Obama 2012 (3/3) : La stratégie du recentrage

Fondapol | 29 juin 2011

29.06.2011Le 6 novembre 2012, six mois jour pour jour après les Français, les Américains choisiront leur prochain Président. Barack Obama est aujourd’hui donné favori dans la plupart des sondages et par les milieux politico-médiatiques, en dépit d’une cote de popularité toujours bloquée sous les 50% (aucun Président n’ayant été réélu avec moins de 47% d’opinions favorables au cours de l’année électorale). Les jeux restent cependant très ouverts.

 

2012, une élection incertaine

Les élections américaines sont traditionnellement imprévisibles. En 1992, à ce stade de la campagne, George Bush père était donné gagnant tandis que Bill Clinton n’était pas même le favori des primaires démocrates. Reagan et Clinton furent réélus en 1984 et 1996 malgré des pronostics pessimistes. En 2008, c’est Hillary Clinton et non Barack Obama qui était censée remporter les primaires démocrates et l’élection générale. De même, ni John Kerry en 2004, ni John McCain en 2008 n’étaient partis favoris dans leurs primaires respectives.

Face au Président sortant, les candidatures républicaines aux primaires tardent à se stabiliser.

Aucune personnalité ne semble encore capable de l’emporter, de rassembler le parti et de battre Obama. Pourtant, l’avantage dont a joui Obama pendant la phase transitoire de mise en place des candidatures républicaines est en train de se refermer.

Outre l’identité et les capacités du futur candidat républicain, trois autres incertitudes vont peser sur les chances de réélection d’Obama : la plus importante est l’évolution de l’économie et notamment des créations d’emplois, du chômage et du prix de l’essence. Deux autres inconnus demeurent. Il est d’abord difficile aujourd’hui d’évaluer les retombées politiques du bras de fer budgétaire qui oppose le Congrès et le Président. La situation internationale est elle aussi imprévisible, du fait notamment de l’accentuation du risque terroriste depuis l’élimination d’Oussama Ben Laden.

Il y a encore quelques mois, le sort de Barack Obama paraissait scellé

Le Président apparaissait comme un probable « One-Term President », à l’instar de Jimmy Carter et George Bush père. Moins de 40% des Américains jugeaient satisfaisante sa performance à la Maison-Blanche. Le chômage avait presque doublé depuis la campagne de 2008. Le sauvetage controversé des banques et de l’industrie automobile avait conduit à l’explosion des dépenses, du déficit budgétaire et de la dette, sans que les Américains ne ressentent les effets positifs des politiques de relance.

Une grande partie des Américains avaient été surpris, sinon choqués, que le Président fasse de la réforme du système de santé sa priorité, à l’heure où plusieurs millions d’entre eux perdaient leur emploi ou leur logement. La plupart voyaient en outre dans cette réforme la preuve qu’Obama était un « socialiste » à l’européenne, accroissant la taille de l’Etat fédéral au détriment des libertés individuelles. Par cette initiative, Obama avait radicalisé l’opposition républicaine en provoquant l’essor du Tea Party. En outre, ses hésitations apparentes dans la conduite de cette réforme avaient suscité la colère de sa base électorale, favorable à l’avènement d’un système de santé publique.

A ces griefs s’ajoutaient la perception, chez Obama, d’une certaine indécision en matière de politique étrangère et d’une personnalité froide, distante et élitiste. En définitive, le Président avait perdu le contrôle de son agenda politique et du débat idéologique. Le lien personnel qu’il avait établi avec une majorité d’Américains pendant la campagne de 2008 s’était rompu.

Au lendemain des élections législatives, Obama se recentre

La sanction politique est tombée aux élections législatives à mi-mandat de novembre dernier. Cette défaite historique a fait perdre aux Démocrates la majorité à la Chambre des Représentants. De main de maître, Obama a paradoxalement su saisir cette opportunité pour relancer sa présidence et se positionner au centre pour 2012. Obama a ainsi opéré à la manière d’un Mitterrand ou d’un Chirac qui, dans un contexte français avaient su tirer parti de la cohabitation – pour assurer leur réélection en 1988 et 2002.

S’inspirant de la stratégie de la « triangulation » (tenir Démocrates et Républicains à égale distance) pratiquée par Bill Clinton seize ans plus tôt, Obama a rallié les Républicains sur le thème de la réduction du déficit budgétaire, s’est démarqué de sa base démocrate plus à gauche que lui et désormais minoritaire au Congrès, et s’est réconcilié avec les milieux d’affaires.

Grâce à ce nouveau positionnement, l’hôte de la Maison Blanche a réussi à se débarrasser de l’étiquette liberal (de gauche, aux États-Unis). Cette dénomination, dont les Républicains l’avaient affublé constituait pour lui un handicap considérable, seuls 20% des Américains se disant de gauche contre 40% affirmant être conservateurs. Le recentrage d’Obama lui a ainsi permis de rallier, du moins dans les sondages, les « indépendants » (centristes) qui lui avaient fait défaut en novembre 2010 et grâce auxquels il avait gagné en 2008.

La crédibilité de son recentrage a été facilitée par l’émergence du Tea Party sur le flanc droit du Parti Républicain. Il s’agit pourtant bien d’un recentrage stratégique délibéré qui s’appuie sur la conviction d’Obama que, compte tenu de la polarisation de l’électorat, sa réélection se jouera au centre.

Objectif : remobiliser les électeurs de 2008

En réalité, c’est bien le recentrage réussi d’Obama qui lui permet aujourd’hui d’essayer de remobiliser sa base de 2008 sans risquer à nouveau d’être perçu comme un liberal. Celle-ci s’est sentie trahie par la retenue présidentielle eu égard à plusieurs promesses qu’il avait faites. C’est le cas de la réforme du système de santé à leurs yeux trop timide de la non-fermeture de la prison de Guantanamo, ou encore du renoncement à la mise en place d’un marché des droits à polluer, la non-levée de l’interdiction pour les homosexuels de servir dans l’armée, ou le renoncement à la réforme de l’immigration sont d’autres déceptions majeures pour nombre d’électeurs de 2008.

Obama se fait fort de remobiliser son électorat. A cette fin, le Président ne manque pas une occasion de souligner ce qui distingue ses positions de celles des Républicains.

En matière budgétaire, il dénonce leur refus de rétablir les impôts sur les plus fortunés, supprimés par George W. Bush. Il pointe également l’impact disproportionné des coupes budgétaires sur les plus fragiles ou encore les projets de privatisation de l’assurance-santé des retraités (Medicare). La question est toutefois de savoir si l’ensemble de la base électorale de 2008 se mobilisera et votera aussi massivement en 2012. En effet dans la nouvelle configuration, l’aile gauche de l’électorat démocrate n’a nulle part où aller, ni lors des primaires, ni lors de l’élection générale.

Pendant la dernière campagne, Obama était porté par son opposition à la guerre en Irak et le rejet de George W. Bush, qui avaient motivé les jeunes, les minorités et les élites éduquées des villes, en plus des Noirs. Cette fois-ci, l’apparition des « déçus d’Obama » et son positionnement centriste sont des éléments moins mobilisateurs.

Patrick Chamorel

 

Crédit photo, Flickr: mirsasha

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