Les requins de la finance sont-ils en mesure de sauver leurs confrères de la haute mer ?
Fondapol | 15 juillet 2014
Les requins de la finance sont-ils en mesure de sauver leurs confrères de la haute mer ?
Par Alice Lapijover, étudiante à Sciences Po en master Finance et Stratégie, ancienne vice-présidente du REseau Français des Etudiants pour le Développement Durable (REFEDD) et présidente de LEMONSEA, association de sensibilisation sur l’acidification des océans.
Les outils financiers en particulier la valeur actuelle nette (VAN) sont d’une grande utilité pour comprendre l’écologie. Ainsi, évaluer à leur juste valeur nos actions présentes implique d’intégrer les externalités négatives au calcul ou de modifier le taux d’actualisation employé.
Pour déterminer si un investissement est rentable ou non, les financiers font appels à un calcul très simple : la valeur actuelle nette (VAN). Si la valeur est positive, il est dans l’intérêt de l’investisseur d’effectuer l’opération.
VAN = – Investissement + [Flux de trésorerie actualisés] + Revente
Si les notions d’investissement et de revente ne nécessitent pas d’explications supplémentaires, il est indispensable de se concentrer sur la question des flux de trésorerie actualisés. Pour cela, prenons l’exemple simplifié d’un investissement effectué par un pêcheur.
VAN = – achat du bateau + (vente du poisson n+1 – dépenses de carburant n+1)
(1+ taux d’actualisation)1
+ (vente du poisson n+2 – dépenses de carburant n+2) + revente du bateau
(1+ taux d’actualisation)2
Cet exemple illustre le fait que les flux de trésorerie sont composés des recettes et des dépenses de l’investisseur sur une année mais également qu’il est nécessaire de les actualiser, c’est-à-dire de ramener les flux financiers non directement comparables qui se produisent à des dates différentes sur une même base, celle de l’investissement. Le taux actualisation retranscrit en terme mathématique la préférence pour le présent et l’aversion au risque, s’opposant ainsi au taux d’intérêt.
En quoi les flux de trésorerie actualisés sont-ils pertinents pour comprendre l’écologie ?
Les ressources halieutiques même si elles sont renouvelables ne sont pas en mesure de rivaliser avec les outils technologiques de plus en plus perfectionnés mis en œuvre pour les capturer. A titre d’exemple, aujourd’hui, 80% des stocks de poisson en Méditerranée sont surpêchés d’après la Commission Européenne. Ce constat implique de modifier le calcul de la valeur actuelle nette pour y intégrer les externalités négatives liés à la surpêche à la fois sous la forme d’une augmentation des dépenses, mais également du taux d’actualisation – le prix de vente du poisson européen variant peu en raison du niveau élevé des importations.
Pour parvenir à capturer la même quantité de poisson alors que celui-ci est surpêché, il faut passer plus de temps en mer, s’éloigner davantage des côtes ou investir dans du matériel plus performant ce qui mathématiquement contribue à accroitre les dépenses et donc affecte à la baisse la valeur actuelle nette. L’augmentation des dépenses n’affecte ici que le pêcheur mais la surpêche, elle, impacte également la société. La perte en biodiversité, l’augmentation des émissions de CO2, les contrôles plus fréquents font peser un poids sur l’ensemble de la communauté. C’est la raison pour laquelle, le taux d’actualisation devrait retranscrire outre la préférence pour le présent de l’investisseur, le devoir d’une exploitation responsable des biens publics en intégrant au calcul de la valeur actuelle nette, les conséquences économiques de la surpêche pour l’ensemble de la société. A quand l’intégration des outils financiers dans la détermination de la politique commune des pêches ?
Twitter : @k1d3g3
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