admises dans leur discipline. Le paradigme est ainsi cultivé.
En outre l’écologie, science jeune, ne dispose qu’exceptionnellement de données comparables à des époques antérieures. Ceci limite considérablement les possibilités d’apprécier correctement la moindre évolution. Or nous constatons que dans les articles relevant de l’écologie, les conclusions émises éludent cette absence de références historiques et prennent pour certains les résultats observés et les tendances d’évolution hâtivement imaginées.
Parallèlement, l’intérêt de ces thèmes pour le marketing des laboratoires de recherche et la carrière des chercheurs est indéniable : les experts concluent souvent sur la justification du renforcement des recherches sur les sujets qu’ils ont eux-mêmes imaginés. Cette position de « juge et partie » n’est qu’exceptionnellement remise en cause. Si l’urgence est assimilée, l’affectation de fonds pour financer les recherches afférentes devient alors prioritaire, ce qui avantage les laboratoires concernés.
Une autre tendance fréquente dans ces disciplines consiste à ce que nous pouvons résumer par « faire parler la biologie ou l’écologie ». L’exemple de la formule banale : « la nature a horreur du vide », illustre cette idée. Or la biologie ne pense assurément pas. Et il faut absolument se départir de cette inclination. Le développement végétal ou animal se produit lorsque les conditions sont favorables et que la compétition favorise les espèces concernées.
Dans ce contexte, le public est souvent « obligé de croire », sans possibilité de vérification, ni de réfutation.
Quelques exemples d’erreurs manifestes de l’écologie :
Les erreurs dans l’histoire des sciences sont innombrables et l’écologie n’y échappe pas ; nous en rappelons ici quelques-unes :
– Le refus par les géologues des théories de Wegener sur la « dérive des continents » ; 40 ans de retard sur la compréhension des mécanismes géologiques majeurs : orogénèse, volcanisme, tremblements de terre, tsunamis et autres « catastrophes naturelles »…,
– Le refus des théories de Pasteur sur l’absence de génération spontanée par l’Académie de Médecine,
– Le refus des gastro-entérologues de reconnaître les causes microbiennes des ulcères de l’estomac et en particulier du germe helicobacter pilori, alors qu’ils soutenaient que les ulcères étaient causés par le stress, les aliments épicés ou un excès d’acidité… La plupart des ulcères est désormais traitée par antibiotiques ; en 2005, un prix Nobel de médecine a été attribué à B. J. Marshall et J. Robin Warren, pour leur découverte et leur ténacité face à l’adversité…
Nous développons ci-après plus complètement quelques sujets relatifs aux erreurs de l’écologie dite scientifique et des conséquences qui en ont été trop hâtivement tirées.
Les cas des nitrates vis-à-vis de la santé et de l’environnement
En ce qui concerne la santé, il est incohérent qu’une norme à 50 mg de nitrate par litre d’eau de boisson ait pu perdurer, alors que nombre de légumes présentent naturellement des teneurs 10 à 100 fois supérieures, en raison de la physiologie des plantes dont les racines prélèvent les nitrates dans la solution du sol. Les nitrates son évidemment les mêmes dans l’eau et dans nos aliments et ne peuvent avoir que les mêmes propriétés après ingestion dans l’organisme. De plus, les recommandations des nutritionnistes de consommer des légumes en abondance sont généralisées dans le monde entier, ce qui implique donc de consommer davantage d’ion nitrate.
Nous savons désormais que les nitrates et les nitrites sont les précurseurs de l’oxyde nitrique (NO), molécule dont la découverte du rôle a été couronnée par le prix Nobel de médecine en 1998 : l’oxyde nitrique régule la circulation sanguine tout au long de l’existence et prévient et soulage les troubles cardiaques et les maladies dites liées à l’âge. La consommation de nitrates est bénéfique pour la santé, sans limite de dose. En outre, il s’avère que la voie Nitrate-Nitrite-Oxyde Nitrique assure un mécanisme de défense naturelle vis à vis des agents potentiellement pathogènes (cf. travaux de Nigel Benjamin). Ces « NOx » sont autant de molécules aux effets bénéfiques pour notre santé. L’acharnement réglementaire pour les éliminer de notre environnement et les normes sur les émissions de NOx sont d’autant moins compréhensibles.
