L’Union sacrée, un faux remède à la crise politique

Fondapol | 29 septembre 2014

10437150994_54b9553425_kL’Union sacrée, un faux remède à la crise politique

Par @VincentFeré, Professeur de Première supérieure à Amiens 

Et si François Bayrou avait eu raison trop tôt quand, en  2007, il jugeait la situation de la France si grave qu’elle nécessitait l’union de tous les réformateurs, de droite comme de gauche, pour sortir le pays de la crise ?

Depuis lors les Français ont expérimenté deux majorités successives, avec Nicolas  Sarkozy d’abord avec François Hollande ensuite, qui ont non seulement laissé le pays dans l’impasse mais ont mécontenté une majorité d’électeurs et les ont conduits à un rejet préoccupant de la politique. L’Union sacrée à laquelle avait appelé le Président Poincaré en août 1914, à l’heure des plus grands périls, est-elle donc aujourd’hui pour le pays la condition du redressement ?

Union sacrée et majorité politique

Depuis l’annonce du pacte de responsabilité par le Président de la République, et plus encore avec la fin des ambiguïtés symbolisée par le renvoi récent d’Arnaud Montebourg, la droite, prise à contrepied, n’a plus guère de raison de ne pas soutenir la politique économique du gouvernement. Et pourtant elle n’a pas voté la confiance au gouvernement Valls II. Symétriquement, une partie des socialistes, les fameux frondeurs, quoiqu’en désaccord de fond sur la politique prônée par Manuel Valls, ont choisi de ne pas unir leurs voix à celles de l’opposition parlementaire pour le renverser. Il y a donc une majorité politique au Parlement pour soutenir les mesures urgentes de redressement du pays mais elle ne s’est pas exprimée le 16 septembre. Comme elle se compose des opposants de droite et d’une partie de la majorité, la logique bipolaire des institutions l’en a empêché. Les plus optimistes diront que les institutions de la Cinquième République ont néanmoins épargné au pays une grave crise. En effet si les frondeurs et l’opposition parlementaire avaient fait cause commune, la France n’avait plus de gouvernement – quelle solution de rechange à gauche pour le Président de la République ?  Martine Aubry qui a avancé récemment quelques pions  et dont il ne veut pas ?- la dissolution conduisait alors probablement à une cohabitation refusée par l’UMP  et à laquelle, sans leader et sans programme, elle n’était guère préparée. De son côté, l’aile gauche de la majorité, elle aussi sans leader et sans programme, malgré quelques menaces verbales, a préféré conserver ses sièges plutôt que de subir les foudres du suffrage universel. En apparence, le gouvernement Valls II a donc obtenu la confiance.  En apparence seulement et les plus pessimistes, quant à eux, argueront du fait que ce vote ne résout rien et ils feront valoir  que seule une clarification idéologique serait de nature à résorber en partie la crise de la représentation politique. Elle aurait en particulier le mérite de montrer que les adversaires du pacte de responsabilité ne représentent pas une alternative crédible : on imagine mal en effet au pouvoir une coalition formée du Front de gauche, de quelques écologistes et socialistes et du Front national. Une union sacrée de toutes les forces politiques désireuses de sortir le pays du déclin semble donc nécessaire. Tout le monde s’accorde en effet aujourd’hui sur le caractère dramatique de la situation et une majorité de Français, las des stériles oppositions gauche/droite, d’une parole publique décrédibilisée d’échéance électorale en échéance électorale, soutiendraient sans doute un tel rassemblement.

