"TVA sociale" : retour dans le débat public
Fondapol | 02 novembre 2011
[1] et en gardant à l’esprit l’objection principale qui lui est faite : la baisse du pouvoir d’achat qu’elle entraînerait « automatiquement » par une hausse des prix à la consommation.
Une situation comparative défavorable
L’idée centrale est le remplacement d’une partie des charges sociales sur les salaires par une TVA dite « de compétitivité ». Les querelles interminables sur le coût réel et comparé du travail en France et à l’étranger ne doivent pas occulter un fait simple et têtu : si les salaires en France sont dans la moyenne de l’OCDE, les charges sociales sont pour leur part au-dessus de la moyenne, ce qui renchérit le coût du travail dans notre pays.
Le financement de l’assurance maladie, des prestations familiales ou encore du logement est pour l’essentiel assis sur les salaires, ce qui est anormal puisque ces prestations relèvent de la solidarité nationale. Cela pénalise directement l’activité productive en renchérissant le prix des biens produits localement par rapport à celui des biens confectionnés ailleurs : dans des pays où le coût du travail est plus bas, notamment en raison d’un filet de protection sociale plus lâche mais aussi chez nos principaux partenaires développés qui assoient différemment le financement de leurs régimes sociaux. Rappelons que ces charges représentent, en France, pour un salarié du régime général plus du quart du salaire brut ! Avec pour conséquence une perte de compétitivité qui entraîne délocalisations et déficit extérieur, lesquels à leur tour réduisent l’assiette des cotisations, etc. : le cercle vicieux est redoutable…
Les avantages d’une TVA de compétitivité
Il est proposé de supprimer une partie de ces charges par une TVA additionnelle, à un taux calculé pour obtenir le même rendement (ou plutôt un rendement supérieur permettant de combler les déficits actuels).
Les avantages seraient les suivants :
- fin du système actuel qui pénalise les industries de main-d’œuvre.
- rétablissement de l’équité de la contribution à la prévoyance entre produits locaux et importés.
- double contribution à l’équilibre du commerce extérieur (dans un pays structurellement déficitaire, rappelons-le !) : d’une part cette TVA renchérirait les biens importés ; d’autre part, le prix des biens exportés bénéficierait de la baisse des charges et de l’exonération de la TVA.
- Suppression des mesures d’exonération de charges sociales, (les fameuses « niches sociales ») dont la plupart sont coûteuses, peu lisibles et changeantes et dont l’efficacité n’est pas démontrée, ainsi que l’a souligné le récent rapport de Bercy sur la question.
Réponse aux objections
Plusieurs objections sont avancées, que nous classerons par ordre d’importance croissante :
- le financement de la protection sociale par une TVA serait contraire au droit communautaire. On peut objecter que plusieurs pays ont relevé leur taux de TVA, sans objection des instances communautaires, dès lors que le taux maximum de 25% est respecté ; les textes européens n’interdisent pas une TVA à but social ; rien n’interdit à la France d’augmenter les taux de la TVA existante dans les fourchettes communautaires, et d’affecter les ressources dégagées à la suppression des charges sociales.
- Une TVA de compétitivité pourrait être sanctionnée par l’OMC comme mesure protectionniste. Ce risque n’existe pas : en assujettissant de la même manière à cette taxe les produits fabriqués localement et les produits importés, la France ne saurait être accusée d’introduire une discrimination contraire à ses engagements internationaux
- Une telle mesure aboutirait à une baisse de pouvoir d’achat, en particulier pour les bas revenus.
- Or :
- les études montrent que la TVA pèse davantage sur les revenus moyens ;
- dans la situation actuelle les consommateurs paient déjà in fine les charges sociales, qui sont répercutées par les entreprises dans le prix de vente ;
- le taux réduit de TVA, qui concerne notamment les produits consommés par les bas revenus, peut ne pas être modifié ;
- en favorisant les produits français et donc l’emploi, cette mesure serait finalement favorable aux bas revenus.
Enfin et surtout l’introduction de la TVA de compétitivité pourrait conduire à une baisse des prix des biens et services produits en France, favorisant ainsi le pouvoir d’achat. Il suffit pour cela de fixer le taux nouveau de TVA de telle sorte que le renchérissement du produit qu’elle entraîne pour le consommateur final reste inférieur au montant des charges sociales économisées. C’est l’élargissement considérable de l’assiette des cotisants (désormais l’ensemble des consommateurs et non plus les seuls salariés)qui compenserait – et au-delà – le manque à gagner.
Fabrice Mattatia
Crédit photo: fr:TVA
[1] La présente contribution s’inspire largement du rapport du sénateur Francis Grignon de 2004, au contenu toujours pertinent et actuel : voir www.senat.fr/rap/r03-374/r03-374_mono.html.
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