Métropolisation et tourisme : comment le tourisme redessine Paris

08 mai 2014

08.05.2014Métropolisation et tourisme : comment le tourisme redessine Paris

Gravari-Barbas M., Fagnoni E. (dir.), 2013, Métropolisation et tourisme. Comment le tourisme redessine Paris., Belin, 331 p., 28, 40 €

Parmi une littérature abondante sur le tourisme en ville, « Métropolisation et tourisme. Comment le tourisme redessine Paris. » fait montre d’originalité. Dans cet ouvrage collectif, Maria Gravari-Barbas et Edith Fagnoni, toutes deux géographes, entreprennent d’éclairer la nature d’un tourisme à la fois produit et producteur de la métropole, et de montrer qu’acquérir un nouveau regard sur l’un et l’autre permet de les enrichir mutuellement.

Paris au sens large

Un tel ouvrage prend tout son sens à l’heure de la réactualisation des réflexions sur la métropole, essentiellement au travers du Grand Paris, dont le tourisme est, étonnamment, quasiment exclu. Il apparaît pourtant comme une dimension majeure du rayonnement de la métropole parisienne.

Si la ville accueillait à elle seule environ 29 millions de touristes en 2012[1], c’est toute la métropole qui est concernée par le tourisme, les pôles de Versailles et de Disneyland Paris en particulier, recevant tous les ans des flux de visiteurs comparables à ceux du centre de la capitale. La métropole est ainsi une destination majeure du tourisme mondial.

Ainsi, le pari de ce livre est de mettre l’accent sur l’échelle métropolitaine, prenant en compte Paris intra-muros mais aussi sa proche et lointaine banlieue. Géographes, urbanistes, sociologues et architectes sont ainsi réunis afin de traiter cette question, explorant différentes manifestations de cette relation avec leurs angles d’approche propres.

Le tourisme : un angle mort des réflexions sur la métropole

L’ouvrage est structuré en quatre thèmes. Le premier, consacré aux aménagements entrepris à l’échelle métropolitaine, donne à voir un panorama des grands équipements structurants ayant un impact sur la fréquentation touristique.  Les auteurs montrent, à raison, que les espaces de la métropole sont rarement le produit de politiques touristiques, mais que cette dimension est désormais largement prise en compte dans la conception de la plupart des projets urbains. Si cette relation est largement visible dans Paris intra-muros, elle l’est beaucoup moins dans les territoires périphériques, ce que certaines collectivités telles que Plaine Commune cherchent à corriger.

Le deuxième thème, centré sur l’attractivité de la métropole parisienne, montre en quoi la diversification et l’intensification de l’offre touristique due à la métropolisation à échelle mondiale, amène les acteurs parisiens des politiques touristiques à améliorer et à renouveler l’attractivité de leur territoire afin de rester dans le jeu de la compétition entre villes pour attirer les visiteurs. Multiplication des évènements culturels, qualité architecturale des nouvelles constructions, amélioration des structures d’accueil et bien d’autres initiatives sont autant d’outils permettant à la métropole de rester attractive.

Le troisième thème est celui des pratiques touristiques au sein de la métropole. Il cherche à éclaircir quels sont les espaces fréquentés par les touristes, les parcours, les temporalités des visites, la cohabitation avec les habitants permanents, etc. De ce point de vue, l’article consacré aux pratiques des « backpackers» [2] , en abordant les pratiques touristiques d’un type de visiteurs bien particulier, se révèle particulièrement éclairant.

Le dernier aspect exploré par cet ouvrage est celui des imaginaires métropolitains. Les articles de cette section sont regroupés sous l’angle des arts, de la photographie, en passant par le cinéma et la littérature afin de déchiffrer les représentations associées à Paris et à la métropole.  Cette dernière partie est certainement la plus originale de l’ouvrage puisqu’elle utilise des sources moins centrales en géographie, permettant de renouveler l’approche de l’articulation entre métropole et tourisme.

L’intégration de la périphérie à la réflexion sur le tourisme

Grâce à l’appréhension de la dimension métropolitaine du tourisme, l’ouvrage intègre dans la réflexion sur le tourisme les territoires périphériques de Paris. Cet éclairage est bienvenu puisque l’on ne s’intéresse habituellement que très peu à cette question du dehors des limites administratives de la capitale. Il ressort finalement une géographie du tourisme centré sur un hyper-centre parisien concentrant une grande partie des flux touristiques, des arrondissements périphériques, en particulier dans le nord, qui émergent actuellement du point de vue de leur fréquentation, de quelques pôles en périphérie qui accueille un nombre très important de touristes (Disneyland Paris, Versailles ou encore le Stade de France)  mais déconnectés du reste du territoire sur lequel ils sont implantés, ce dernier peinant à se faire une image et à attirer les touristes.

Le changement de focale amorcé dans cet ouvrage permet de prendre en compte l’évolution des pratiques touristiques les plus récentes. De plus en plus mobiles, les touristes cherchent à sortir des sentiers battus. Plusieurs articles témoignent de cette volonté d’émancipation de l’hypercentre parisien. L’exemple du Mac/Val, le musée d’art contemporain du Val de Marne situé à Vitry sur Seine, montre la difficulté des équipements culturels implantés en banlieue à revendiquer un rayonnement touristique métropolitain. Le Mac/Val a d’ailleurs été pensé au départ comme un équipement de proximité pour les habitants de la banlieue. Une inflexion de la politique muséographique a été amorcée récemment et le musée cherche maintenant à attirer davantage les touristes en s’intégrant à la dynamique plus globale de métropolisation.

L’article consacré à la patrimonialisation et celui sur le tourisme durable, interrogent également le rapport du tourisme à l’espace métropolitain dans son ensemble. Tous deux montrent les divergences entre centre et périphérie. De nouvelles centralités touristiques émergent timidement en dehors de Paris et des grands pôles déjà bien implantés précédemment cités. Ainsi, penser le tourisme par les marges de la métropole permet de réinterroger le centre et d’ouvrir de nouvelles pistes pour la recherche.

Conclusion :

L’apport  de cet ouvrage est d’interroger l’articulation entre ces deux notions, en explorant des thèmes variés, et ainsi d’élargir l’espace d’étude à la métropole dans son ensemble. Cette approche amène à de nouveaux questionnements et enrichissant la réflexion globale sur la métropole et surtout sur le tourisme.

Les comparaisons avec d’autres métropoles comme Londres, Sao Paulo ou encore Berlin mettent en lumière similitudes et spécificités de Paris. La bibliographie est par ailleurs un des points forts de cet ouvrage collectif. Elle permet d’approfondir et de compléter les connaissances sur la plupart des thèmes très divers évoqués dans ce livre.

Malgré un manque de cohérence et une relative disparité dans la qualité des articles, tant du point de vue du degré d’aboutissement des recherches menées que de leur originalité, la lecture de cet ouvrage reste très enrichissante pour les personnes s’intéressant au thème du tourisme au sein de l’espace parisien.  C’est donc un ouvrage « défricheur » qui nous est proposé ici, permettant d’ouvrir et de compléter le regard habituellement porté  sur le tourisme à Paris.

Jean Sénié

Crédit photo : Moyan_Brenn

[1] Observatoire économique du tourisme parisien de l’Office du Tourisme et des Congrès de Paris, 2013, Le Tourisme à Paris – Chiffres clés 2012

[2] Dénomination des personnes au mode de voyage « léger », préférant une économie et une autonomie dans leurs pratiques, marquées par un état d’esprit ou la recherche d’expériences « authentiques » prévaut.

Commentaires (0)
Commenter

Aucun commentaire.