Mariage homosexuel en Allemagne : manœuvre politique ou avancée sociétale ?
Florelle Henry | 24 juillet 2017
Suite au vote français sur l’adoption d’une loi instaurant l’ouverture du mariage pour tous, entrée en vigueur en date du 18 mai 2013 en France, Günter Dworek, porte-parole du LSVD (Lesben- und Schwulenverband in Deutschland, association des lesbiennes et gays en Allemagne), déclarait : « L’Allemagne ne peut pas rester à l’écart. Les familles de même sexe avec des enfants doivent elles aussi obtenir la pleine protection juridique. Le 22 mars 2013, le Bundesrat a été le premier organe institutionnel à s’exprimer pour l’élargissement du mariage et à décider d’une loi correspondante. Nous exigeons du gouvernement général et du Bundestag qu’ils reprennent cette initiative et créent enfin une égalité des droits. »
Le 30 juin 2017, l’Allemagne intègre enfin le camp des vingt pays occidentaux, se plaçant au quatorzième rang des pays européens à légaliser le mariage pour tous.
Progressisme utilisé à des fins de succès législatif ? sans doute.
Une législation à la sémantique floue
Au regard du droit civil allemand, aucun texte ne prévoit l’application par analogie des règles valables pour les personnes mariées au profit des couples homosexuels. Aucune définition légale de la notion de mariage n’apparaît dans les textes. Il semble que jusqu’à présent, le mariage fut entendu dans une acception sociologique, reposant sur des droits naturels préexistants à la Loi et à l’Etat, parmi lesquels figurerait la différence des sexes. Le droit allemand s’est appuyé en la matière sur des dispositions du quatrième livre du BGB, qui visent « l’homme et la femme » ; « le père et la mère ».
La Loi fondamentale elle-même demeure floue à ce sujet, ainsi prévoit-elle seulement, en son article 6 alinéa 1 que « le mariage et la famille sont placés sous la protection particulière de l’Etat » qu’est-ce à dire ?
Parmi les missions incombant à l’Etat, il est à rappeler que l’une d’elles consiste à respecter et à protéger les individus contre toute forme de discrimination qu’importe la « communauté », humaine avant tout. En ce sens, il appartient à l’Etat, si l’on s’en tient aux règles constitutionnelles Allemandes, et pas que, de prendre en considération d’autres droits fondamentaux élémentaires, tels que le libre épanouissement de la personnalité, le principe d’égalité.
La liberté de contracter mariage sans différenciation de sexe, revient enfin à abolir une inégalité tenant compte de l’évolution de la société. Un ordre juridique ne doit-il pas évoluer au rythme de la société qu’il encadre ?
L’Allemagne au centre de l’Union Européenne semble sur ce point très en retard vis-à-vis de ses voisins européens, et occidentaux. Mieux vaut tard, que jamais.
Une adoption rapide, sans débats, ni manifestations
Sans surprise, le 30 juin 2017, à 393 voix pour et 226 contre, après quelques 38 minutes de « débats », le Bundestag adopte un texte, quelques mots d’une grande importance y figurent : « Le mariage est conclu à vie par deux personnes de sexe différent ou de même sexe ».
Une adoption relativement rapide, si l’on tient compte de la résolution du Bundesrat du 22 mars 2013 en faveur de la légalisation du mariage pour tous. Une inscription à l’ordre du jour par le Bundestag quatre ans après !
En revanche, une rapide comparaison, laisse apparaître le contraire, trois jours en Angleterre pour faire adopter une telle loi, plusieurs mois en France, ce comprenant un raz de marée de manifestants.
Approuvée par une majorité constituée d’élus des trois partis de gauche représentés à la chambre basse du Parlement (Bundestag), l’on retrouve ainsi les sociaux-démocrates (SPD), les écologistes, et la gauche radicale (die linke). Les conservateurs de la CDU et de la CSU se sont quant à eux divisés, un tiers seulement ayant voté pour. Jusqu’à présent ces deux partis s’étaient toujours fermement opposés à ce type de question de société. A contrario il cette thématique constituait le cheval de bataille des sociaux-démocrates, qui en faisait un point fort de leur programme.
Volte-face et remous politique ?
Cette adoption fut permise de par l’infléchissement de la position d’Angela Merkel sur la question deux mois avant les élections législatives allemandes. Si elle appelait de ses vœux à en débattre après les élections législatives de septembre. Elle fut prise de court par Martin Schulz, principal concurrent de la chancelière, qui l’a ainsi prise au mot, et a imposé à l’ordre du jour du Parlement allemand l’adoption de la loi, ce avant la fin de session parlementaire.
Les sociaux-démocrates du SPD, de même que les libéraux du FDP faisaient de cette adoption une condition pour participer à une coalition politique avec le clan Merkel dans le gouvernement à venir issu des prochaines législatives. Certains députés de la CDU, autrement dit, le parti Merkel, accusent ouvertement des représentants du parti des sociaux-démocrates d’avoir rompu ledit « contrat de coalition » scellé après les élections législatives de 2013. En précipitant les choses, et en s’alliant avec l’opposition, ces derniers ont acté le potentiel divorce de la coalition formée avec les chrétiens démocrates (CDU). L’inscription à l’ordre du jour n’a en effet pas été débattue entre les deux « alliés ».
Une réplique digne d’un coup de maître peut-être, en effet, aucune critique majeure chez lesdits conservateurs, une opposition affichée de la part d’Angela Merkel, mais un appel au vote « en conscience », une thématique majeure dans le discours de l’opposition réglée par l’adoption du mariage homosexuel, et l’intégrité de ses idées conservée aux yeux de son parti.
La chancelière demeure favorite pour briguer un quatrième mandat. Elle a initié le débat, désirant en faire un axe de coalition avec le SPD, cependant à y regarder d’un peu plus prêt, à qui profite le plus l’adoption de cette loi en vue des prochaines élections ?
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