Quelles perspectives de développement pour les objets connectés ?

18 août 2014

30.04.2014Quelles perspectives de développement pour les objets connectés ? 

Le 3 mars dernier, Apple annonçait le lancement de « CarPlay », sa nouvelle technologie permettant d’accéder à l’ensemble des fonctionnalités de l’iPhone depuis sa voiture. Si ce premier objet connecté du géant américain va offrir de nouveaux services aux utilisateurs, il pose également de nombreux problèmes, notamment liés aux risques de piratage, et met en exergue les enjeux liés au développement des objets connectés.

Objets connectés : nouvelle opportunité, nouveaux défis 

Les objets connectés, également connus sous la dénomination d’Internet des objets, « Web 3.0 » ou encore de « cyberobjets », peuvent être définis comme « des objets ayant des identités et des personnalités virtuelles, opérant dans des espaces intelligents et utilisant des interfaces intelligentes pour se connecter et communiquer au sein de contextes d’usages variés »[1]. En d’autres termes, l’Internet des objets correspond à la connexion progressive des objets domestiques, inertes, en leur conférant la capacité de communiquer, d’analyser et d’agir sur leur l’environnement.

Selon l’INSEE, en France, entre 2000 et 2010, la proportion de ménages français disposant d’un accès Internet à la maison est passée de 12 % à 64 %[2]. Cette évolution s’explique notamment par la démocratisation des nouvelles technologies dont l’impact sur le nombre d’internautes et d’abonnements mobiles est particulièrement conséquent. En commercialisant, la lampe DAL, premier objet connecté, en 2003, Rafi Haladjian avait bien compris que les objets connectés offraient l’opportunité de répondre aux nouvelles attentes des consommateurs, désireux d’être toujours plus connectés. Vendue seulement en une cinquantaine d’exemplaires, DAL a initié le mouvement des objets connectés, de Nabaztag à la brosse à dent Kolibree en passant par les thermostats Nest ou Netamo, les montres connectées ou encore les voitures connectées. Selon l’Institut de l’Audiovisuel et des Télécommunications en Europe (IDATE), 80 millions d’objets seront connectés en 2020.

Force est de constater que le développement des objets connectés représente une opportunité pour les entreprises qui pourront non seulement mieux répondre aux nouvelles attentes des utilisateurs et ainsi assurer une meilleure relation-client, mais également gagner en productivité. Cependant l’essor de l’Internet des objets n’est pas exempt de zones d’ombre et soulève des enjeux majeurs : protection de la vie privée, capacité d’Internet, nouveau modèle économique, etc. Tous les acteurs sont concernés par ces problématiques : les utilisateurs, les entreprises – qui voient leur cœur de métier et leur business model se transformer, les pouvoirs publics – qui font face à de nouveaux enjeux de gouvernance.

Un environnement socioculturel propice à l’émergence des objets connectés

Les consommateurs sont de plus en plus exigeants : les objets doivent répondre à de nouveaux besoins. A cet égard, le marché automobile illustre bien cette évolution de la demande : plus qu’un simple outil de déplacement, le véhicule se doit d’être plus sûr et plus respectueux de l’environnement, mais doit également conserver son efficacité et offrir des possibilités de divertissement et de renseignement aux passagers. Si les objets connectés peuvent répondre à ces nouvelles exigences, leur développement implique l’entrée de nouveaux acteurs ainsi qu’une transformation du mode de production.

Cédric Hutchings, PDG de Withings, indique qu’« il n’y aura pas de secteur des objets connectés mais de très nombreux domaines (…) qui seront totalement revisités par les objets connectés »[3]. A ce titre peut être cité l’exemple de la maison connectée, équipée d’un ensemble de puces : l’utilisateur pourra verrouiller ou déverrouiller sa porte à distance, gérer à distance ses stocks alimentaires ou encore prévoir un réapprovisionnement automatique. Dans le domaine de la santé, les objets connectés représentent une opportunité majeure en terme de prévention et d’aide aux personnes dépendantes.