L’impossible union sacrée

Pour autant cette union sacrée ne semble ni possible ni souhaitable. Elle est impossible dans la mesure où elle ne peut être proposée que par le Président de la République. Or  François Hollande, détenteur de la plus faible cote de popularité de la Cinquième République, n’en a pas les moyens politiques. Cela supposerait en effet une dissolution, sans doute aussi une réforme du mode de scrutin et la constitution d’une coalition gouvernementale à l’allemande.  Seul le Front national soutiendrait les deux premiers points qui lui permettraient naturellement d’entrer massivement au Palais-Bourbon; quant au troisième point, il viendrait confirmer le discours de Marine Le Pen sur l’UMPS. Le PS en revanche ne veut pas entendre parler de la dissolution et pour cause ; l’UMP  pas davantage et de toutes façons elle a prévenu qu’en cas de dissolution elle ferait la grève des ministères. Loin de résoudre la crise politique, de telles mesures y  précipiteraient donc la France.

Passons sur la voie référendaire qui, quelle que soit la question posée, tournerait au plébiscite pour ou contre le Président de la République. On croit connaître la réponse.

Ajoutons que cette union ne serait pas si sacrée que celle de 1914 qui avait intégré et l’extrême gauche guesdiste et la droite catholique, pourtant adversaires du régime, et siégeant côte à côte au sein du gouvernement de la République. En effet, il est évident que ni le Front de gauche, ni les frondeurs ni naturellement le Front national n’y participeraient.

Impossible cette union sacrée n’est pas non plus souhaitable. Paradoxalement, même si elle correspond en apparence aux aspirations d’une majorité de Français, elle risquerait de passer pour un arrangement entre des partis politiques discrédités ou pour la manoeuvre grossière d’un Président qui l’est davantage encore. Elle aggraverait donc la crise de la représentation politique. Car si le Président bat des records d’impopularité et si le Parti socialiste a subi une double défaite électorale historique au printemps dernier, l’UMP ne profite guère de ce désaveu du pouvoir en place et traverse, elle aussi, une crise de crédibilité entamée avec la guerre Copé/Fillon  il y a deux ans et continuée avec l’affaire Bygmalion qui attend son dénouement judiciaire. De surcroît la culture du compromis n’existe guère en France et la situation exige davantage des choix courageux que des demi-mesures qui ne fâchent personne.

 La nécessaire refondation politique

L’union sacrée, même si elle a pour elle l’apparence de l’évidence, n’est donc pas la solution à la crise politique actuelle. Ce qui doit s’imposer en revanche, c’est une refonte complète du système politique et au premier chef des partis. C’est dans le fond, pour l’heure, le principal échec politique du Président Hollande qui a pensé sans doute  une fois au pouvoir convaincre la gauche de rompre avec certains dogmes périmés qu’il avait pourtant dangereusement utilisés durant sa campagne. Le Parti socialiste n’a donc plus ni doctrine ni base sociologique ! Et Hollande contrairement à Mitterrand ne disposera pas du temps d’une cohabitation pour, les réformes douloureuses faites par la droite, se poser en rassembleur d’un pays divisé.  Ajoutons que le vrai défi pour le gouvernement Valls c’est le budget 2015. Il y a fort à parier que les échéances ne seront pas tenues, toute réforme structurelle risquant de réveiller les hostilités à gauche ou de déclencher  un mouvement social contagieux : la gauche au pouvoir n’a pas envie d’affronter la rue. Un quinquennat pour rien, tel pourrait être le moins mauvais bilan possible pour les socialistes !

La responsabilité de la droite de gouvernement est donc écrasante : elle doit refonder sa légitimité – Xavier Bertrand et Nicolas Sarkozy ont bien compris que « l’UMP c’est fini »-. Pour cela, il y a urgence à faire de la politique autrement et à associer les Français à un nouveau contrat social et à un grand dessein pour le pays. La vague promesse d’une alliance partisane entre la droite et le centre, sans doute suffisante pour espérer affronter Marine Le Pen en 2017, n’est certainement pas à la hauteur de l’enjeu. Et si l’élection présidentielle retrouvait ses origines gaulliennes, servant à donner au pays un(e) chef rassemblant les Français au-delà de clivages partisans dont ils ne comprennent plus le sens : une autre forme d’union sacrée ?

Crédit photo : Mathieu Delmestre

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