De même le rôle des nitrates sur l’environnement a fait l’objet de contre-sens majeurs concernant l’eutrophisation que ce soit en eau douce ou en eau marine côtière.
Pour les proliférations algales d’eau douce, ce sont des algues microscopiques (cyanobactéries) fixatrices d’azote atmosphérique qui en sont responsables. Ces proliférations peuvent intervenir quel que soit le taux de nitrate dans l’eau, dès lors que les autres conditions sont réunies (température, lumière et taux de phosphore disponible dans l’eau…).
Concernant les proliférations massives d’ulves sur quelques rares plages en Bretagne, l’hypothèse du lien avec les flux totaux ou printaniers d’azote terrigène n’a jamais pu être confirmée par des mesures. Les ulves échouent sur les baies favorables du fait de la courantologie et de la nature de l’estran. Les rivières débouchant sur ces baies propices n’apportent que des flux d’azote limités très inférieurs à ceux charriés par de nombreux autres fleuves côtiers, comme la Vilaine par exemple, sans qu’aucun désordre sur la croissance des macro-algues n’ait été observé. Les ulves ne constituent nullement ces « éponges à nitrate » qui nous sont décrites dans les médias.
Les préconisations des experts de l’Ifremer pour « lutter contre » ces marées vertes – il faut noter le langage guerrier adopté à ce propos-, sont issues de modélisations invérifiées faute d’observations suffisantes de l’écologie de l’ulve dans le contexte armoricain. Les travaux de Joël Kopp insistant sur le rôle essentiel des bigorneaux, principaux consommateurs des ulves, ont été ignorés par ses successeurs. Ces bigorneaux ont d’ailleurs connu une forte régression ces dernières décennies, sans que celle-ci ait été correctement étudiée.
La stratégie préconisée en France consiste à réduire les quantités d’azote, au point de créer une faim d’azote dans le milieu marin, et ainsi permettre une limitation de la croissance des algues. Mais il est bien évident que cet objectif est aussi absurde qu’inaccessible, les sources d’azote marin étant nombreuses et importantes, sans oublier l’impact écologique que cette carence en azote générerait sur l’écologie marine, si l’objectif recherché était atteint.
Tout a été publié et explicité que ce soit sur les eaux douces et les eaux marines côtières, notamment dans les articles de Guy Barroin et de David Schindler.
Or ce sujet des nitrates et de ses conséquences sur la santé et l’environnement constitue un axe essentiel de la politique environnementale de l’Union européenne et de la France depuis plusieurs décennies et la parution de la directive Nitrates de 1991. À la lumière des connaissances avérées, ce sujet devrait être définitivement abandonné, vue sa vacuité. Mais les structures d’alerte, de recherche, d’accompagnement, de contrôles et de sanctions rechignent à la mise à plat du sujet, par crainte probable de perdre une partie de leur supposée « raison d’être ».
La directive cadre sur l’eau
Un autre exemple de l’écologie approximative traduite en terme réglementaire nous est fourni par la Directive Cadre sur l’Eau de 2000 dans laquelle l’Union européenne prévoyait le retour rapide au « bon état écologique » des masses d’eau, objectif auquel tout lecteur ne peut qu’adhérer a priori. Mais la définition du bon état écologique des masses d’eau est précisée plus loin : l’état dans lequel seraient les masses d’eau sans l’influence de l’activité humaine et économique. Où sont les scientifiques qui ont cautionné ou validé cette réglementation ? Quel scientifique est capable de caractériser objectivement les masses d’eau en question ? Plus fondamentalement, quel écologue a contesté cette définition irréaliste ? Qui a conservé une « aquathèque » pour préciser la qualité de ces eaux originelles ? Résultat : incertitudes, dispersion des règles entre les États membres, les régions, distorsions de concurrence, etc…
La théorie du réchauffement ou dérèglement climatique
Celle-ci est également intéressante à considérer : comme si la température moyenne du globe pouvait avoir un sens physique, comme si un écart de 1 ° Celsius sur un siècle et demi pouvait être significatif, compte-tenu des imprécisions des mesures de températures, surtout au XIXème siècle, et après des corrections incertaines effectuées sur les températures à proximité des zones urbanisées, comme si de tels écarts (infimes en réalité) ne pouvaient entraîner que des bouleversements colossalement négatifs pour les êtres vivant et les populations, et comme si aucune adaptation des espèces n’était concevable… Il est fort probable que dans quelques décennies la désinformation et la fièvre collective qui accompagnent la promotion des actions urgentes et formidablement coûteuses pour lutter contre le réchauffement climatique, feront l’objet d’études savantes pour tenter d’expliquer comment pareille folie a pu s’emparer des opinions et des meilleurs esprits (4) , comme autrefois « l’utopie socialiste » selon l’expression de Jean-François Revel.
