L’Iran, entre permanences et mutations

Cassandre Lebouc | 19 septembre 2015

iran mutationsL’Iran, entre permanences et mutations

Par Cassandre Lebouc et Frédéric Strack 

Alors que l’Iran est souvent abordé à travers un prisme géopolitique, comme son programme nucléaire ou son potentiel engagement contre Daesh, sa société, elle, attire moins l’attention des commentateurs. Eclairage sur une société peu connue.

La modernisation économique

Depuis la Révolution iranienne de 1979, de nombreux changements économiques sont intervenus dans le sens d’une modernisation progressive. Les inégalités entre provinces, bien qu’elles perdurent, ont été peu à peu réduites, si bien qu’aujourd’hui, plus de 90% de la population rurale a accès à l’eau courante. La radio et la télévision se répandent également. L’urbanisation est forte : 70% des Iraniens vivent aujourd’hui dans les grands centres urbains (celui de Téhéran compte 8 millions d’habitants). Mécaniquement, le secteur primaire a donc été délaissé, au profit de l’industrie, et tout particulièrement le marché du pétrole et du nucléaire[1]. La croissance économique est très variable mais plutôt élevée : depuis dix ans, elle est de 3% par an en moyenne[2].

Vers une libéralisation culturelle ?

Sous l’impulsion de cette modernisation de l’économie iranienne, force est de constater qu’un certain élan de libéralisation culturelle touche la population iranienne. En effet, l’un des atouts de l’Iran est sa jeunesse : les jeunes sont massivement investis dans les études supérieures – le pays compte environ 4,5 millions d’étudiants[3]. Lieu de savoir et d’échanges, les études supérieures permettent aux étudiants iraniens de se confronter les uns aux autres, et de se mêler à de nouvelles pensées, à d’autres étudiants venus de toutes les provinces du pays. Les initiatives tendent à circuler plus facilement -à l’abri bien entendu du contrôle de l’Etat. Ainsi, si Internet est toujours étroitement surveillé par le pouvoir, l’utilisation de logiciels de contournement se diffuse parmi les jeunes Iraniens[4]. Par ailleurs, les femmes sont plus présentes que les hommes à l’université. Elles représentent par exemple 65% des étudiants en médecine. Cette présence des femmes peut expliquer certaines mobilisations. En 2014 par exemple, suite à l’attaque à l’acide de femmes jugées « mal voilées », des rassemblements se sont formés, notamment à Ispahan, dans le centre du pays, en signe de protestation d’une partie de la jeunesse aspirant à davantage de liberté.

La résistance du pouvoir politique

Toutefois, si le régime accompagne et soutient cette modernisation économique, il freine fortement ces prémices de libéralisation culturelle. Hassan Rohani, le Président de la République d’Iran, dégage une image plus souple que ses prédécesseurs, plus ouverte, et a par exemple autorisé l’année dernière la tenue de défilés de mode (réservés aux femmes toutefois[5]). Toutefois, les pouvoirs du Président de la République sont constitutionnellement limités, d’autant que les personnages clés du régime –l’ayatollah Khamenei, les frères Larijani à la tête des pouvoirs judiciaire et législatif-, sont les mêmes qu’à l’époque de Mahmoud Ahmadinejad. Afin de lutter contre ce qui semble être une émancipation des femmes, le pouvoir apporte un soutien financier aux familles nombreuses : les femmes sont donc invitées à retourner au foyer familial. La situation des femmes reste donc difficile et leurs droits sont très limités. Récemment, une nouvelle loi est parue qui établit que les femmes qui seraient « mal voilées » ou non voilées au volant de leur voiture verraient leur véhicule confisqué[6].

[1] http://www.alternatives-internationales.fr/iran–les-inegalites-fragilisent-la-republique-islamique_fr_art_842_43316.html

[2] http://data.lesechos.fr/pays-indicateur/iran/croissance-du-pib.html

[3] http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/IRAN_fiche_Curie_3_novembre_2014__cle896768.pdf

[4] http://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2014/10/13/la-societe-iranienne-a-l-heure-de-la-moderation_4505339_1655027.html

[5] http://www.lemonde.fr/m-moyen-format/article/2015/07/17/la-mode-feminine-se-devoile-peu-a-peu-a-teheran_4687119_4497271.html

[6] http://www.leparisien.fr/laparisienne/societe/iran-la-police-de-teheran-confisquera-les-voitures-de-femmes-mal-voilees-02-09-2015-5055907.php

crédit photo: flickr wsrmatre


À noter: les points de vue exprimés par les auteurs dans leurs papiers ne reflètent pas nécessairement les positions de la Fondation pour l’innovation politique et ne peuvent en aucun cas lui être systématiquement attribués. 


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