22.06.2010
Pavillon Cambon Capucines - Paris
Événement passé

Le statut de la liberté. La révolution auto-entrepreneur

Colloque sur le statut d'auto-entrepreneur.
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I.

Discours d’ouverture de Nicolas Bazire, président du Conseil de surveillance de la Fondation pour l’innovation politique

II.

Discours d’ouverture par Hervé Novelli, secrétaire d’État au Commerce, à l’Artisanat, aux Petites et Moyennes Entreprises, au Tourisme, aux Services et à la Consommation

III.

Table ronde n°1 : Génération auto-entrepreneur

IV.

Table ronde n°2 : Tous patrons ?

V.

Table ronde n°3 : Nouveaux marchés, nouveaux métiers

VI.

Table ronde n°4 : Small is beautiful, un statut qui s’exporte

VII.

Foire aux questions

VIII.

Discours de clôture de Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique

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En juin 2010, la Fondation pour l’innovation politique organisait une journée de débats sur le statut d’auto-entrepreneur. Retrouvez les vidéos de ce colloque, organisé dix-huit mois après la création d’un statut qui continue d’attirer par sa simplicité et ses nombreux avantages. Phénomène de société ? Fait générationnel ? Qui sont les auto-entrepreneurs ? Comment le marché du travail a-t-il accueilli ce nouveau statut ? Comment les salariés, les retraités, les fonctionnaires, les étudiants ou encore les chômeurs s’en sont-ils emparé ?

L’auto-entreprenariat a permis aux Français, longtemps rebutés par la complexité et la lourdeur des formalités administratives, de renouer avec l’esprit d’entreprise. Mais si entreprendre est une bonne chose, est-il pour autant aisé de pérenniser son projet et d’en garantir le succès ? Comment améliorer l’accompagnement des auto-entrepreneurs ? C’est l’ensemble de ces questions qui ont été débattues au cours du colloque « Le statut de la liberté » de la Fondation pour l’innovation politique. Alternant tables rondes et témoignages, ce colloque a également accueilli une Foire aux questions durant laquelle des juristes ont répondu aux auto-entrepreneurs et futurs auto-entrepreneurs sur ce nouveau statut. Les internautes ont pu poser des questions via Twitter en utilisant le tag #revae.

Programme

Discours d’ouverture de Nicolas BAZIRE et Hervé NOVELLI

Table ronde n°1 : Génération auto-entrepreneurs

Intermède vidéo : témoignages d’auto-entrepreneurs

Table ronde n°2 : Tous patrons ?

Intermède vidéo : intervention de Pierre KOSCIUSKO-MORIZET, co-créateur et président-directeur général du site de vente en ligne PriceMinister

 

Table ronde n°3 : Nouveaux marchés, nouveaux métiers

Table ronde n°4 : Small is beautiful, un statut qui s’exporte

Foire aux questions

Discours de clôture de Dominique Reynié

I Partie

Discours d’ouverture de Nicolas Bazire, président du Conseil de surveillance de la Fondation pour l’innovation politique

Texte intégral du discours prononcé par Nicolas Bazire, président du conseil de surveillance de la Fondation pour l’innovation politique, à l’occasion de l’ouverture du colloque « Le statut de la liberté. La révolution auto-entrepreneur ».

