Les secrets du tigre celtique
Quentin Na | 22 août 2014
Les secrets du tigre celtique
Le « tigre celtique » est le nom donné à l’Irlande entre 1991 et 2005, du fait de sa croissance exceptionnelle (6,8% en moyenne par an). Le modèle irlandais de l’époque, comporte cependant une faille majeure, qui explique sa chute : le jeu fiscal et interventionniste financé par des subventions européennes.
Cet article, pour des raisons de densité, n’a pas vocation a décrire l’ensemble des évolutions et des mécanismes qui ont permis l’émergence et la chute du « tigre celtique » mais simplement, d’essayer de montrer une des faiblesses essentielles du modèle celtique : le jeu de dumping dû aux subventions étatiques et européennes dans le cadre d’une économie en développement.
En 1994, un rapport de la banque Morgan Stanley usa pour la première fois l’expression « tigre celtique » pour désigner l’Irlande, suite à ses prouesses économiques, comparant celles-ci aux performances des « tigres asiatiques ». Le pays au trèfle pouvait s’enorgueillir d’une croissance annuelle moyenne de son PIB équivalente à 6,8%, entre 1991 et 2003, atteignant son apogée en 1999, à 11,1%. En 2009 et 2010, la croissance était devenue une récession, à -6,4% et le déficit atteignait 30,6%, devant alors recourir à une aide conjointe du FMI, de la BCE et de l’Union Européenne de 67,5 milliards d’euros. Le tigre était-il un tigre en carton ?
Il faut, pour comprendre l’échec du tigre, observer les causes de ce « miracle » économique irlandais, qui sont triples :
→ l’intégration européenne : entrée en 1973 dans la Communauté économique européenne (ancêtre de l’Union Européenne), l’Irlande a pu profiter de l’ouverture de son économie au marché commun, notamment après Maastricht en 1993. Les échanges se sont considérablement accrus. De plus, l’Irlande reçu, entre 1973 et 1999, des aides de la part de l’Union européenne équivalent à plus de cinq fois sa contribution au budget européen (41 milliards nets en 20 ans, équivalent environ à 2% du PIB par an en moyenne).
→ les subventions étatiques et les facilités fiscales financées par les subventions européennes : les aides européennes permirent au gouvernement irlandais d’une part, de développer ses infrastructures et investir publiquement dans certaines entreprises, mais surtout, d’autre part, d’adopter une politique fiscale avantageuse pour les entreprises, tout en maintenant des subventions. Le problème ? Les dépenses étatiques sont financées par un tiers (l’Union Européenne et par transitivité, ses États membres), lui permettant alors de fixer des impôts sur les sociétés très bas (12,5% depuis 2003, quand la moyenne européenne est à 27,5), rendant alors le pays attractif pour les entreprises, mais de manière artificielle : dès lors que les subventions européennes cessent, une hausse des impôts est nécessaire, mais peut être compensée par une hausse du déficit et de la dette, mettant en alerte les marchés sur la santé financière du pays. Les dés sont, pour ainsi dire, truqués. Cette politique fiscale a permis d’attirer de nombreuses entreprises (IBM et Google par exemple) développant l’économie irlandaise. De plus, l’État irlandais a maintenu une politique accommodante vis-à-vis des banques, les incitant à faire des prêts risqués, notamment sur le marché immobilier, en garantissant financièrement leurs prises de risques. Les banques prêtèrent l’équivalent de 11 fois le PIB irlandais. La Banque centrale irlandaise maintint également une politique de taux bas jusqu’à l’entrée de l’Irlande dans la zone euro en 1999.
→ les politiques de développement financées par l’État : le gouvernement irlandais fonda et finança l’Industrial Development Agency en 1949. Cette agence autonome a pour objectif de contribuer au développement du pays par l’investissement public dans les entreprises et les infrastructures. Elle permit ainsi de développer, à l’aide des subventions européennes, l’éducation, les routes, mais également de financer certaines entreprises, dont Ryanair. La hausse du niveau d’éducation du pays ainsi que des infrastructures rendit le pays encore plus attractif : les salaires bon marché couplés à un niveau d’éducation assez élevé permettait de proposer aux entreprises étrangères venant s’installer en Irlande une main-d’œuvre intéressante.
Pour résumer : les subventions étatiques et européennes ont permis de fausser le jeu du marché, par le biais d’investissements publics massifs couplés à une baisse des impôts permise par des subventions extérieures afin de rendre le pays attractif. Notons au passage que d’un point de vue communautaire, les subventions accordées à l’Irlande lui permettant de maintenir des taux d’imposition bas, et donc de rendre le pays attractif, permettaient au pays concerné d’« exporter » son chômage à l’ensemble de l’Union européenne : les entreprises ne devant leur installation qu’aux subventions européennes et investissements étatiques ; en cas d’imposition équivalente à la moyenne, il est fort probable qu’elles n’eussent pas choisi l’Irlande comme terre d’implantation.
Le tigre celtique était un tigre évoluant aux stéroïdes. La croissance reposait ainsi sur des bases illusoires, expliquant partiellement la chute qui s’en est suivie en 2008, laquelle sera expliquée dans un prochain billet.
Quentin Na
Crédit photo : Ronline
Sources :
http://www.oecd-ilibrary.org/economics/profil-statistique-par-pays-irlande_2075227x-table-irl
http://www.lajauneetlarouge.com/article/histoire-du-tigre-celtique#.U5sjGfl_t1Q
http://www.senat.fr/rap/r10-157/r10-157_mono.html
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