Malala ou le combat d'une vie

Coralie Pereira | 25 février 2014

25.02.2014Malala ou le combat d’une vie

Par Coralie Pereira

YOUSAFZAI Malala (en collaboration avec LAMB Christine), Moi, Malala, je lutte pour l’éducation et je résiste aux talibans, Editions Calmann-Lévy, Paris, 2013, 372 pages, 18,50 €

Née le 12 Juillet 1997 à Mingora, Malala Yousafzai est une militante des droits de la femme au Pakistan. Menacée par les talibans, elle fut victime d’un attentat où elle manqua perdre la vie le 9 Octobre 2012. Transférée le 15 Octobre 2012 à l’hôpital de Birmingham, elle ne retourna jamais au Pakistan qui l’avait vu naître et commença une nouvelle vie – avec son père et sa famille – au Royaume-Uni. Son nom, son visage et son combat ont fait le tour du monde, par la presse d’abord, puis par la littérature. Avec Moi, Malala, je lutte pour l’éducation et je résiste aux talibans écrit en collaboration avec la journaliste britannique Christine Lamb, Malala Yousafzai revient sur l’attentat, mais aussi sur sa renaissance, son parcours depuis les rues londoniennes jusqu’aux salles de l’ONU et – surtout – sur son histoire personnelle, rendant à la jeune martyre l’humanité innocente d’une petite fille.

L’histoire d’une petite fille

Moi, Malala, je lutte pour l’éducation et je résiste aux talibans est comme un journal intime[1]. La plume est facile à lire. Agréable. Les mots glissent sous les yeux, et nous font pénétrer dans l’univers complexe et hostile d’une petite fille courageuse. Car c’est son histoire que Malala nous raconte. Celle d’une petite fille née un soir de juillet dans une famille du Pakistan. Celle d’une petite fille amoureuse de l’école, aimant étudier et apprendre. Celle d’une petite fille ne voulant pas se plier aux règles d’un pays qu’elle ne comprend pas. Celle d’une petite fille qui s’est battue pour ses croyances et que rien n’a arrêtée, pas même un attentat. Malala nous raconte son enfance, ses souvenirs, ses amies et sa famille. La simplicité de ses mots nous transporte et nous plonge dans le Pakistan des XXe et XXIe siècle.

Une histoire du Pakistan

Moi, Malala, je lutte pour l’éducation et je résiste aux talibans, c’est aussi l’histoire d’un pays. Par intermittence, Malala Yousafzai relate l’histoire de son pays. Elle raconte la fondation en 1947, les premières élections en 1970, les coups d’états et démissions successives des dirigeants et décrit la place prépondérante de l’armée, tant d’éléments qu’elle n’a pu connaître ou comprendre – car elle était trop jeune – mais que l’instruction qu’elle aime tant lui a appris[2]. Son récit est ainsi  émouvant : malgré les événements, malgré la tension, l’injustice ou l’incompréhension qu’elle a pu ressentir, malgré la tragédie de sa propre condition de fille – puis de jeune femme – pakistanaise, Malala Yousafzai n’a, semble-t-il, jamais cessé d’aimer son pays. Plus que son histoire, c’est sa culture qu’elle transmet : tout du long, elle parle dans sa langue, insère les mots de base, les mots d’amour qu’elle prononce à son « aba », les acronymes pakistanais, et elle assure la passation aux lecteurs qui se pencheront sur ses écrits par le « Glossaire » mis en fin d’ouvrage[3].

Un combat de femmes au Pakistan

Dans son récit, Malala Yousafzai glisse ses idéaux, ses revendications, et son combat. Chacune des cinq parties de l’ouvrage mentionne son incessante rébellion contre le système conservateur des talibans qui refuse le droit élémentaire aux femmes : celui d’étudier. Son combat, elle l’exprime clairement, mentionnant ses discours, ses actions cachées, l’écriture du blog sous un faux nom. Plus implicite, son combat transparaît dans son obsession pour l’étude, pour l’école, pour le savoir. Plus qu’un combat pour le droit d’étudier pour une femme au Pakistan, Moi, Malala, je lutte pour l’éducation et je résiste aux talibans, est un plaidoyer pour les femmes du monde, pour qu’elles aient les mêmes droits que les hommes qui vivent à leurs côtés.

