Le renouvellement des députés français 1958-2017
Les évolutions du renouvellement de l’Assemblée Nationale à travers la Ve République (1958-2017).Introduction
Méthode
Les grandes évolutions
Valeurs remarquables et analyse par orientation politique
Introduction
La question du renouvellement des députés est récurrente dans la vie politique française, et se pose généralement à l’occasion des élections législatives. À l’époque de la professionnalisation de la vie politique, des accusations de cumul excessif de mandats parmi les députés, à quel rythme l’Assemblée nationale se renouvelle-t-elle vraiment ? Dans un premier temps, il sera question de définir avec précision ce concept de renouvellement, et d’exposer les méthodes de calculs qui ont permis d’extraire des tendances sur l’ensemble de la cinquième République. Puis nous expliquerons ces tendances en tentant de montrer leur origine. Il sera aussi question plus spécifiquement des élections législatives de 2017, et de leur comparabilité ou non avec le reste de la cinquième République.
Méthode
Dans ce document, la définition adoptée du taux de renouvellement est la suivante : lors d’une élection législative, la proportion de députés qui ne sont pas réélus, et ne font donc pas partie de la nouvelle Assemblée. Cette méthodologie ne prend pas en compte les élections partielles mais seulement les élections législatives générales, elle fonctionne seulement par intervalles. De plus, ce taux prend en compte le renouvellement seulement d’une législature sur l’autre.
Taux de renouvellement = Nombre de députés non réélus / Nombre de députés dans l’ ancienne Assemblée
Ce mode de calcul a l’avantage d’intégrer les variations de l’effectif de de l’Assemblée nationale, qui n’a pas été constant à travers la Ve République.
Année |
Législature |
Nombre de députés |
1958 |
1ère |
579 |
1962 |
2ème |
482 |
1967 |
3ème |
487 |
1968 |
4ème |
487 |
1973 |
5ème |
490 |
1978 |
6ème |
491 |
1981 |
7ème |
491 |
1986 |
8ème |
577 |
1988 |
9ème |
577 |
1993 |
10ème |
577 |
1997 |
11ème |
577 |
2002 |
12ème |
577 |
2007 |
13ème |
577 |
2012 |
14ème |
577 |
2017 |
15 ème |
577 |
L’observation du taux de renouvellement sur l’ensemble de la Vé République permet de dégager des éléments de compréhension historique de la vie politique française.
Nous avons également choisi de représenter des taux de renouvellement plus précis, non pas par parti mais par orientation politique. En effet, durant la cinquième République, près de 35 partis différents ont existé, rendant le calcul impossible. Les cinq grandes orientations politiques choisies sont l’extrême gauche, la gauche, le centre, la droite et l’extrême droite. Cependant, l’extrême droite n’a pas été intégrée dans les évolutions, à cause de son inconstance à travers la cinquième République, bien que les élections législatives de 2017 marquent l’entrée de 7 députés frontistes à l’Assemblée. En effet, des députés d’extrême droite (Front National) n’ont été présents à l’Assemblé nationale que lors de trois législatures au total, sur les quinze que compte la Ve République. Tenter de calculer des taux de renouvellement au sein des députés du FN aurait été vain et aurait produit des données erronées. Ces députés ont cependant été intégrés lors du calcul du taux de renouvellement sur l’ensemble de l’Assemblée. Il en est de même pour certains députés dont le positionnement n’était pas pertinent sur notre échelle politique, notamment la plupart des députés des colonies françaises.
Voici comment le classement des appellations de partis durant la cinquième République.
Extrême Gauche |
Parti Communiste Français, Groupe Socialiste Radical et Citoyen, France Insoumise. |
Gauche |
Société Française de l’Internationale Ouvrière, Parti Socialiste, Fédération de la Gauche Démocratique et Sociale, PSRG, Groupe Radical Citoyen et Vert, Gauche Démocratique et Républicaine, Groupe Socialiste Ecologiste et Républicain. |
Centre |
Mouvement Républicain Populaire, Entente Démocratique, Parti Radical, Centre démocratique, Centre, Réformateurs démocratiques et sociaux, Union Centriste, Union du Centre, Union des Démocrates et Indépendants, Groupe Radical Républicain Démocratique et Progressiste, Union pour la Démocratie Française, La République en marche !, MoDem. |
Droite |
Indépendants et Paysans d’Action Sociale, Centre National des Indépendants et Paysans, Union pour la Nouvelle République, Républicains Indépendants, Union pour la Démocratie, Union des Démocrates pour la République, Rassemblement pour la République, Démocratie Libérale, Union pour un Mouvement Populaire, Les Républicains. |
Extrême droite |
Front National |
Les grandes évolutions
Sur l’ensemble de la Ve République, 48,58 % des députés en moyenne sont renouvelés d’une législature sur l’autre. Cependant, il existe des variations très importantes entre 1958 et 2017, à imputer principalement au contexte politique de l’Assemblée sortante.
De 1967 à 1988, on observe sur l’ensemble de l’Assemblée une période de moindre renouvellement, en moyenne 38% seulement, à savoir 62% de députés réélus d’une année sur l’autre.
Taux de renouvellement des députés (1958-2012)

