Pour une France à 50 départements

Fondapol | 23 juin 2014

PHILIPPE MARINI (UMP), PORTRAITSPour une France à 50 départements

Tribune initialement publiée dans L’Opinion, le 10 juin 2014.

Par Philippe Marini, sénateur-maire de Compiègne (Oise) et président de la commission des Finances du Sénat.

Le Président de la République semble avoir choisi de supprimer les départements et de fusionner les régions pour aboutir à la formation de quatorze « super entités ». Déjà, de toutes parts, des voix s’élèvent pour contester cette annonce.

L’inquiétude qui s’exprime est fondée. À l’heure où notre pays et nos concitoyens ont plus que jamais besoin de repères pour se projeter dans l’avenir, la proposition de François Hollande repose sur une vision abstraite et désincarnée de l’organisation du pays, qui néglige son histoire et sa géographie.

Pourquoi ne pas inverser le raisonnement ? Pourquoi ne pas, au contraire, renforcer le rôle des départements auxquels les Français sont si attachés, tout en revoyant, dans la durée et en concertation avec tous les acteurs concernés, leur carte, leur nombre, et certaines de leurs attributions ?

J’ai une conviction. On construit rarement quelque chose de solide pour l’avenir en faisant table rase du passé. Or, les départements sont les véritables « briques » de la République française. Ils incarnent son histoire culturelle et administrative. Ils représentent l’échelon de proximité indispensable dans lequel les Français de chaque territoire se reconnaissent.

Le Gouvernement voudrait nous faire croire que la suppression des conseils généraux serait un puissant frein à la dépense publique, qui permettrait à notre pays de gagner en efficacité pour contribuer aux 50 milliards d’euros d’économies qu’il lui faut atteindre. A qui fera-t-on croire cela ? Abstraction faite des obstacles constitutionnels tardivement découverts par l’exécutif, chacun sait qu’une réforme administrative, s’agissant de fusionner des collectivités et de choisir de nouveaux sièges, de muter des équipes entières de fonctionnaires, suppose d’abord de réaliser des investissements coûteux. Ce ne sont en aucun cas des économies dans le court et le moyen terme, surtout à partir d’un système qui garantit à chaque fonctionnaire la sécurité de son emploi.

Dans la course à la modernité, on voudrait nous faire croire que la région aurait, sans trop d’effort, laissé sur place le malheureux département bicentenaire. Mais comment imagine-t-on rapprocher l’administration des citoyens – ce qui est un objectif moderne par excellence – si l’on fusionne à la fois des régions déjà très lointaines et si on leur incorpore en plus certaines compétences départementales ? À titre d’exemple, une assistante sociale d’Aurillac qui dépendrait d’une direction à Lyon, sa consœur de Beauvais, qui appartiendrait au même service que celle de Langres ou de Rethel… Qui comprendrait un tel méli-mélo bureaucratique ?

Est-ce à dire que l’on ne pourrait ni ne devrait rien changer à l’organisation territoriale de la République ? Bien sûr que non. Mais le changement vraiment nécessaire est ailleurs. L’expansion urbaine conduit logiquement à l’émergence des métropoles pour les plus grandes agglomérations qui exerceront, sur un territoire limité, toutes les compétences décentralisées, qu’elles soient communales, intercommunales ou départementales. On devrait même y ajouter les compétences régionales, car pourquoi séparer la gestion des lycées ou celle de la formation professionnelle de la logique métropolitaine ?

Une telle évolution, qui s’appliquerait aux plus grandes villes françaises, laisserait subsister des morceaux de départements qu’il faudra bien rattacher à des collectivités départementales voisines. Pourquoi ceci ne serait-il pas l’amorce d’une réécriture de la carte départementale ? Où est-il écrit que celle-ci devrait être intangible, dans un monde qui a fait du chemin depuis 1790 ?

En d’autres temps, et dans l’une des visions qui l’habitaient, Michel Debré évoquait le schéma d’une France à cinquante départements. Il exprimait ainsi sa conception de la modernité mais aussi sa très forte réticence à l’égard de la constitution d’entités régionales qui lui semblaient menaçantes pour l’unité de la République. Une telle approche mériterait certainement d’être approfondie dans les conditions présentes. Des départements renforcés seraient en mesure de s’associer pour gérer les compétences régionales de leur ressort. Nos concitoyens n’auraient plus à élire que des conseillers généraux ou départementaux, ou territoriaux si l’on préfère. Les élus régionaux issus de la proportionnelle et dont le déficit de notoriété est en général éclatant, s’évanouiraient dans un paysage qu’ils ont en fait très peu habité. La simplification serait au rendez-vous, et se ferait sans traumatisme, à condition, naturellement, de confier à un processus neutre le soin d’assurer le nouveau découpage. L’Assemblée élue retrouverait, à côté du Préfet, toute sa légitimité.

Dans le contexte des efforts et des réformes que notre pays doit absolument faire pour éviter de devenir encore un peu plus « l’homme malade de l’Europe », cette entreprise de refondation des départements, dans le respect des principes de l’organisation territoriale de la République, ne vous semble-t-elle pas être d’une urgente nécessité ? A tout le moins, elle mériterait mieux qu’un revers de main ou une réaction excédée de la part d’un Gouvernement soucieux de communiquer dans le sens de ce qu’il estime être le politiquement correct du moment…

Crédit photo : François Bouchon

Twitter : @Philippe_Marini

Commentaires (0)
Commenter

Aucun commentaire.