Scytl : la startup qui veut généraliser le vote par internet

Farid Gueham | 02 décembre 2016

14078004028_064085a137_zC’est à Barcelone que la startup Scytl a vu le jour, avec un objectif ambitieux : rendre la démocratie innovante. Plus concrètement, l’entreprise propose des solutions de gestion électorale et de vote en ligne, pour permettre à ses clients de développer des outils de démocratie participative. Plus de pouvoir et d’action pour les citoyens, plus de transparence aussi. Les promesses sont alléchantes. Mais le principal obstacle à la généralisation du vote électronique reste étroitement lié aux questions de sécurité. Là encore, la startup affirme sa différence et son niveau d’exigence supérieur à la concurrence « Scytl est la seule société proposant une solution d’un bout à l’autre du processus, tout en garantissant le plus haut niveau de sécurité et de transparence actuellement disponible sur le marché. Notre solution couvre l’ensemble du processus électoral, ainsi que la gouvernance nécessaire entre les périodes électorales, grâce à un large portefeuille de produits spécifiquement conçus pour répondre aux besoins et exigences de chaque cycle : cycle pré-électoral, jour du scrutin, cycle post-électoral et gouvernance entre les périodes électorales » affirment les dirigeants de l’entreprise.

Parmi les grandes réalisations du groupe, le vote des français de l’étranger aux législatives de 2012

C’est une fierté de l’entreprise mais aussi l’un des exemples les plus proches dans le temps, comme le rappelle Jean Souto, directeur des ventes-monde chez Scytl. « Nous avons développé ce service avec le soutien de l’ambassade de France à Barcelone. Je suis un français de l’étranger et je travaille chez Scytl depuis 8 ans. Comme tous les expatriés, j’ai envie d’aider la France, par l’innovation. Depuis 2012, tous les français de l’étranger peuvent, voter depuis internet aux élections législatives. Les députés représentants les français de l’étranger sont élus à travers un système de vote par internet, validé et accepté par les autorités françaises ». Plus de 240 000 votes ont été exprimés par voie électronique, soit plus de 55 % du total des suffrages exprimés pour élire directement 11 membres au parlement national français. Pour la toute première fois, l’Internet a représenté le canal de vote le plus important dans une élection nationale. Pour Scytl et ses dirigeants, ce vote marque une étape importante dans l’histoire de la démocratie électronique. Il s’agissait par ailleurs de la troisième élection conduite par le ministère français des Affaires étrangères avec la technologie de Scytl, après les élections de 2009 et 2010 à l’Assemblée des Français de l’Étranger (AFE).

La démocratie innovante c’est beaucoup plus que la dématérialisation du bulletin de vote

La dématérialisation du bulletin de vote reste le cœur de métier de Scytl, mais le savoir faire de la startup s’étend en amont, lors des phases préparatoires au vote et, en aval, lors de la consolidation des résultats. « Aujourd’hui, nous dématérialisons pour le gouvernement français, ou plutôt, le gouvernement français utilise nos outils pour dématérialiser, notamment pour ce que l’on nomme communément la « propagande politique », c’est-à-dire les professions de foi des candidats. Chacun peut aller sur le site web du gouvernement, télécharger les documents qui l’intéressent, sans traçage et en tout sécurité » affirme Jean Souto.

Scytl compte aussi ses détracteurs, portés par le scepticisme d’un vote électronique jugé trop vulnérable

L’entreprise, qui prône la transparence, est même accusée de lobbying auprès des institutionnels, afin de convaincre les gouvernements d’opter pour le vote dématérialisé. La startup aurait levé près de 20 millions de dollars auprès du fonds SAP Ventures, quelques mois après avoir obtenu 40 millions de dollars auprès d’un autre fonds d’investissement, Vulcan Capital. Du côté de Scytl, rien à cacher, la pratique est publique et le message est assumé : « moderniser les élections en ringardisant l’urne de vote ». Scytl détiendrait près de 87 % du marché mondial du vote par Internet. La sphère de compétence de la startup ne se limite pas aux élections politiques : des élections professionnelles, syndicales et concertations permettent d’étoffer l’activité entre les échéances électorales. En 2014, un rapport parlementaire remis par les sénateurs Anziani et Lefèvre soulevait déjà les problèmes du vote électronique, qu’il s’agisse de machines à voter ou de vote par internet. Les parlementaires ont bien pris en compte ce rapport, sans toutefois revenir sur les pratiques dématérialisées déjà en place. Réaction moins tiède dans le reste de l’Europe : la Norvège refuse le vote électronique et le souvenir d’un grand bug du vote dématérialisé aux élections européennes est toujours très présent en Belgique. Le principal ennemi du vote dématérialisé réside aussi dans son innovation, comme dans les failles sécuritaire qu’il présente.

Pour Scytl, ces accidents de parcours ne sauraient freiner une évolution qui découle d’un vrai besoin des citoyens pour une pratique de la démocratie « mise à jour »

« Aujourd’hui nous avons un rêve, c’est que les français de France puissent voter par internet » déclare Jean Souto. En 2012, ce dernier accomplissait son devoir citoyen, en se rendant dans une école accompagné de son fils. « Cette génération a bien compris que dans le futur, nous ne voterons même plus à partir d’un ordinateur portable, mais à partir d’un smartphone. En France, le Ministère de l’Éducation nationale a utilisé nos services pour les élections syndicales. Laissons les français pouvoir voter d’où ils veulent, quand ils veulent, pour qu’ils se sentent concernés ! Apportons un peu de modernité dans le système électoral ». En France et dans la plupart des pays en Europe, les rites démocratiques sont mis à mal par l’abstentionnisme galopant, mais ils restent bien ancrés dans les us et coutumes républicains : se déplacer un dimanche matin, jusqu’à l’école primaire, pour introduire le petit bulletin de papier dans l’urne ? Avec du recul, le geste est aussi désuet qu’il n’est automatique. « En 200 ans de pratique démocratique, la seule modernisation qui a été introduite, c’est de remplacer des urnes en bois par des urnes en plastique » s’amuse Jean Souto. « Nous avons tous les instruments pour aller plus vite, plus loin et nous allons le faire ! ». Si la dématérialisation du vote ne suffira pas, seule, à ré-enchanter des représentations en perte de légitimité et de crédibilité, permettra-t-elle au moins de réduire les taux de l’abstention et les angoisses plus inquiétantes encore du silence politique, de l’absence de vitalité d’une démocratie, en manque d’innovation.

Pour aller plus loin :

– « Le vote par internet à enfin son label », Archimag.

– « La Poste conçoit un système de vote électronique », Bilan.ch

– « Vote par internet : de la téléréalité aux élections européennes », Archimag.

– « Peut-on voter par internet pour les élections politiques ? », Service-public.fr

– « La technologie de Scytl utilisée à nouveau dans le cadre de la plus vaste élection en ligne du monde », Business Wire.

 

« Crédit photo Flickr: European Parliament»

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