#OccupyGezi … quand les jeunes Turcs font la révolte 2.0
05 juin 2013
#OccupyGezi … quand les jeunes Turcs font la révolte 2.0
#OccupyGezi, #DirenGeziParki … voici les mots clés qu’utilisent les jeunes Turcs descendus dans la rue pour mobiliser et relayer les appels à manifester contre la politique du gouvernement AKP [1] de Recep Tayyip Erdogan sur les réseaux sociaux.
Depuis le 31 mai dernier, les habitants d’Istanbul, en Turquie, se mobilisent contre un projet de destruction du parc Gezi, sur la place Taksim, lieu très populaire chez les jeunes et les classes moyennes stambouliotes, où « doit être construit un ensemble immobilier comprenant un centre commercial et une mosquée. »[2].
Face à la brutalité policière [3] et au refus de négocier du gouvernement, le mouvement a pris de l’ampleur : « Vendredi, face à l’intervention musclée de la police pour les déloger, les manifestants ont lancé sur les réseaux sociaux (#occupygezi) un appel à la mobilisation générale. » [4] Un appel qu’a suivi l’opposition politique, de droite comme de gauche, réunissant une population hétéroclite qui dénonce l’autoritarisme d’un gouvernement qui promeut une certaine « réislamisation » liberticide de la société (interdiction de l’alcool ou encore de la pilule du lendemain).
Ces contestations populaires ne sont donc pas sans rappeler le « printemps arabe », avec ses « places Tahrir » (places du « changement »), la référence aux indignés (« occupy ») et l’utilisation intensive de Twitter [5], Facebook [6] ou encore Tumblr [7] pour relayer l’information face à des médias qui censurent ou désinforment. Ainsi, le communiqué d’#OccupyGezi, traduit en 42 langues, nous indique que « Les médias turcs, qui sont directement contrôlés ou ont des liaisons politiques et économiques avec le gouvernement, refusent de traiter les incidents. Les agences de presse turques également bloquent la diffusion de l’information sur les événements. » [8].
Pourtant, d’après deux doctorants de la New York University, Pablo Barbera et Megan Metzger, des différences notables subsistent entre les mouvements : « Contrairement à d’autres soulèvements récents, 90%, à peu près, des tweets géolocalisés viennent de Turquie et 50% d’Istanbul même. En comparaison, Starbird (2012) estimait à seulement 30% les tweets issus de l’intérieur du pays pour la révolution égyptienne. A quoi s’ajoute que près de 88% des tweets sont rédigés en turc, ce qui suggère que l’audience de ces tweets est constituée d’autres citoyens turcs et non de la communauté internationale. » [9].
Ces mouvements constituent donc une nouveauté pour la Turquie, qui n’a jamais connu de contestation d’une telle ampleur, notamment du fait de l’usage des NTIC (Nouvelles technologies de l’information et de la communication) comme mode de mobilisation et de communication politique. Il serait toutefois hâtif de parler de « printemps turc » …
Charles-Antoine Borssard
[[1]] AKP (Adalet ve Kalkinma Partisi), le Parti pour la justice et le développement, de centre-droit et islamiste modéré. Son président, l’ancien maire d’Istanbul Recep Tayyip Erdogan est le Premier ministre de la Turquie depuis le 14 mars 2003.
[[2]] Courrier International, Turquie. « Gouvernement démission ! » scande la foule à Istanbul, http://www.courrierinternational.com/article/2013/06/03/gouvernement-demission-scande-la-foule-a-istanbul, 3 juin 2013.
[[3]] Les Echos, Turquie : les manifestations se poursuivent, http://www.lesechos.fr/economie-politique/monde/actu/0202802778401-turquie-le-mouvement-de-contestation-contre-erdogan-se-durcit-571707.php, 3 juin 2013 : « Les violences des trois derniers jours ont fait plus d’un millier de blessés à Istanbul et au moins 700 à Ankara, selon les organisations de défense des droits de l’Homme et les syndicats de médecins des deux villes. Ces chiffres n’ont pas été confirmés par les autorités, le ministre de l’Intérieur Muammer Güler évoquant dimanche un bilan de 58 civils et 115 policiers blessés pendant les 235 manifestations recensées depuis mardi dernier dans 67 villes. Selon Muammer Güler, la police avait interpellé dimanche plus de 1.700 manifestants dans tout le pays, pour la plupart rapidement relâchés. ».
[[4]] France Info, Qui manifeste en Turquie ?, http://www.franceinfo.fr/monde/qui-manifeste-en-turquie-1011373-2013-06-03, 3 juin 2013.
[[5]] Twitter, @OccupyGezi, https://twitter.com/OccupyGezi.
[[6]] Facebook, Occupy Gezi, https://www.facebook.com/OccupyGezi.
[[7]] Tumblr, #occupygezi, http://occupygezipics.tumblr.com/.
[[8]] Le Monde, En Turquie, une contestation en ligne d’ampleur « phénoménale » et très bien préparée, http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/06/03/en-turquie-une-contestation-en-ligne-d-ampleur-phenomenale-et-tres-bien-preparee_3422940_3214.html, 3 juin 2013.
[[9]] Le Temps, La Turquie fait irruption sur Twitter, http://www.letemps.ch/Page/Uuid/cbce16d0-cb97-11e2-872a-d3ac0c71c5ae/La_Turquie_fait_irruption_sur_Twitter#.Ua3ESZziuZQ, 2 juin 2013.
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