Naître femme en France : un avantage ?

Fondapol | 19 novembre 2012

6217356697_10f1ecdde7L’objet du féminisme est de lutter contre les discriminations légales, économiques et sociales à l’encontre des femmes. Si le combat est loin d’être gagné en France, il ne doit pas occulter que certains hommes sont aussi victimes d’inégalités de traitement en raison de leur sexe. Sans parler de la violence faite aux hommes, cas extrêmes, des discriminations plus insidieuses existent.

 

Inégaux face au juge

Les hommes subissent des discriminations dans des domaines très divers. L’exemple le plus probant de ces inégalités est peut-être le traitement qui leur est réservé dans les tribunaux. On connaît bien sûr la grande inégalité en matière civile dont les hommes sont victimes en matière de divorce et de garde d’enfants, confiés dans l’immense majorité des cas à la mère : la très forte féminisation du corps des juges aux affaires familiales n’y est sans doute pas étrangère. Mais bien plus inattendue est l’inégalité existant également en matière pénale. Dans Penser la violence des femmes, les sociologues du droit M. Lelièvre et T. Léonard soulignent ainsi que les magistrats sont plus cléments à l’égard des femmes lorsqu’ils rendent leurs jugements. C’est la conclusion à laquelle ils sont arrivés au terme d’une étude approfondie de plus d’un millier de comparutions immédiates dans six tribunaux correctionnels français. La justification de ces résultats par la moindre gravité des délits commis par les femmes ne saurait être retenue : la comparaison des condamnations hommes/femmes a été établie pour des délits de gravité égale. Ainsi, quel que soit le type d’atteinte à la norme (trafic de stupéfiants, infractions routières, atteintes aux biens…), le bilan des chercheurs est sans appel : « lors des audiences, le sexe influe sur les décisions prononcées ». L’un des exemples de l’étude est celui d’un homme violent à l’égard d’un chauffeur de bus condamné à six mois de prison avec sursis, alors qu’une femme ayant agressé l’enseignante de sa fille avait été condamnée à un mois avec sursis. Ce qui a retenu l’attention des auteurs est que les juges ont tenu compte des circonstances particulières dans lesquelles se trouvait la mère (parent isolé) sans se soucier de celles qui touchaient l’homme incriminé.

Sexisme caché ?

Comment expliquer ces inégalités dans le traitement des affaires judiciaires ? D’après les sociologues, « les hommes sont perçus comme généralement, voire naturellement, plus violents, alors que les violences de femmes, surtout si elles sont portées envers des hommes, seraient des réactions de défense ». Autrement dit, les juges partiraient avec un a priori défavorable à l’encontre des hommes, alors que les femmes bénéficieraient d’une présomption d’honnêteté et de douceur[1]. On pourrait objecter que cette situation est une fois de plus le produit d’une construction machiste de l’image de la femme (faible, sans défense, et irresponsable), mais ce sont bien les hommes qui en sont in fine affectés.

Une étude plus nuancée

Une autre étude menée sous la direction de D. Welzer-Lang nuance les thèses évoquées précédemment. L’analyse de plus de cinq-cents comparutions immédiates a permis à ce professeur de sociologie à l’Université Toulouse-Le Mirail de déceler des différences majeures concernant le mandat de dépôt : les juges condamnent moins souvent les femmes à des peines de prison (en 2007, les femmes représentaient 14,9% des personnes mises en cause par les services de l’ordre, mais seulement 3,7% des personnes incarcérées). En revanche, une fois que le principe de l’incarcération est posé, cette étude (contrairement à celle précédemment citée) ne montre pas de différence entre les peines des hommes et celles des femmes. De plus, la mansuétude à l’endroit des femmes ne concerne que les mères, qui possèdent de surcroît la nationalité française. La considération pour la maternité laisse à penser que c’est davantage la charge de famille qu’on attribue par automatisme à la femme que le fait même qu’elle soit une femme qui provoque la clémence des juges[2]. Bref la mère l’emporte sur la femme. Quoi qu’il en soit, cette situation ne bénéficie à terme ni aux hommes ni aux femmes car il est évident que « tout ce qui entretient une représentation victimologique des femmes est un obstacle à l’égalité »

