Rome, du libéralisme au socialisme

Fondapol | 01 juillet 2014

01.07.20144Philippe Fabry, Rome, du libéralisme au socialisme. Leçon antique pour notre temps, Jean-Cyrille Godefroy Editions, 2014, 159 p, 15 €.

Comme tout individu passionné par l’histoire de la Rome antique, j’ai durant des années médité sur les causes de la chute du grand Empire qui régna sur l’essentiel du monde connu des Anciens, a instauré la paix et des circuits d’échanges entre des peuples si divers que les Celtes, les Numides, les Syriens et les Egyptiens, de manière plus complète et plus durable que n’y étaient jamais parvenus les Grecs, établissant en cela la « mondialisation » antique.

Sur cette chute, depuis Gibbon, on a beaucoup réfléchi, et beaucoup écrit. Mais aucune des explications ne m’a jamais convaincu : l’idée que l’Empire romain s’était seulement « transformé » en autre chose n’était pas satisfaisante, pas plus que celle voulant qu’il n’y a pas de « grande cause » à la chute. Les thèses synthétiques, comme celle de Bryan Ward-Perkins, donnant pour cause au déclin impérial romain un cercle vicieux d’instabilité politique, de difficultés militaires et financières, étaient merveilleusement descriptives mais ne répondaient en définitive pas à la grande question : « pourquoi ? ». D’autres thèses, particulièrement en vigueur au mitan du XXe siècle, voyaient dans une forme de totalitarisme antique la cause du déclin de Rome ; thèse très séduisante, mais affaiblie par son incomplétude : certes, on observe une mutation au IIIe siècle apparentant le régime impérial aux totalitarismes modernes, mais manquait encore l’explication profonde donnant à comprendre le pourquoi de cette soudaine perversion d’un système impérial qui avait paru bien fonctionner pendant deux siècles.

C’est ma découverte de la pensée libérale, et plus précisément de l’Ecole autrichienne et en particulier de l’oeuvre de Friedrich Hayek, associée à une longue réflexion sur le rôle social et politique du droit (je suis juriste de formation) qu’est né mon essai Rome, du libéralisme au socialisme, Leçon antique pour notre temps (chez Jean-Cyrille Godefroy), lequel constitue une tentative d’explication globale non seulement de la chute, mais avant elle de l’ascension de la puissance romaine. Il m’a en effet semblé que le cadre habituel du débat sur la chute de Rome partait d’un présupposé faux, celui de l’efficacité du système impérial romain, né de la fascination de Gibbon pour le siècle des « cinq bons empereurs », et de la négligence de la question de l’ascension romaine ayant d’abord abouti à l’Empire. Comment comprendre les raisons de la chute sans s’interroger au préalable sur celles de l’ascension ?

C’est dans cette perspective que j’aborde dans mon livre l’histoire romaine, de manière synthétique et autour d’un fil rouge : la longue évolution de la ville de Rome d’un modèle politique libéral vers un modèle politique totalitaire « socialiste » au sens où l’entendait Hayek. Je traite ainsi de la mise en place de l’état de droit romain primitif, garantissant la liberté individuelle et les droits des citoyens et donnant à la cité romaine un dynamisme et un pouvoir de séduction qui fit son succès ; des abus de l’élite romaine, rendus possibles par la position dominante acquise par la cité dans le monde antique ; du basculement politique dictatorial socialiste par suite de ces abus et, finalement, de l’évolution d’un Etat autoritaire vers un Etat totalitaire. Je montre en particulier que cette évolution ne fut pas purement empirique, mais aussi aiguillonnée par une véritable idéologie collectiviste, formulée par de très importants personnages de l’histoire romaine.

Au-delà de l’étude du cas romain, mon essai est l’occasion d’une réflexion sur la viabilité des grandes puissances libérales en général et des Etats-Unis d’Amérique en particulier, qui fournissent un parallèle moderne frappant avec l’histoire de Rome. Après avoir porté la liberté au monde, les Etats-Unis nous entraîneront-ils sur la route de la servitude ?

Philippe Fabry

 Crédit photo : Foto di Spalle

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