Vague rose sur les DOM-TOM
Fondapol | 13 mai 2012
François Hollande plébiscité dans l’Atlantique
Plus que d’une élection, il s’agit d’un plébiscite. C’est en tous cas le terme qui vient à l’esprit quand on regarde les impressionnants pourcentages de voix obtenus par François Hollande au deuxième tour de l’élection présidentielle dans les départements d’outre-mer (à l’exception de Mayotte): 71,4% en Guadeloupe (son meilleur résultat au niveau national), 71,4% à la Réunion, 68,4% à la Martinique, 62% en Guyane (qui avait accordé la majorité à Nicolas Sarkozy en 2007) et 65,3% à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Alors que le candidat socialiste avait déjà obtenu la majorité absolue au premier tour en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion, il progresse encore au point qu’il faut remonter à 1988 et à la réélection de François Mitterrand pour retrouver de tels résultats en faveur d’un candidat de gauche. François Hollande recueille 10,2 points de plus que le total des suffrages de gauche du premier tour) à Saint-Pierre-et-Miquelon ; 8 points de mieux à la Réunion où Nicolas Sarkozy obtient le plus faible résultat d’un candidat de droite à une élection présidentielle ; 7,7 points de plus à la Martinique et 6,1 points de mieux en Guadeloupe. A l’inverse, Nicolas Sarkozy progresse certes par rapport à ses résultats du premier tour mais il recule partout par rapport à l’ensemble des voix de droite (N. Dupont-Aignan, N. Sarkozy et M. Le Pen) : de 2 points à Saint-Pierre-et-Miquelon ou encore de 1,3 point en Guadeloupe.
François Hollande bénéficie également de la forte hausse de la participation au deuxième tour dans l’ensemble des territoires d’outre-mer. Alors que celle-ci a augmenté de un point en moyenne nationale, elle a cru de 13,3 points à Saint-Pierre-et-Miquelon ; de 10 points en Guadeloupe ; de 9,3 points en Martinique ; de 7,2 à la Réunion et de 6,2 en Guyane. Précisons cependant qu’en dépit de cette hausse entre les deux tours, les terres d’outre-mer ont été néanmoins parmi les moins mobilisées de France : les treize entités figurent parmi les treize territoires les plus abstentionnistes du 6 mai dernier.
Si durant le mandat de Nicolas Sarkozy, les électeurs des départements d’outre-mer avaient pu apprécier d’être consultés sur l’évolution institutionnelle de leur territoire (référendums des 10 et 24 janvier 2010 en Martinique et en Guyane), ils ont néanmoins saisi l’occasion de l’élection présidentielle pour s’élever contre la dégradation de leurs conditions sociales mais certainement aussi contre les propos du ministre de l’Intérieur Claude Guéant en février dernier sur la hiérarchisation des civilisations. Il reste que le facteur clef de cette vague rose doit être cherchée dans l’attachement bien compréhensible de ces territoires à la pérennité des importants transferts financiers dont ils bénéficient et donc au maintien d’un Etat-providence généreux, promis par la gauche.
Le président sortant l’emporte dans le Pacifique sans toutefois empêcher la progression de la gauche
La France de l’outre-mer est toutefois coupée en deux : si l’Atlantique vote très majoritairement à gauche, le Pacifique est resté fidèle à la droite, à l’exception de Wallis-et-Futuna qui, contrairement à 2007, a cette fois choisi le candidat socialiste. Le président sortant confirme son résultat de premier tour en Nouvelle-Calédonie où il obtient 63% des voix. On notera cependant que même dans l’archipel océanien, la gauche progresse entre les deux tours davantage que la droite : 4,8 points et + 1 point. Les électeurs kanaks se sont peu mobilisés ; à quelques années du référendum qui doit être organisé entre 2014 et 2018, les caldoches ont voté pour l’homme qui a clairement exprimé son souhait de voir la Nouvelle-Calédonie rester dans le giron français.
Nicolas Sarkozy s’impose également en Polynésie avec 53% des voix, un résultat toutefois plus faible que celui recueilli par l’ensemble de la droite le 22 avril. Dans ce Pays d’outre-mer, la gauche progresse de 7,1 points entre les deux tours. L’« alliance » entre le Parti socialiste et le TaviniHuiraatira, formation du président de la Polynésie Oscar Temaru, favorable à l’indépendance de la Polynésie, a certainement joué contre François Hollande.
Le chef de l’Etat sortant devance de peu son challenger socialiste à Mayotte (50,9%, soit 720 voix de plus que François Hollande sur un total de 38 600). Les Mahorais ont majoritairement choisi l’homme qui, au cours de son mandat (2009), a concrétisé leur vieux rêve de devenir un département français et dont le discours de contrôle de l’immigration pouvait trouver un écho dans un contexte de forte pression migratoire comorienne. La gauche progresse néanmoins de 6,4 points entre les deux tours dans l’archipel tandis que la droite recule de 1,6 point.
Enfin, Wallis-et-Futuna a basculé de droite à gauche à l’occasion de la présidentielle, accordant une nette majorité à François Hollande avec 56% des suffrages (4 points au-dessus du total des forces de gauche le 22 avril dernier).
La gauche sort indéniablement victorieuse de l’élection présidentielle de 2012 dans la France d’outre-mer. De là à dire, qu’après le rejet de Nicolas Sarkozy un sort identique attend les députés UMP d’outre-mer en juin prochain, il y a un pas qu’il ne faut pas trop vite franchir, compte tenu du poids des problématiques locales et de la forte implantation de certains élus. Mais la victoire globale et renforcée de la gauche, déjà majoritaire dans la législature précédente, ne fait guère de doute.
Corinne Deloy
Crédit photo : Flickr, Corinne Queme
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