La notion même de « dérèglement climatique » est un contre-sens implicite, le climat présentant partout, en tous lieux et en toutes périodes, y compris géologiques, des variations importantes ne suivant aucune « règle ».
Mais les affirmations ne sont qu’exceptionnellement assorties de preuves de leur véracité et ne reposent que sur leur répétition. Signalons au passage que les articles publiés dans de nombreuses spécialités qui prennent désormais pour acquis dans leur préambule ou leur conclusion ces postulats invérifiés du « dérèglement climatique », sans préciser comment leurs travaux les confirmeraient, entretiennent l’illusion dans l’opinion de leur justesse « scientifiquement établie ». C’est le cas par exemple quand un prix Nobel d’économie comme Jean Tirole, tente de calculer les conséquences économiques du réchauffement climatique, alors qu’il n’en vérifie pas la réalité. Les prévisions de Nicholas Stern en 2006 avaient déjà relevé des mêmes procédés. Peu d’intervenants et de très rares écologues ont critiqué ce biais pourtant manifeste.
L’agriculture, l’écologie et la biodiversité
L’agriculture moderne fait l’objet d’un discrédit en France, autant généralisé qu’injustifié (5), y compris dans de nombreux travaux et articles dits scientifiques : pourtant les gains de rendements moyens en France par exemple ont augmenté de près d’un quintal par ha et par an pendant 40 ans. Nous sommes capables avec les connaissances agronomiques connues et éprouvées du XXIème siècle de nourrir et de maintenir en bonne santé 12 milliards d’humains, avec des menus variés et agréables, intégrant des produits d’origine animale. L’espérance de vie, qui a fortement progressé ces dernières décennies, confirme l’amélioration de la qualité de notre alimentation qui est devenue accessible quasiment à toute la population mondiale.
Il faut bien considérer que les activités agricoles ou forestières se sont développées, sans perturbations environnementales majeures et sans que les biologistes ne perdent leurs sujets d’études et de recherche sur la biodiversité dans les espaces naturels et modifiés par l’Homme. Les « ravages » et les « méfaits » présentés comme irréversibles qu’entraîneraient les activités agricoles et d’élevage sont fortement exagérés, même s’ils sont affirmés constamment. De tels propos devraient discréditer leurs auteurs, mais nous constatons que le plus grand nombre les laisse dire ou les répète, y compris dans le personnel scientifique. Comme si ce « clin d’œil » adressé à l’opinion, était un signal de bienveillante compréhension des scientifiques, quelle que soit la part d’inexactitude qu’il entretient…
De retour de Madagascar, où nous avons mené une étude pédologique pour un futur domaine sur lequel une école d’agriculture pourrait s’implanter à proximité de Mananjary, nous avons constaté par exemple, que les sols, par leur organisation, leur structure, leur profondeur, leur porosité… présentaient une importante aptitude à tous types de production, mais que les réserves minérales y étaient infimes.
Le recours à une fertilisation soutenue et ajustée est un préalable incontournable à toute mise en valeur des sols. Par ailleurs, malgré l’occupation des sols, proche de la friche, et un climat tropical favorable aux activités biologiques, la biodiversité est particulièrement ténue : pas ou peu d’insectes, d’oiseaux, de mammifères… Nous avons là un exemple manifeste que, dans un contexte d’agriculture largement extensive, voire d’absence d’agriculture proprement dite, la biodiversité peut être réduite à sa plus simple expression, contredisant ainsi l’affirmation que la perte de la biodiversité serait due à l’agriculture, hâtivement qualifiée d’intensive, pour la parer a priori de tous les maux.