Ainsi, les objets connectés constituent un outil pour les entreprises puisqu’ils permettent le traitement des données client en temps réel. Or, mieux connaître le client est un moyen de lui proposer des services en adéquation avec ses besoins immédiats, de créer de la valeur et par conséquent de le fidéliser.

La nécessité de transformer le modèle économique

En permettant un partage des connaissances et une meilleure communication entre les différentes entités, les objets connectés sont une source de gain de productivité pour les sociétés (amélioration de l’efficacité des processus industriels, du management). Toutefois, le développement des objets connectés entraîne la nécessité de créer un nouveau modèle économique, reposant, entre autres, sur une gestion optimale du « bigdata ». En effet, pour les industriels, l’Internet des objets entraîne une transformation majeure de leur mode de production : jusqu’à présent, leur cœur de métier consistait à fabriquer des objets. Avec l’émergence des objets connectés, de nouvelles compétences sont requises puisqu’ils devront aussi gérer la quantité d’informations générées par l’objet, une fois vendu au client. Pour Eric Greffier, directeur business solutions et expertise chez Cisco France, « c’est un vrai enjeu de compétitivité. Les objets connectés constituent à la fois un gisement d’innovations, de créativité et de productivité »[4].

Si les start-up françaises ont un véritable potentiel dans le domaine des objets connectés[5], les infrastructures actuelles ne permettent pas encore de produire ces objets sur le territoire national en raison des coûts élevés de production et d’un besoin d’investissements massifs pour permettre plus de flexibilité industrielle et faire face à la concurrence des pays émergents (notamment la Chine).

Un enjeu technologique à l’horizon encore incertain

Les entreprises ont besoin de pouvoir réagir rapidement à la survenance d’un événement mais elles sont aujourd’hui confrontées à une rupture de la chaîne d’information. Il faut distinguer plusieurs enjeux :

  • L’architecture actuelle de l’Internet supportera-t-elle la masse de données générées par les objets connectés ?
  • Comment permettre aux différentes technologies de communiquer entre elles ?
  • Comment gérer l’interaction des puces avec leur environnement (notamment dans le domaine médical) ?

Pour tenter de répondre à cette question, le 28 mars dernier, les cinq grands industriels AT&T, Cisco, General Electric, IBM et Intel ont décidé de former un consortium pour faire émerger des normes établissant une relation entre objets, capteurs et systèmes informatiques traditionnels.

De nouveaux enjeux de gouvernance

Les objets connectés, touchant des dimensions stratégiques et des informations critiques, font émerger de nouveaux enjeux de gouvernance, notamment en termes de protection de la vie privée. En effet, les objets connectés capturent une quantité importante de données personnelles sur les utilisateurs et ont donc un caractère potentiellement intrusif. Les sondages indiquent d’ailleurs que la protection des données personnelles est le sujet d’inquiétude premier chez les utilisateurs[6]. A cet égard, un des objectifs prioritaires de l’Union européenne est de s’assurer que les objets connectés restent sous le contrôle des consommateurs. En conséquence, le développement de l’Internet des objets nécessite la création d’un nouveau droit : un droit à la désactivation, un droit au silence des puces. Ainsi, l’utilisateur pourrait contrôler sa puce par l’activation d’un mode privé, ou non. Toutefois, tant que la notion de vie privée et ses limites n’auront pas fait l’objet d’une définition consensuelle, la désactivation des puces dépend uniquement des acteurs du secteur.

Par ailleurs, l’Internet des objets soulève un enjeu de sécurité : le transfert de millions de données risque de voir proliférer de nouveaux « pirates de l’Internet ».

Dès lors, la bonne implantation des objets connectés dans la vie quotidienne dépend d’une réponse adéquate aux enjeux énoncés, notamment en ce qui concerne la protection des données personnelles des utilisateurs, souvent reléguée en second plan. Les pouvoirs publics ont un rôle majeur à jouer en proposant un modèle de gouvernance neutre et transparent mais également en harmonisant les différents cadres réglementaires au sein de l’Union européenne.

Marion Buros

Commentaires (0)
Commenter

Aucun commentaire.