Marie-Christine Bellosta - Refonder l’école
L’école est surchargée de missions. Au-delà de l’apprentissage de compétences permettant de réussir dans le monde qui vient, l’école est en charge de l’apprentissage de la civilité, ou de la lutte contre l’incivilité. On n’instruit pas seulement, on éduque – une charge longtemps dévolue à la famille. L’école est appelée à suppléer les familles défaillantes. Mieux, lieu privilégié d’initiation à la République, elle est chargée de « fabriquer » le citoyen de la démocratie égalitaire. Et cela, non pas en s’appuyant sur le capital social dont l’enfant hérite de sa communauté d’origine, mais en prétendant forger un être nouveau : l’homme et la femme laïques.L’école de la démocratie égalitaire est donc naturellement centralisée, administrée selon une logique qui s’autoalimente – tout échec engendrant une réforme, et donc un surcroît d’administration –, et socialisée dans des moyens, qui, au regard des missions, apparaissent toujours plus limités.
Même si l’éducation nationale constitue le premier budget de l’Etat, les enseignants ont le sentiment d’être toujours plus contraints tout en disposant de moins en moins de moyens. On ne s’appuie guère sur leur expérience ni sur leur capacité à gérer des situations souvent difficiles, car cela pourrait aller contre la logique égalitaire, constamment rappelée par l’administration. Alors que la relation pédagogique devient plus complexe, les Instituts universitaires de formation des maîtres n’offrent plus les conditions d’une professionnalisation du métier de maître que l’instituteur trouvait jadis à l’Ecole normale.
Il est vrai que l’école est une institution décisive : décisive pour les familles pour qui elle est la condition du succès de leurs enfants, décisive pour la nation qui y trouve son principe d’intégration. Mais la logique administrative a atteint sa limite ; elle est impuissante à réduire des inégalités qui peuvent être vécues comme de véritables condamnations. Refondons l’école : que l’Etat fixe les objectifs et en fasse l’évaluation, et que l’école soit « reterritorialisée », confiée à des communautés – de familles, d’élus, d’associations, d’entrepreneurs et d’enseignants – qui en feront leur bien commun et sauront la gérer selon une logique de progrès constants.
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