Terreur dans l’hexagone – genèse du Djihad français

Coralie Pereira | 22 avril 2016

2863592496_58ebab9a22_oTerreur dans l’hexagone – genèse du Djihad français

Par Coralie Pereira


Terreur dans l’hexagone – genèse du Djihad français,
de Gilles Kepel, avec Antoine Jardin, éditions Gallimard, 14 décembre 2015, 352 pages,  21€

Gilles Kepel, professeur à Sciences Po et membre de l’Institut universitaire de France est un politologue français spécialiste de l’Islam et du monde arabe contemporain. Antoine Jardin, ingénieur de recherches CNRS, étudie la sociologie politique des quartiers populaires français. Ensemble, ils signent un livre témoignage sur ce nouveau terrorisme français qui a déferlé sur la France au cours de l’année 2015.

Un après 13 novembre

Très clairement, Terreur dans l’hexagone s’illustre comme un livre « post-13 novembre 2015 ». Dès les premières pages, l’ouvrage y fait référence. C’est même l’intitulé du prologue : « Paris, Saint-Denis, vendredi 13 novembre 2015 ». À la manière d’un journal intime où son auteur relaterait un événement marquant auquel il vient d’assister, les deux auteurs rappellent les faits, les situent. Ils y parlent d’un « commando de tueurs liés à Daesh » qui « ensanglante Paris, dix mois à peine après la tragédie de Charlie Hebdo », des hashtags #jesuisCharlie et #jesuisParis, des hommages rendus à la France sur chaque monument du monde… L’ouvrage, c’est aussi un retour temps forts après temps forts sur les événements, tel qu’ils furent vécu au travers des chaînes d’informations qui mobilisèrent l’attention des jours durant : la nuit terrible du 13 novembre, la descente dans l’immeuble de Saint-Denis, l’identification des terroristes, l’identification du présumé chef Abdelhamid Abaaoud, les « portraits » de chacun des acteurs du drame qui furent tant de fois repris par les médias … À travers cette rétrospective, on sent la vive émotion mais aussi un sentiment d’appartenance à la France qui transparaît, deux caractéristiques des réactions post-attentats de ce terrible 13 novembre.

terreur dans hexagoneUn nouveau terrorisme

De façon plus large, ce livre se propose d’analyser le terrorisme auquel nous sommes confrontés. Gilles Kepel analyse cette nouvelle menace, ces nouvelles attaques menées par cette « nébuleuse djihadiste de troisième génération ». C’est un nouveau modèle, une « offensive » conçue et préparée pour diviser l’Europe et l’Occident, qui enrôle des enfants de la France pour les retourner contre leur propre pays, dans l’idée de créer une défiance irréparable qui opposerait ses membres dans une sanglante « guerre civile ». Ce nouveau terrorisme, écrit-il, « diffère de celui, soigneusement planifié par une organisation centrale, du djihadisme de la génération précédente ». Pour lui, les attaques de Paris constituent un terrorisme nouveau, mené par des « malfrats », des « repris de justice », tous nés sur les sols qu’ils attaquent. Surtout, plus qu’une guerre menée contre la France, ce terrorisme est un piège que Daesh tend à refermer sur l’Hexagone, un piège sanglant et dangereux où la France et même l’Europe toute entière pourraient être ravagées dans une terrible guerre de religions.   

Un mal « auto-créé »

Mais plus qu’un ouvrage post-attentats du 13 novembre, Terreur dans l’hexagone pose le problème des origines de ce nouveau terrorisme. Comment est-il né, ici, en France ? Comment des enfants de la France, nés et élevés au cœur du pays des droits de l’homme et immergés dans ses valeurs républicaines peuvent-ils prendre les armes contre leurs propres concitoyens ? Qui est responsable ? Pour expliquer ces origines, les auteurs remontent aux années 1980, au mandat présidentiel de François Mitterrand et à « la ruse mitterrandienne ». Cette manipulation politique, qui instrumentalise alors la jeunesse pour « stigmatiser l’extrême droite » et assurer « la réélection du président en 1988 », a plongé la société française dans un antiracisme prononcé, porté par le fameux « touche pas à mon pote ! », une « machiavélique malédiction » dont les exacerbations et les dérives ont à la fois conduit l’extrême droite française au plus haut niveau et à la marginalisation des enfants d’immigrés. Non intégrés et cibles faciles des recruteurs de Daesh, certains de ces enfants aujourd’hui devenus adultes ont pris les armes, de l’affaire Merah à l’attentat de Charlie Hebdo, pour faire vivre au peuple une menace que la France a finalement elle-même créée.

Un ouvrage grand public

Livre d’actualité, Terreur dans l’hexagone est un ouvrage accessible et grand public. Fluide, l’écriture nous porte dans les rouages d’une mécanique complexe et nous fait vivre les principaux événements qui ont construit l’actuelle situation. Chacun peut comprendre les propos des auteurs, les absorber, mais aussi s’en faire sa propre opinion. Car, même si l’avis des auteurs sur la question est clair, il n’est pas intrusif, mais plutôt informatif. Sans jugement arrêté, il se contente d’exposer et d’expliquer, de rationaliser le « traumatisme » de cette année 2015.

crédit photo Flickr: Scott Ashkenaz

Commentaires (0)
Commenter

Aucun commentaire.