Monsieur le Ministre, Cher Hervé,
Mesdames et Messieurs,
Mes chers amis,
A l’heure où s’ouvre ce colloque, notre pays poursuit, avec détermination, une série de réformes structurelles aussi délicates que nécessaires. Qu’il s’agisse de l’engagement de la France de réduire son déficit public de 100 milliards d’euros d’ici 2013 ou de la réforme des retraites, la tâche des mois à venir est rude ! Chacun le sait.
Nous vivons des temps difficiles même s’il y en eut d’autres. Mais, plus que jamais, l’énergie, la volonté, devront avoir raison des obstacles, des conservatismes, qui se dressent sur le chemin du retour à la croissance ! De l’énergie, de la volonté, M. le Ministre, il vous en a fallu à vous-même et à l’ensemble du gouvernement pour mener à bien la mission de modernisation économique et sociale que vous poursuivez avec le Président de la République depuis maintenant trois ans !
Comme élu de terrain, de Richelieu, dans l’Indre-et-Loire, depuis votre premier portefeuille ministériel en juin 2007, puis comme Secrétaire d’Etat au Commerce, à l’Artisanat, aux Petites et Moyennes Entreprises, au Tourisme, aux Services et à la Consommation, Bercy ne vous a pas changé. Vous n’avez jamais ménagé vos efforts pour libérer les énergies créatives, tellement nécessaires à la relance de la croissance française et à la création d’emplois !
Votre présence parmi nous aujourd’hui, dans cette Fondation qui se veut politique et innovante, est non seulement un grand honneur, mais aussi une opportunité de vous remercier de défendre, comme vous le faites si bien, celles et ceux qui croient en la libre entreprise. Vous croyez en la liberté économique mais vous faites en sorte de la mettre à la portée de tous.
Si nous avons souhaité vous proposer d’ouvrir les travaux d’aujourd’hui, c’est bien parce que nous partageons avec vous la conviction que le désir exprimé par un Français sur deux de créer son activité doit être pris au sérieux et encouragé par tous les moyens appropriés.
Nous avons intitulé le présent colloque « Le statut de la liberté. La révolution auto-entrepreneur », c’est avec l’intention d’illustrer le grand élan que vous avez suscité en créant le régime de l’auto-entrepreneur, mis en place par la Loi de Modernisation de l’Economie, adoptée le 4 août 2008.
Oui, le statut de l’auto-entrepreneur que vous avez créé est plus qu’une réforme ! Il mérite à bien des égards le qualificatif de révolution !
Que l’on songe d’abord à tous ceux qui un jour ont rêvé de développer une activité parallèle à leur métier afin de compléter leurs revenus. Combien parmi eux ont renoncé, freinés et découragés par la complexité des formalités administratives à accomplir ? Combien ont, au contraire, pris le risque de l’illégalité ou du délit pour échapper à la bureaucratie, à l’impôt ou simplement par peur de l’échec.
Le premier grand mérite du dispositif, dont vous êtes l’artisan M. le Ministre, c’est la simplicité. A tous ceux qui ont fait de la création d’entreprise un choix motivé et pensé, vous offrez la possibilité de passer à l’acte sans contraintes, ni délais. Depuis le 1er janvier 2009, tout candidat au régime de l’auto-entrepreneur remplit un simple formulaire en ligne, en quelques minutes seulement.
Si tout auto-entrepreneur en herbe peut se mettre à son compte par quelques clics sur Internet, encore fallait-il veiller à ce qu’il ne soit pas aussitôt accablé par des charges dissuasives et peu proportionnées à une activité naissante.
Ce n’est plus le cas ! Vous avez conçu un forfait fiscal et social sur mesure : l’entrepreneur qui n’encaisse rien…ne paye rien non plus ! Les charges sont simplement fonction du chiffre d’affaires. De même, lorsque l’activité arrête plus de charges à payer. Le deuxième mérite de ce statut d’auto-entrepreneur c’est donc la souplesse.
Facilement accessible, flexible et réaliste dans le raisonnement économique et fiscal qui le sous-tend, vous avez aussi scrupuleusement veillé à ce que le régime d’auto-entrepreneur s’adresse à tous, salariés ou non salariés ! Depuis février 2009, il est même ouvert aux professions libérales. Depuis le milieu de l’année dernière, il est également possible de cumuler une allocation au titre du RSA (Revenu de Solidarité Active) avec les revenus issus d’une activité d’auto-entrepreneur. Les fonctionnaires ne sont pas non plus exclus de ce statut, moyennant naturellement l’autorisation de leur administration.
Le troisième grand mérite de votre réforme, et ce n’est pas le moindre, est ainsi son aspiration à l’universalité. Demandeurs d’emploi, salariés, fonctionnaires, retraités, étudiants : chacun est susceptible d’en bénéficier.
Si la Fondapol distribuait des prix vous auriez certainement celui de l’Innovation réussie.
Vous venez de rendre public un premier chiffre impressionnant : la barre symbolique des 500.000 auto-entreprises créées depuis janvier 2009 vient d’être franchie !
Ce n’est pas tout ! Grâce à la création de ce nouveau statut, le nombre de créations d’entreprises dans notre pays l’année dernière a atteint le niveau record de 580.193, soit une progression sans précédent de 75,1% par rapport à 2008.
M. le Ministre, vous avez donc fait du régime de l’auto-entrepreneur une véritable « arme anti-crise » dont l’époque exigeait la création, un levier efficace de stimulation de la croissance et de l’emploi au moment où nous en avons le plus besoin ! Qui plus est, vous avez souhaité qu’il soit évalué en permanence et vous avez créé pour cela un conseil où se croisent des gens aussi divers qu’Aliza Jabès, Henri Giscard d’Estaing, ou Dominique Desseigne.
Ce succès considérable ne vous fait pas baisser la garde ! Vous avez aussi pris le soin de consolider votre dispositif, pour en corriger certains aspects et pour garantir sa pérennité.
Ainsi, face aux risques d’abus dont pourraient être victimes les auto-entrepreneurs – comme celui du « salariat déguisé », critique fallacieuse que font des détracteurs assez loin des réalités, vous avez aussitôt exigé la plus extrême vigilance de la part des services de contrôle (URSSAF, inspection du travail) et soumis les auto-entrepreneurs à une traçabilité forte pour mieux les protéger de pratiques abusives.
De même, vous avez fait en sorte que des moyens réels soient débloqués pour accompagner les nouveaux entrepreneurs, les sensibiliser et même les former à l’entrepreneuriat.
Les résultats sont probants : les auto-entrepreneurs plébiscitent la liberté et l’indépendance de ce nouveau régime juridique : 83% d’entre eux se déclarent satisfaits de leur nouveau statut.
Votre succès, M. le Ministre, est celui de la liberté d’entreprendre ! Cette réussite, c’est aussi celle de ces centaines de milliers de personnes qui ont répondu à votre appel et se projettent désormais vers un horizon professionnel plus libre ! Quand le monde bouge à Shanghai, à Delhi, à New York ou à Londres, nous ne pouvions rester immobiles.
Si plus de huit Français sur dix pensent aujourd’hui que ce nouveau régime de l’auto-entrepreneur offre de réelles opportunités à saisir, et ce malgré la conjoncture économique, c’est bien parce que des gens comme eux, avant eux ont réussi dans cette voie depuis maintenant dix-huit mois.
Plus qu’un portrait-robot de l’auto-entrepreneur que dessinent les premiers sondages (plutôt un homme dans 60% des cas, d’un âge moyen de 44 ans), ce que je retiens pour ma part ce sont des visages, des visages qui incarnent une nouvelle forme de réussite professionnelle, des visages de cette France entrée de plein pied dans la modernité économique, des visages de citoyens comme vous et moi dont l’énergie et la créativité ont été libérées.

