Mélenchon à "ONPC" : radical, anti-élites et maintenant écolo. Son discours évolue
Fondapol | 22 octobre 2014
Mélenchon à « ONPC » : radical, anti-élites et maintenant écolo. Son discours évolue
Par @SylvainBoulouque
Ce samedi, Jean-Luc Mélenchon était l’invité de l’émission « On n’est pas couché » sur France 2. Après son break annoncé à la fin du mois d’août, l’ancien leader du Front de gauche a-t-il changé ? A-t-il de nouvelles propositions ? L’analyse de Sylvain Boulouque, historien de la gauche radicale.
Comme tout le personnel politique, il a dû se plier avec une certaine délectation à l’exercice des passages télévisés dont l’une des émissions phares du Paf : « On n’est pas couché ». « L’Ère du peuple », livre programmatique, synthétise en fait ses interventions publiques depuis plusieurs années. Le registre de ses interventions est multiple, dans le sillon tracé depuis 2008 et souvent développé dans son blog.
Gauche socialiste et VIe République
Classiquement, il critique le gouvernement socialiste, s’inscrivant dans la tradition de la gauche radicale : l’ennemi principal appartient aux sphères gouvernementales (les solfériniens) et les élites libérales et à leurs alliés les journalistes. Il reprend aussi la vulgate d’extrême gauche sur les chiens de garde et les nouveaux chiens de garde (les journalistes protègent le système), empruntant à Paul Nizan et à ses épigones du « Monde diplomatique » et d’Acrimed.
Le deuxième aspect, la campagne pour la VIe République. Elle s’inscrit dans des thématiques classiques dans sa forme comme dans son fond. L’appel a été relayé par une centaine de personnalités issues de la gauche radicale universitaire et culturelle, qui avait appelé à voter pour lui en 2012.
Le lancement de la campagne reprend les formes élémentaires de la propagande communiste : l’appel lancé est relayé par des personnalités issues du monde intellectuel. Le caractère pétitionnaire qui suit l’appel des intellectuels s’inscrit davantage dans l’héritage de la mouvance lambertiste.
La référence à la Constituante est directement issue des références à 1792, à Convention et à la tradition thorézienne réclamant une « véritable démocratie (populaire) » et la constitution d’une république souveraine.
Enfin, Mélenchon retrouvent toutes les lignes de continuité qui forment le corpus idéologique et la vision doctrinale de la gauche radicale : lutte des peuples contre les puissances, anti-américanisme, refus du libéralisme, etc…
Une synthèse des critiques du système
Si les éléments de continuité sont importants, il existe des signes de mutations théoriques qui commencent à s’opérer dans son discours.
Mélenchon se fait le réceptacle et la synthèse de l’ensemble des critiques du système. Il intègre les réflexions théoriques de l’ultra-gauche, utilisant à plusieurs reprises les concepts de « Multitude » et « d’Empire » empruntés à Tony Negri et Michaël Hardt.
De même, une légère mutation sémantique qui est en fait un retour au lexique de la Révolution française, abandonnant les références explicites au prolétariat, aux ouvriers, aux employés. L’acteur central du discours de Mélenchon est le peuple, ce qui permet d’englober toutes les catégories sociales et professionnelles. Cependant, Mélenchon poursuit la logique initiée par le PCF pendant le Front populaire ou à la Libération qui minorait certaines expressions pour faire référence au peuple et à la Nation.
Et des innovations programmatiques
Mélenchon apporte néanmoins des innovations programmatiques. Elles portent notamment sur l’intégration de combats écologistes. Dans le programme de 2012, l’écologie était présentée sous le vocable de la planification écologique. Elle est depuis portée par le seul Parti de gauche et le courant Ensemble du front de gauche avec le programme pour l’éco-socialisme.
L’analyse poussant là encore à intégrer d’autres éléments portés par la gauche radicale et la gauche écologiste comme le rejet absolu du nucléaire, la décroissance, l’anthropocène, etc…
En s’attachant à préserver les continuités tout en apportant une évolution, il s’agit pour Mélenchon de fédérer peut-être dans un nouveau mouvement dépassant le seul dialogue avec le PCF, pour toucher l’ensemble des forces de gauche non gouvernementale.
Crédit photo : Ricardo Patino
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