La coexistence d’une agriculture productive et d’une biodiversité soutenue est facile à observer, partout dans le monde ; mais ce sont des caricatures catastrophistes qui sont régulièrement rapportées, générant une désinformation de l’opinion, y compris dans les milieux scientifiques.
Dans « La Nature en débat : idées reçues sur la biodiversité », Christian Lévêque critique cette tendance souvent observée : « il est regrettable que des chiffres discutables concernant l’érosion de la biodiversité soient utilisés en permanence pour sensibiliser l’opinion. Les estimations quantitatives restent le plus souvent du domaine de la spéculation. On peut rappeler à ceux qui l’auraient oublié, que Paul Ehrlich, inventeur de la bombe « P » (la bombe démographique) et gourou de la biodiversité, annonçait au début des années 1980 que 250 000 espèces disparaissaient chaque année, et que la moitié de la biodiversité aurait disparu en l’an 2000. Ce qui pourrait prêter à sourire si beaucoup de scientifiques n’avaient cautionné ces élucubrations sans broncher ! Selon un autre gourou, le biologiste Edward Wilson, la moitié des espèces actuellement présentes sur Terre pourrait avoir disparu d’ici un siècle. On se donne rendez-vous ?… L’affirmation selon laquelle le taux d’extinction serait, de nos jours, 100 à 1000 fois supérieur à celui des formes fossiles, est devenue un dogme. On la sort à tous propos, mais on cite rarement la source. Une lecture attentive de ce travail [une publication de 1995 parue dans la revue Science, dont Stuart Pimm est un des co-auteurs] relève néanmoins qu’il y a beaucoup « d’approximations et d’hypothèses non vérifiées aussi bien pour l’érosion actuelle que pour le calcul du taux d’extinction naturelle que l’on peut qualifier de bruit de fond […] Le calcul du taux d’extinction qualifiée de naturelle, se heurte au fait que nous ignorons les formes fossiles qui n’ont pas laissé de traces. »
Il faut également reconnaître, concernant la perte de la biodiversité souvent mise en avant pour critiquer nos sociétés modernes, que nous ne connaissons qu’une faible partie des espèces animales et végétales vivant sur la planète, mais que des espèces nouvelles se créent en permanence ; de plus l’examen des fossiles établit que le nombre d’espèces ayant disparu à travers les âges géologiques est considérable. D’innombrables extinctions massives de grande ampleur ont parsemé l’histoire géologique, et pas seulement lors de la transition entre le crétacé et le Tertiaire (K-T), à laquelle la disparition des dinosaures est attribuée, et cela sans que l’activité humaine puisse évidemment être mise en cause (cf. travaux de J. Sepkoski et D. Raup).
Le scientifique, comme tout un chacun, sait que sur certains sujets qu’il maîtrise, l’exagération est de mise, mais il a tendance à croire que sur nombre d’autres sujets, si la suspicion perdure, c’est qu’elle relève probablement d’une réalité démontrée dans d’autres domaines que ceux qu’il maîtrise.
Ainsi la disparition des abeilles, qui est au moins en partie due à l’insuffisance des traitements contre le parasite Varroa destructor, ou la disparition annoncée comme drastique des insectes, des oiseaux, ou de la Mulette perlière, sont-elles souvent admises sans preuve, ni surtout sans mesures comparatives fiables à travers les âges.
À l’inverse, face à la forte recolonisation des territoires par le loup, observée en France, nous constatons une bienveillance a priori des milieux scientifiques (lycophiles) et une édulcoration de leur rôle de prédateurs sur les troupeaux. De tels biais nuisent évidemment à l’objectivité et à la qualité des travaux établis par les experts. Au final, il faut se demander si cela n’explique pas la perte de crédit des experts scientifiques, à la fois dans l’opinion et sur les réseaux sociaux.