500 .000 auto-entrepreneurs aujourd’hui ! Et sans doute, à la clef pour une partie d’entre eux, la perspective de passer de la très petite entreprise à la petite entreprise, de la petite entreprise à la moyenne entreprise et, pourquoi pas un jour, de la moyenne entreprise à la grande entreprise. C’est tout ce qu’on peut leur souhaiter.
Avant de te céder la parole, je voudrais encore une fois Cher Hervé, te redire toute notre reconnaissance. Le 23 janvier 2008, Jacques ATTALI remettait au président de la République son rapport sur « la libération de la croissance française ». Parmi les quelque 316 « réformes urgentes et fondatrices » qu’il préconisait, figurait en bonne place le nouveau statut d’auto-entrepreneur. A l’été 2008, l’article 1 de la Loi de Modernisation de l’Economie lui donnait déjà une existence dans notre droit. A peine six mois plus tard, ce nouveau régime était en place.
Fort du succès qu’il rencontre après bientôt dix-huit mois de fonctionnement, il faut lui souhaiter toute la réussite qu’il mérite.
Tu sais l’attachement de notre Fondation aux libertés en général, à celle d’entreprendre en particulier. L’entrepreneur à la tête de plusieurs PME familiales que tu as été, voit aujourd’hui son expérience mise au service de notre pays. Je forme le vœu que de nouvelles étapes marquent encore la volonté d’élargir l’accès à la création d’entreprise.
Je sais que tu fourmilles d’idées sur le sujet et me réjouis par avance, si tu le souhaites, d’entendre tes nouveaux projets innovants en la matière.
Merci pour votre attention.

