Pour une refondation de l’assurance-chômage

Fondapol | 07 mars 2011

Avec la conclusion prochaine de la négociation en cours de la convention UNEDIC, le débat sur l’indemnisation du chômage ne sera pas clos pour autant. Nous nous acheminons en effet, semble-t-il, vers un accord a minima qui ne va guère faire bouger les lignes. Les précédents plaident, hélas, dans ce sens, tant les partenaires sociaux voient les choses à partir de la situation de ceux qui ont un emploi et non à partir de celle des chômeurs ! Ils ne semblent pas davantage avoir pris toute la mesure de l’existence de plus en plus prégnante de zones intermédiaires, celles de l’emploi précaire et du sous-emploi. Il faudra donc impérativement reprendre la question plus tard, indépendamment du calendrier de la négociation, et si possible, en élargissant le cercle des interlocuteurs à d’autres qu’aux seuls partenaires sociaux.

Une double exigence de réforme

Cela pourrait et devrait se faire en tenant compte de deux préoccupations majeures : d’une part, l’adaptation du système aux nouvelles pratiques du marché du travail, d’autre part, le comblement du fossé qui se creuse entre ceux qui sont protégés du double risque de la perte d’emploi et du sous-emploi et ceux qui ne le sont pas… Certes, le système a été modifié au fil des années pour ouvrir davantage l’accès de l’indemnisation à ceux qui sont placés dans la spirale des emplois précaires et pour compléter les ressources de ceux qui ne trouvent à s’employer qu’à temps partiel. Il n’est pas pour autant adapté aux réalités actuelles du marché, ni dans son mécanisme de cotisations, ni dans son mode de constitution des droits, ni dans son traitement du travail à temps réduit. En témoigne le fait que des journées de chômage effectif ne donnent lieu à aucune indemnisation et qu’environ un demandeur d’emploi sur deux n’est pas indemnisé. Dans un contexte de fort déficit d’emplois, la faiblesse du niveau d’indemnisation ne saurait se justifier par le souci d’inciter ainsi au retour à l’emploi !

Un marché du travail segmenté

Fait rarement signalé : dans l’espace européen, la France se caractérise par une durée en emploi particulièrement élevée (supérieure à onze ans consécutifs). Or, si cette durée moyenne est peu affectée par le fort développement actuel des contrats à durée déterminée et de l’intérim, c’est bien le signe que le marché du travail est fortement segmenté entre ceux qui ont un emploi durable et les abonnés aux contrats précaires. Autrement dit, tout se passe comme si la sécurité des uns se payait par la précarité des autres ! Tous les indicateurs montrent que le passage à l’univers de l’emploi durable reste particulièrement difficile. Pour une partie des jeunes, il peut prendre plus d’une décennie après la fin de leurs études…

Il est sans doute illusoire de penser qu’un tel dualisme du marché du travail puisse se réduire rapidement, même s’il faut tout faire pour rendre plus égales les chances devant l’emploi. Il est dès lors impératif, pour des raisons évidentes de justice et de cohésion sociale, mais aussi, du point de vue même de l’utilité économique, pour éviter la destruction du « capital humain », de tout mettre en œuvre afin d’assurer la continuité des revenus et de faciliter matériellement la recherche d’emploi pour ceux qui sont dans le « mauvais segment », celui de l’emploi précaire. Cela implique d’accroître les ressources du système. Comment le faire sans augmenter le coût du travail – ce qui serait défavorable à l’emploi – et sans augmenter la charge – déjà trop lourde – de ceux qui cotisent déjà, sinon en augmentant le nombre de cotisants et en mutualisant davantage les « bons » et les « mauvais » risques ? Comment, en d’autres termes, ne plus imputer aux seuls salariés du secteur privé et à leurs employeurs, la charge d’assurer, contre les conséquences des aléas économiques, le pays tout entier ?

Mutualiser vraiment le risque chômage

La solution ne peut logiquement passer que par l’extension de l’assiette des cotisations à l’ensemble de la population active. Nous aboutirions alors à un système unifié et universel d’assurance-chômage, auquel participeraient les salariés des fonctions publiques et les employeurs publics, ainsi que les travailleurs indépendants. Les ressources additionnelles nettes (déduction faite des sommes à la charge des fonctions publiques pour l’indemnisation qui leur incombe déjà, celle de leur personnel sous contrats précaires) pourraient être affectées à deux mesures urgentes : la diminution de la charge qui pèse sur les salariés et les entreprises du secteur privé et l’amélioration du système d’indemnisation.

Patrick Boulte est vice-président de l’association Solidarités Nouvelles face au Chômage.

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