Manif pour tous : un coup pour rien ?
01 avril 2014
Manif pour tous : un coup pour rien ?
Après l’adoption de la loi Taubira ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe en mai dernier, La « Manif pour tous » avait fait savoir qu’elle serait présente durant la campagne des élections municipales. Dès le mois d’octobre 2013, une « Charte des Maires et des candidats aux élections municipales 2014 » a ainsi été mise en ligne, à destination de l’ensemble des têtes de listes et de leurs colistiers. Ce document s’est accompagné d’un système de labellisation des listes des candidats soutenant le mouvement. Si la charte a été signée par plusieurs centaines de candidats, la labellisation des listes est loin d’avoir convaincu, aboutissant à un succès fortement mitigé pour les « défenseurs de la famille ».
Une charte, trois engagements
La charte de la Manif pour tous est composée de trois parties, relatives à la politique familiale, à la politique éducative et aux intentions de vote aux prochaines élections sénatoriales et présidentielles. Les signataires de la charte s’engagent à faire de la famille la cellule de base de la société, à préserver l’enfant de toute expérimentation basée sur les concepts de genre ou encore à soutenir les futurs candidats aux élections sénatoriales et présidentielles dont l’objectif sera notamment d’abroger la Loi Mariage pour tous.
Un nombre de signataires à relativiser
Plusieurs centaines de candidats, dont 600 têtes de liste et 43 parlementaires, ont signé cette charte au cours de la campagne pour les élections municipales. Dans les villes de plus de 50 000 habitants, 58% des signataires appartenaient au FN ou au Rassemblement bleu marine, 18% à l’UMP et 24% étaient étiquetés divers droite[1]. Contrairement à l’ambition initiale de la Manif pour tous, peu de personnalités issues de la société civile ont émergé, laissant aux professionnels de la politique le soin de représenter les opposants au projet de loi relatif à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe.
Parmi les élus opposés au « mariage pour tous » figurent le porte-parole du Collectif des maires pour l’enfance, Franck Meyer ainsi que Michel Villedey, maire de Thorigné d’Anjou. A Paris, quatre maires d’arrondissements signataires de la charte ont également été élus dès le premier tour : Claude Goasguen, Brigitte Kuster, Jean-Pierre Lecoq et Jean-François Legaret. S’ajoutent de nombreuses autres personnalités politiques, dont certains parlementaires : Etienne Blanc, Philippe Cochet, Charles de Courson, Nicolas Dupont-Aignan, Jean-Christophe Fromantin, Philippe Gosselin, Céleste Lett, Philippe Marini, Hervé Mariton, Olivier Marleix, Jacques Bompard, Christian Cambon, Patrick Balkany, Jean-Pierre Door, Joël Billard, François de Mazières, Jacques Kossowski, Alain Moyne-Bressand, Yannick Moreau, Jacques Myard, Laurent Wauquiez, Eric Woerth, Hugues Portelli…
Parmi les signataires, 13 sont allés jusqu’à saisir la Cour Européenne des Droits de l’Homme afin de faire valoir une « clause de conscience » permettant aux élus de refuser de célébrer les mariages de couples de même sexe. Cette clause avait été préalablement rejetée par le Conseil Constitutionnel[2], saisi d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité en octobre dernier. Neuf d’entre eux ont été réélus dès le premier tour, dont Franck Meyer à Sotteville-sous-le-val (76)[3], Xavier Lemoine à Montfermeil (93) et Philippe Brillault au Chesnay (78).
Des élus déterminés
Au demeurant, la thématique du « mariage pour tous » ne s’est clairement pas retrouvée au cœur des enjeux de la campagne. En pratique d’ailleurs, rares ont été les listes labellisées Manif pour tous et leurs scores sont restés globalement faibles. A Versailles, Fabien Bouglé n’a obtenu que 7,8% des voix, soit 2 sièges au conseil municipal. A Rambouillet, Grégoire Leclercq n’a emporté que 13,8% des suffrages exprimés.
Les signataires les plus radicaux de la charte se sont engagés coûte que coûte à ne célébrer aucun mariage de couples de même sexe. La résistance des maires pourrait alors être sanctionnée d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à 5 ans, accompagnée d’une amende de 75 000 euros. A cela s’ajoutent des sanctions électorales, pouvant aller jusqu’à la révocation du maire réfractaire.
Sarah Nerozzi-Banfi, Mathieu Lyoen, Rebecca Breitman
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