Un père et sa fille

Des hommes, celui que Malala Yousafzai aime le plus est sans nul doute son père – auquel succèdent ses frères. Il est son modèle, la figure qui la guide. Ce combat, si ce n’est pour lui qu’elle le mène, c’est néanmoins par lui qu’il est né. C’est parce que son père voulait qu’elle puisse aller à l’école et vivre de la même façon que ces deux petits frères que Malala a pu goûter aux joies de suivre une classe, d’avoir des amies, d’apprendre. L’écriture clandestine du blog fut soutenue par Monsieur Yousafzai. Ses discours furent eux aussi encouragés par le père. Ainsi, Moi, Malala, je lutte pour l’éducation et je résiste aux talibans illustre la relation père/fille, et brosse le portrait de liens idylliques, d’un père aimant sa fille et pouvant tout faire pour elle, et d’une fille adorant son père et reprenant le flambeau que ce dernier s’acharnait à agiter, le soulevant plus haut bien malgré elle.

Un martyr

Car en effet, Moi, Malala, je lutte pour l’éducation et je résiste aux talibans est avant tout le récit d’une lutte acharnée d’une petite fille contre un système oppressif prêt à tout pour que leur doctrine soit respectée. Les talibans, Malala Yousafzai en parle en effet continuellement dans l’ouvrage. Ils hantent les pages comme ils hantaient et hantent encore les rues du Pakistan, les maisons et les consciences. Ils obsèdent Malala et la terrifient comme tant d’autres. Mais ce livre, s’il est le récit d’un combat, est aussi le récit d’un martyr. A l’image des hommes morts pour leur religion, Malala Yousafzai a bien failli mourir pour sa propre religion : celle de l’école, et de l’éducation. Comme les prédicateurs, elle a prêché inlassablement la nécessité de s’instruire, même quand on est une femme, le droit même de recevoir cette éducation qui, seule, permet au plus commun d’entre nous de se hisser au plus haut, de s’opposer à plus violent que soi, de continuer une lutte en faisant fi des menaces et de sensibiliser une presse aveugle et sourde au sort de petites filles anonymes dans les montagnes et les villes du Pakistan.

Une leçon de vie

En sommes, Moi, Malala, je lutte pour l’éducation et je résiste aux talibans condense en quelques trois-cent-cinquante pages une leçon de vie. Au fil des pages, on croise et apprend à connaître une petite fille du Pakistan qui, pour toutes, se bat pour l’égalité de nos droits. Malgré les menaces, malgré la peur et les frissons, Malala Yousafzai n’a pas cessé son combat. Elle chante l’histoire de son pays avec un patriotisme que nous-même Occidentaux n’avons sûrement jamais ressenti, trop habitués que nous sommes à la paix. Elle sensibilise à l’importance de l’école, chose que nous avons oubliée tant nous la prenons pour acquise. Au travers de ses mots, on redécouvre l’importance de petites choses qui devraient être grandes pour nous aussi, comme l’amour pour un père, l’amour pour une famille, l’amour pour une patrie. Elle parle du respect des autres, du respect de soi, du respect de ses idéaux. Surtout, Moi, Malala, je lutte pour l’éducation et je résiste aux talibans est un cri d’alarme dans un monde devenu fou qui tire sur ses enfants.

Crédit Photo: Claude TRUONG-NGOC


[1] Outre l’écrit, Malala Yousafzai a choisi d’insérer dans son ouvrage une série de photo qui relate son histoire en images. On la voit avec ses frères, son père et sa mère, enfant puis jeune adolescente, ou encore découvrant la neige pour la première fois.

[2] YOUSAFZAI Malala, Moi, Malala, je lutte pour l’éducation et je résiste aux talibans, « Chronologie », pp 363-365.

[3] YOUSAFZAI Malala, Moi, Malala, je lutte pour l’éducation et je résiste aux talibans, « Glossaire », pp 359-363.

 

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