(1) Par exemple, une illustration récente : dans un interview donné à Libération le 29 juillet 2018, M. François-Marie Bréon, chercheur en climatologie et directeur adjoint du laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE), énonce les mesures radicales à mettre en œuvre dans la lutte contre le réchauffement climatique. Il affirme : « On peut dire que la lutte contre le changement climatique est contraire aux libertés individuelles et donc sans doute avec la démocratie. » http://www.liberation.fr/planete/2018/07/29/francois-marie-breon-la-lutte-pour-le-climat-est-contraire-aux-libertes-individuelles_1669641« La propagande réchauffiste » selon l’expression de Rémy Prud’homme (2015) nous prépare-t-elle à une nouvelle forme de dictature ?
(2) Selon l’art. L. 110-1, II, 9° du code de l’environnement.
(3) Sackett D.L.; Rosenberg W.M.; Gray J.A; Haynes R.B.; Richardson W.S. Evidence based medicine: what it is and what it isn’t. British Medical Journal, 1996, 312 (7023), 71-2.
(4) Voir le site des climato-réalistes https://www.climato-realistes.fr/ et, entre autres, l’intervention de Vaklav Klaus https://www.climato-realistes.fr/contre-sommet-climato-realiste-vaclav-klaus/
(5) Sylvie Brunel a publié en 2017 un exceptionnel « Plaidoyer pour nos agriculteurs » (Éditions Buchet-Castel, 127 pages). Beaucoup trop d’agronomes ne s’autorisent pas un tel courage aujourd’hui.
Pour aller plus loin:
– Allègre C. 2010, L’imposture climatique ou la fausse écologie. Éditions Plon, 295 pages.
– Barroin G. 2003, Gestion des risques Santé et Environnement : le cas des nitrates. Phosphore, azote et prolifération des végétaux aquatiques. Assises internationales Envirobio. Editions de l’ISTES et Courrier de l’environnement de l’INRA février 2003. Disponible sur : http://www.inra.fr/dpenv/barroc48.htm
– Barroin G. 2004, Phosphore, Azote, Carbone… Du facteur limitant au facteur de maîtrise. Courrier de l’environnement de l’INRA n° 52, pp 1 à 25. Disponible sur : http://www.inra.fr/dpenv/pdf/barroc52.pdf
– Buson C. Apfelbaum M., Bardinet J.-P., Beslu P., Gérondeau C., Houdebine L. M., Julien J.-L., L’hirondel J.-L., Monnier C., Proust J.F., Veyres C., Voron H. 2016, Réponse à l’écologisme, comment la connaissance permet de réfuter les peurs entretenues. Éditions l’Harmattan. 354 pages.
– Buson C. 2005, « Retour « écologique » sur la question des nitrates », Recursos Rurais (2005) Vol1 nº1 : 39-49 IBADER : Instituto de Biodiversidade Agraria e Desenvolvemento Rural ISSN 1885-5547. Disponible sur http://www.ibader.org/archivos/docs/Recursos%20Rurais%2001-05.pdf
– Crichton M. 2003, L’écologisme en tant que religion http://www.forumphyto.fr/images/pdf/DocusPublics/2010/0309crichtonecoreligion.pdf
https://www.cs.cmu.edu/~kw/crichton.html
– Crichton M. 2007, État d’urgence. Éditions Robert Laffont. 646 pages.
– Crichton M. et Preston R. 2011, Micro. Livre posthume. Éditions Robert Laffont. 476 pages.
– Falque M., Hernandez-Zakine C., Peignot B., 2017 le principe de non-régression saisi par le droit de l’environnement, revue du droit rural n° 457 Novembre 2017, pp. 12-15.
– Ferry L. 1992, Le Nouvel Ordre Écologique, L’arbre, l’animal et l’homme. Grasset. 280 pages.
– Kopp J., 1977, Étude du phénomène des marées vertes en Bretagne ; rapport de synthèse. ISTPM, 102 pages.
– Lévêque C. 2013, L’écologie est-elle encore scientifique ? Éditions Quae. 230 pages.
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Christian Buson, docteur en agronomie.
Extrait d’une conférence donnée à Florac, en Lozère, le 6 août 2018.
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