La réification des hommes par l’image

Alors que s’est développée (à raison) une sensibilité exacerbée pour tout ce relevait des attaques faites aux femmes dans les media (journaux, clips télévisuels, publicités papier et TV), les attaques contre l’image des hommes ne semblent pas provoquer la même indignation.
La publicité pour la crème fraîche « Babette » en 2001 avait ainsi été violemment critiquée par les associations féministes pour la misogynie qu’elle véhiculait. Leurs réactions virulentes contre le slogan « Babette je la lie, je la fouette, et parfois elle passe à la casserole », inscrit sur le tablier d’une cuisinière sexy, n’avait pourtant pas suffi pour arrêter la campagne de publicité (quelques semaines plus tard, la marque avait même réitéré avec un nouveau slogan : « Babette, j’en fais ce que je veux »).

En revanche, et étonnamment, il semble que le clip de « Give me all your love » présentant des hommes se prosternant à genoux devant Madonna, n’ait ému personne. De la même manière, le site internet adopteunmec.com, conçu comme un « supermarché pour femmes » permettant de mettre les hommes de leur choix dans un « caddie virtuel », n’est jamais dénoncé comme une atteinte à la dignité des hommes. Or les slogans sont pléthore en la matière : « un choix exclusif d’hommes-objets à câliner est en rayon dans la boutique la plus douce » ou encore « Adoptez un roux pour voir la vie en orange ». Le concept a même été temporairement décliné sous forme de boutique[3] (photo ci-dessous), dans laquelle les hommes étaient mis en vitrine et classés selon des profils : « aventurier », « barbu », « mécano », « chic »… et rangés dans des boîtes façon « poupées barbies ». Il est à noter que les hommes eux-mêmes ne semblent pas s’émouvoir de l’existence d’un tel site : « c’est notre côté fun », affirmait Thomas Pawlowski, Directeur Marketing Stratégique d’adopteunmec. De plus, ils ont tendance à voir dans ce site internet une source presque illimitée de conquêtes, et non pas un medium « girlpower », qui serait un moyen pour la femme de renverser la tendance de la domination masculine.

Naïveté ? Jeu pervers ? Avènement d’un « nouvel homme » ? On laissera au lecteur la libre interprétation de ces jeux de rôle et de miroir plus complexes que la dénonciation du seul « sexisme mâle » ne le laisse penser…

Marie-Eva Bernard.

Crédit photo : valecoeuvre



[1] Il est à noter que même si les juges étaient aussi sévères à l’encontre des femmes que des hommes, les prisons seraient majoritairement occupées par ces derniers, puisqu’au 1er Janvier 2012, la population carcérale féminine française était de 2242 femmes contre 63457 hommes (source : Ministère de la Justice). Certains attribuent ces écarts à des raisons hormonales (la présence de testostérone en forte quantité serait la cause biologique d’une violence masculine intrinsèque), tandis que d’autres y voient un dégât collatéral, une transposition dans les rapports privés de la domination sociale masculine à grande échelle.

[2] À ce propos, l’attribution de la garde des enfants aux femmes dans la majorité des cas de divorce (dans près de 79 % des cas, les enfants résideront chez leur mère source : http://www.justice.gouv.fr/art_pix/1_1_071108autoriteparentaleaprdivousep.pdf ) est un autre exemple des inégalités de traitement réservées aux hommes.

[3] Pendant dix jours, en Septembre 2012, un magasin éphémère proposait dans le quartier du Châtelet à Paris de transposer dans le réel le fonctionnement du site internet. La boutique était ensuite destinée à se déplacer à Bruxelles, Lausanne, Toulouse et Lyon, avant de revenir à Paris.

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