L’octroi de la personnalité juridique aux robots : vers une redéfinition du rapport de l’Homme à la machine ?
Louis Malbète | 30 janvier 2017
Les robots, êtres sujets de droits et de devoirs ? Si la question peut prêter à sourire, elle n’en reste pas moins très sérieuse. En effet, la commission des affaires juridiques du Parlement Européen approuvait le mardi 12 janvier dernier une proposition de texte visant à créer un cadre et un statut juridique spécifiques pour les robots. Au vu de la progression fulgurante du réalisme des derniers robots humanoïdes conçus, et du degré de complexité et de précision de l’intelligence artificielle de certains, la question d’un droit des robots peut effectivement très sérieusement se poser. La commission des affaires juridiques a d’ailleurs voté majoritairement pour la proposition en question, et celle-ci sera maintenant étudiée par la Commission Européenne. Mais alors, quels enjeux pour ce droit des robots ?
Si l’idée de confier la personnalité juridique à des robots peut paraître quelque peu déroutante à première vue, elle n’en est pas moins ancienne. Déjà, en 1967, le romancier de science-fiction Isaac Asimov écrivait dans son œuvre Les robots ce qu’il appela les trois lois de la robotique :
– Un robot ne peut attenter à la sécurité d’un être humain, ni, par inaction, permettre qu’un être humain soit mis en danger
– Un robot doit obéir aux ordres d’un être humain, sauf si ces ordres entrent en conflit avec la première loi
– Un robot doit protéger sa propre existence tant que cela n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.
Ce sont ces lois que l’eurodéputée rapporteur du projet souhaiterait faire inscrire dans le droit européen, lois qu’il incomberait donc aux fabricants et aux utilisateurs de machines robotisées de faire respecter. Mais le projet va bien plus loin : il parle de fiscalité des robots (inclure une part de cotisations et de taxe en fonction de la proportion de robots utilisés dans un processus productif), mais aussi et surtout de leur donner une personnalité juridique. Ils pourraient dès lors être qualifiés de « personne électronique », sujet de droits et d’obligations.
Le projet parlementaire précise ce qu’il entend par « robots » : au-delà de la simple acception commune d’un être programmable et automatisé, parfois aux tendances plus ou moins humanoïdes, le terme est entendu à son sens le plus large ; ainsi, sont également concernées par ce projet les fameuses self-driving cars par exemple, ces voitures conçues pour se conduire toutes seules. En l’espèce, il y avait effectivement une nécessité de préciser le régime applicable en matière de responsabilité : si une voiture automatisée provoque un accident, qui doit en être tenu responsable? La création d’une personnalité juridique électronique permettrait au conducteur de se décharger de sa responsabilité dans un cas de ce genre.
Enfin, le rapport propose la création d’une Agence Européenne de la Robotique et de l’Intelligence, qui serait chargée de surveiller les évolutions industrielles et technologiques dans ce sens, afin d’appuyer le pouvoir législatif européen à réguler de la manière la plus adéquate qui soit ces secteurs.
Au-delà de ces considérations juridiques, des enjeux éthiques se posent. Bien que ce ne soit pas toujours très flagrant, la robotique fait partie intégrante de notre vie quotidienne : des petits robots-aspirateurs domestiques jusqu’aux prothèses hypersophistiquées de certains athlètes, nous sommes tous, de plus en plus, ce que l’on appelle des « Hommes augmentés ». Comment alors traiter la robotique, dès lors qu’elle fait parfois, et de plus en plus souvent, partie intégrante du corps de certains êtres humains ? Si le point de vue transhumaniste nous encourage à accepter cette transformation, et à tirer le plus possible des avancées technologiques, cela questionne de manière toujours plus prégnante le rapport que l’Homme entretient avec les robots, en particulier les plus humanoïdes d’entre eux.
En dépit de la grande complexité et de l’extrême multiplicité des enjeux liés à ces questions éthico-philosophico-juridiques, d’un point de vue économique, il y a des avantages à tirer du développement du secteur de la robotique. Si le remplacement de certains travaux réalisés par l’homme peut engendrer un augmentation du taux de chômage, il semble que les bénéfices potentiels (augmentation de l’efficacité, diminution des coûts de production et de la masse salariale, etc…) puissent sur le long-terme compenser cet inconvénient de court-terme, en rendant les entreprises toujours plus dynamiques et compétitives, les autorisant ainsi à créer plus de richesse, qui profiterait en bien aux opérateurs économiques et aux consommateurs (à travers, par exemple, des hausses du pouvoir d’achat ou bien encore une élévation des conditions de vie).
Au final, l’intérêt porté par le Parlement Européen à la question des robots est salutaire, et fait émerger de nombreux questionnements juridiques, éthiques, philosophiques et économiques, qui feront partie des nouveaux défis de demain !
« Crédit photo Flickr: Contando Estrelas »
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