L’événement sportif : une opportunité politique ?
Florent Dussidour | 25 juin 2016
Par Florian Goyon & Florent Dussidour
Le sport a acquis une place centrale dans nos sociétés et n’échappe pas à la mondialisation. Qu’ils s’agissent des Jeux Olympiques, des Coupes du Monde ou toutes autres manifestations sportives, ces grands événements sont une composante de notre quotidien. De ce fait, les usages du sport sont de puissants vecteurs de transmissions culturelles, sociétales, économiques et politiques.
Tout particulièrement, dans les années 1930[1], le sport est devenu un domaine sur lequel les États ont porté leur intérêt à des fins politiques, militaires ou éducatives. Il en était largement question dans les dictatures de l’entre-deux-guerres, en Allemagne par exemple où les Jeux Olympiques de 1936 à Berlin ont été l’objet d’une propagande politique à grande échelle. L’organisation des Jeux Olympiques avait été confiée par le CIO en 1931 à la République de Weimar, deux ans avant que ne s’installe le régime nazi. L’Allemagne en tête au classement des médailles vint offrir à Adolf Hitler la possibilité de promouvoir la supériorité de la race aryenne.
L’explosion de la pratique sportive en fait un objet indissociable du fait politique puisqu’il concerne une population considérable. Le sport induit un enjeu social, culturel et symbolique sur lequel le politique ne peut se permettre de faire l’impasse. Dès lors, le stade devient le lieu de passage obligé pour un élu, ministre ou président, afin que son image soit associée à celle de la manifestation sportive en cours.
En quoi l’organisation d’un événement sportif est-elle un enjeu susceptible d’attirer la convoitise politique ?
Les responsables politiques se sont emparés de façon massive des réseaux sociaux et des médias (radios, journaux, télévision). Depuis, ils deviennent des commentateurs de l’instantané. Le sport n’en est pas épargné et il n’est pas rare de voir un commentaire ou entendre un discours encourageant ou critiquant l’Équipe de France de football après un match par exemple.
Et l’Euro 2016 ne fait pas exception à la règle : que ce soit avant ou après un match, chacun y va de son commentaire. Ainsi, Bruno Le Maire tweete depuis La Réunion : « Tous derrière Dimitri Payet ! » l’île natale du dernier phénomène de l’Équipe de France. Pendant que Najat Vallaud Belkacem, en compagnie d’une classe de CM1, s’exprime « 2-0 Magnifique, bravo l’Équipe de France. Allez les Bleus !!! » Objectif : profiter d’un événement médiatique pour y associer sa personnalité publique.
Néanmoins, malgré ces commentaires de supporters de l’équipe nationale, les messages politiques peuvent être bien plus virulents lorsqu’une polémique éclate. La frontière entre sport et politique est poreuse au moment où la France est entachée par le comportement de l’équipe censé la représenter.
Ainsi, lors de la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud, le naufrage de l’Équipe de France associé à l’affaire « Knysna », le monde politique a investi le monde sportif. La ministre en charge des sports de l’époque, Roselyne Bachelot avait qualifié l’Équipe de France comme étant une équipe où « des caïds immatures commandent à des gamins apeurés, un coach désemparé et sans autorité, une Fédération française de football aux abois », et résumé leur parcours à un « désastre financier, technique et logistique »[2].
Et le monde politique ne s’est pas arrêté aux critiques et aux commentaires affligés lors de l’événement, il s’est octroyé une entrée dans les instances sportives nationales. Certains membres du gouvernement ont alors demandé la démission de Jean-Pierre Escalettes, président de la FFF à l’époque, pendant que l’Assemblée Nationale a réclamé une commission d’enquête. Le président de la République (Nicolas Sarkozy en 2010) promettait des États Généraux pour le football français. La Fédération avait alors sollicité la FIFA en criant à l’ingérence politique dans ses affaires.
Impossible de dissocier sport et politique
Des intérêts convergents lient le sport et la politique. Les deux ont besoin l’un de l’autre. Le premier pour vivre car c’est le second qui l’organise, le finance, le réglemente et en favorise la pratique par des mesures politiques. Inversement, la politique en a également besoin pour développer des politiques économiques, en créant un dynamisme autour de l’organisation d’un événement, des politiques sociales, en développant des politiques d’intégration par le sport.
Mais surtout, à la veille des élections présidentielles, François Hollande pourrait bénéficier d’une victoire de l’Équipe de France pour rebondir dans les sondages en assimilant son image à celle des Bleus. Un tel cas de figure s’est vérifié en 1998 lorsque Jacques Chirac avait gagné 15,6 points dans les sondages.[3] En corollaire d’une aubaine politique, le pays organisateur en tire une satisfaction économique qui se chiffre en milliard d’euros.[4] Cet engouement économique s’explique par la présence de 2,5 millions de personnes dans les stades, lesquelles dépensent en moyenne entre 150 et 200 euros par jour.[5]
[1] http://fr.euronews.com/2012/07/18/lhistoire-des-jeux-olympiques-1936-1952/
[2] Vincent Duluc, Le Livre noir des Bleus. Chronique d’un désastre annoncé, Robert Laffont, 2012, p. 97
[5] http://www.rtl.fr/actu/economie/euro-2016-quelles-consequences-economiques-pour-la-france-7782150829
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