Pour le juriste Frédéric Rouvillois, la politique est un domaine où la violence est désormais proscrite.
Politique et politesse font-ils toujours bon ménage ?
Il y a eu, de ce point de vue, clairement une rupture à la fin du XIXe siècle. Jusque-là, la politique est le fait d’une élite sociologiquement restreinte qui respecte les principes de courtoisie en vigueur dans le « monde ». Celui qui y dérogerait prenait d’ailleurs un risque : le duel.
La fin des « notables », l’entrée des masses dans la vie politique, le développement d’une presse populaire à grand tirage va totalement remettre en cause la façon de faire de la politique. On passe d’un discours rationnel à la propagande et à la politique spectacle. Au point qu’au début du XXe siècle, il y a presque une distorsion complète entre politique et politesse. Il y a alors une très grande violence dans les débats. En famille, à table, dans les salons, la règle est d’ailleurs de ne pas parler de politique.
Y a-t-il des règles de politesse ou des codes spécifiques au milieu politique ?
Ce qui est frappant, c’est de voir à quel point la politesse a envahi aujourd’hui le champ politique alors que c’était une valeur en recul général depuis la Première Guerre mondiale. C’est un domaine où la violence n’est plus admise. L’année dernière lorsque Dominique de Villepin a traité François Hollande de « lâche » à l’Assemblée nationale, cela a suscité un vrai tollé. Il y a de manière générale un polissage du discours politique qui correspond depuis une dizaine d’années au retour en force dans le champ sociétal non pas de la politesse pour elle-même mais de la nécessité. Avec la montée des incivilités et de la violence quotidienne, la politesse n’est plus considérée comme une valeur ringarde mais consensuelle.
Comment juger-vous le ton de la campagne présidentielle ?
Ce qui est nouveau, c’est que la politesse est devenue un enjeu électoral à part entière, à double titre. Entre les candidats : Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal ne cessent de répéter qu’ils ne se livreront pas à des attaques personnelles. Ils savent que celui qui craquera aura un handicap. La politesse ne peut pas faire gagner une élection mais un dérapage verbal peut contribuer à la faire perdre. Ensuite, parce que la restauration du savoir-vivre et du respect fait partie intégrante des programmes portés par les deux candidats. C’est parce qu’elle a investi ce champs du retour des valeurs que Ségolène Royal peut espérer mordre sur l’électorat de la droite traditionnelle.
La politesse serait donc une valeur de droite…
La politesse est une valeur de droite dans la mesure où elle est issue des différences, des inégalités de statut social, des préséances… Si la gauche c’est l’égalité, alors oui, la politesse est une valeur de droite. Mais les frontières entre droite et gauche sont devenues aujourd’hui beaucoup plus complexes. Et la politesse, qui a longtemps été considérée comme une valeur conservatrice, fait aujourd’hui partie du bien commun.
Le fait que Ségolène Royal soit une femme pose-t-il dans ce domaine un problème aux candidats masculins ?
C’est un faux argument. La galanterie est la principale victime du déclin des valeurs bourgeoises, a fortiori depuis le développement du féminisme. La difficulté que pose Ségolène Royal à ses adversaires est plus liée à son positionnement politique qu’à son sexe.
Aucun commentaire.