Copyright :
Fondation pour l’innovation politique – juin 2017.
Les deux tiers du temps (cadre rouge), le taux de renouvellement est compris entre 35 % et 50 %. De plus, les trois quarts des élections législatives de la Ve République donnent lieu à un renouvellement inférieur à 50 % des députés.
Cette analyse permet d’isoler quelques valeurs remarquables.
Valeurs remarquables et analyse par orientation politique
Le taux de renouvellement le plus haut a eu lieu lors des élections législatives de 2017, avec 77 % de députés sortants non réélus. Sur les 577 députés sortants de la 14ème législature, 447 n’ont pas été réélus. C’est le taux de renouvellement le plus haut depuis 1958, date à laquelle il avait atteint 72 %, à la suite du passage à la nouvelle République et au scrutin uninominal majoritaire à deux tours.
Le taux de renouvellement le plus bas a lieu en 1968, avec 28% de députés sortants non réélus. Cette élection législative a lieu seulement un an après la précédente, suite à la dissolution de l’Assemblée nationale après les événements de mai-juin 1968.

Fondation pour l’innovation politique – juin 2017.
Concernant 2017, on sait que l’attente de renouvellement était particulièrement forte, du fait de la nouvelle offre politique constituée par le centre d’Emmanuel Macron. Ce thème de campagne a d’ailleurs été mis à l’agenda par ce dernier, qui en a fait une pierre angulaire de son programme présidentiel. Ce désir s’est traduit dans les urnes par le renouvellement le plus important de l’histoire de la Cinquième. Sans présager de l’action de cette nouvelle Assemblée, on peut d’ores et déjà dire qu’Emmanuel Macron a réussi son pari en présentant des candidats inconnus du grand public, en grande partie issus de la société civile.
Une étude des différences entre les grandes divisions politiques montre un taux de renouvellement légèrement plus élevé dans les partis du centre, avec une moyenne de 53,30 % de députés sortants du centre non réélus. Le centre subit plus que les autres les changements de majorité, et fait notamment l’objet d’alliances et de restructurations constantes, de changements d’appellations et de fusions.
Division politique |
Taux moyen (1958-2017) |
Extrême gauche |
52,60 % |
Gauche |
50,88 % |
Centre |
53,30 % |
Droite |
51,49 % |
Extrême droite |
n/a |
Moyenne |
48,58 % |
De manière générale, les valeurs sont comparables entre les différentes orientations politiques, extrême droite exclue, et se situent aux alentours de 50 % en moyenne. On notera que la moyenne sur le total de l’Assemblée est légèrement inférieure à la moyenne des taux de renouvellement par orientation politique. La raison principale est l’exclusion, dans le calcul, des députés qui ne se positionnent pas sur l’échiquier traditionnel (par exemple, ceux qui défendent principalement des enjeux régionalistes ou indépendantistes, certains députés des colonies françaises). On obtient ainsi un taux de renouvellement qui se concentre sur les principales forces politiques de la Ve République.

Copyright :
Fondation pour l’innovation politique – juin 2017.

Copyright :
Fondation pour l’innovation politique – juin 2017.
Ce travail a été réalisé par l’équipe de la Fondapol, et particulièrement : Antoine Durand, Jules Duribreu, Alexis Gendry, William Guebhardt, Florelle Henry, Chloé Lourenço, Elizaveta Turgeneva. |
Aucun commentaire.