Programme de stabilité 2015-2018 : et si la cigale française devenait (enfin) fourmi ?

Anthony Escurat | 04 mai 2015

Budget Économie Cigale et FourmiProgramme de stabilité 2015-2018 : et si la cigale française devenait (enfin) fourmi ?

Par Anthony Escurat

Tel un barreur dans la tempête, Emmanuel Macron était la semaine dernière en visite à Bruxelles afin d’assurer le service-après-vente du programme de stabilité français pour 2015-2018. Un programme préparé dans le cadre du semestre européen exposant la stratégie hexagonale d’assainissement des finances publiques. Un exercice de haute-voltige qui en dit long sur la nécessité de Paris de « vendre » ses réformes à la Commission européenne. Une fois n’est pas coutume, l’exercice fut facilité pour le ministre par les éclaircies qui s’annoncent dans le ciel d’habitude ombrageux des comptes publics français. Décryptage.

Depuis plusieurs décennies, le même ballet de dupes se répète inlassablement : à chaque rentrée parlementaire de septembre, l’exécutif inscrit dans le projet de loi de finances une prévision de croissance et de réduction des déficits publics corrigée (en l’occurrence révisée systématiquement à la baisse pour la première et à la hausse pour la seconde !) quelques mois plus tard dans la loi de finances rectificative… Une musique œcuménique puisqu’entonnée par tous les gouvernements successifs, de gauche comme de droite. Pour éviter de retomber dans les mêmes travers, Michel Sapin et Emmanuel Macron, colocataires à Bercy, ont opté cette année pour la prudence tirant profit de prévisions macroéconomiques pour l’essentiel orientées au vert.

En effet, pour construire sa trajectoire triannuelle de finances publiques imposée par Bruxelles, l’exécutif a tablé sur un taux de croissance de 1% en 2015 puis 1,5% en 2016 et en 2017. Des hypothèses jugées « prudentes » et « crédibles » par le Haut Conseil des finances publiques – une institution pourtant prompte à brocarder les projections gouvernementales – et récemment confirmées par le FMI et l’OCDE.

En raison de cette accélération de la croissance, le gouvernement propose dès lors de ramener le déficit public à 3,8% en 2015, puis 3,3% en 2016 et 2,7% en 2017, repassant ainsi enfin sous la barre symbolique des 3% exigés par le traité de Maastricht. Ces efforts notables de réduction du déficit passeront notamment par un freinage des dépenses publiques prévues par le Pacte de responsabilité. Ainsi, sur la période 2015-2017, un plan d’économies de cinquante milliards d’euros sera engagé, supporté à la fois par le système de protection sociale (à hauteur de 21 milliards d’euros), l’État (18 milliards) et les collectivités locales (11 milliards). Bien que le terme « économies » dans le jargon de Bercy soit, en réalité, synonyme d’ « inflexion de la hausse tendancielle des dépenses », force est de reconnaître que les efforts programmés vont dans le bon sens : celui de la maîtrise de nos comptes publics.

En mars dernier, dans son infinie mansuétude, le Conseil de l’Union européenne avait – une nouvelle fois – accordé à la France un délai supplémentaire pour réduire son déficit et le ramener sous la barre des 3%. Ne manquant pas, au passage, de provoquer l’ire de nos voisins sud-européens pour lesquels la Commission s’avère plus sourcilleuse. Néanmoins, à la lumière du programme de stabilité 2015-2018, les objectifs fixés par Paris ont de fortes chances d’être tenus.

Cette embellie ne doit toutefois pas virer à l’euphorie. L’exécutif récoltant moins le fruit de ses réformes que celui d’un alignement inattendu des planètes sur lequel il n’a aucune emprise : baisse des prix du pétrole, dépréciation de l’euro par rapport au dollar, plan d’assouplissement quantitatif et maintien des taux directeurs à des niveaux historiquement bas par la BCE, reprise économique des principaux partenaires commerciaux de l’Hexagone, etc.

En marge de sa rencontre bruxelloise avec Emmanuel Macron, son successeur quai de Bercy, Pierre Moscovici, commissaire européen chargé des affaires économiques et des rodomontades budgétaires, l’a ainsi affirmé sans ambages : « la croissance française est en train de redémarrer ». De quoi nous rassurer, car c’est bien connu : in Mosco veritas !

Crédits photo :  Piumadaquila / Fotolia

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