II Partie

Discours d’ouverture par Hervé Novelli, secrétaire d’État au Commerce, à l’Artisanat, aux Petites et Moyennes Entreprises, au Tourisme, aux Services et à la Consommation

Texte intégral du discours prononcé par Hervé Novelli, secrétaire d’État au Commerce, à l’Artisanat, aux Petites et Moyennes Entreprises, au Tourisme, aux Services et à la Consommation, à l’occasion de l’ouverture du colloque « Le statut de la liberté. La révolution auto-entrepreneur ».

Mesdames et Messieurs,
Chers entrepreneurs,
Je voudrais en premier lieu remercier l’ensemble des acteurs qui ont accompagné et accompagne toujours LE phénomène auto-entrepreneur. Nombre d’entre eux sont ici, que ce soit François Hurel bien-sûr, et notamment Alain Bosetti, Jean-Claude Volot.
Je voudrais entrer dans le vif du sujet en posant une question simple : pourquoi le régime de l’AE rencontre-t-il un tel succès ? Pourquoi fonctionne-t-il aussi bien ? Comment expliquer que, lorsque nous avons organisé la première manifestation publique à Dauphine à l’automne 2008, le standard de Bercy a sauté – pas au sens figuré, véritablement au sens littéral du terme ! – tant les personnes souhaitant s’inscrire étaient nombreuses ? L’amphi réservé à cette occasion, lui aussi, a failli exploser, tant la foule était nombreuse.
L’AE fonctionne tout simplement parce qu’il comble un vide, parce qu’il répond à une aspiration profonde qui ne trouvait pas le véhicule pour s’exprimer. La France a en effet longtemps vécu avec un paradoxe déroutant : en 2008, le rapport du GEM (global entrepreneurship monitor), qui ausculte la question entrepreneuriale dans le monde sur la base de benchmarks internationaux, montrait que la France avait la particularité de combiner à la fois le plus fort taux « d’intentions entrepreneuriales » dans sa population et la plus forte peur de l’échec. Autrement dit, la France était un pays d’entrepreneurs mais qui avait peur de l’entrepreneuriat. Avec l’auto-entrepreneur, on réconcilie les intentions et l’action, on aide nos concitoyens à franchir le pas et à se débarrasser de cette peur de l’échec.
En cela, nous renouons avec un modèle historique qui est celui hérité de la révolution française. Autant qu’une révolution politique, celle-ci a aussi été une révolution économique, méconnue aujourd’hui et qui pourtant a changé le visage de la société de l’époque. Le modèle des corporations était aboli par la loi Le Chapelier de 1791, la liberté d’entreprendre était proclamée, l’initiative individuelle libérée des chaînes de sujétions antérieures. Ainsi, au XIXème siècle le modèle dominant d’activité restait l’entrepreneuriat individuel.
Le salariat, s’il n’a pas été inventé par le XXe siècle, a bien été généralisé à cette époque. L’invention de l’optimisation et de la standardisation, autrement dit les concepts fordistes, marquait une évolution et même un progrès social et économique important. Elle était particulièrement adaptée à une société à dominante industrielle. Le temps des horodateurs pour relever les heures effectuées, le temps des horaires fixes, le temps des fiches de postes parfaitement définies… tout cela se mariait parfaitement avec la nouvelle forme d’activité dominante qu’était le salariat.
Pourquoi ce petit aperçu historique ? Parce que je suis persuadé que le succès de l’auto-entrepreneur est un formidable révélateur des évolutions de notre époque. Ces évolutions qui sont puissamment sous-jacentes et qui ne demandent qu’une petite ouverture pour jaillir à la surface de la terre. Ainsi, le statut de l’AE est puissamment moderne en cela qu’il épouse l’avènement d’une société de service, des services devrais-je dire, c’est à dire une société où la demande numéro 1 des entreprises et des particuliers est de trouver des réponses ponctuelles, flexibles, rapides et individualisés à des problématiques particulières. Les activités de conseil et de services à la personne qui montent sans cesse en puissance en sont d’autres illustrations bien connues.
Dans cette société des services et de la flexibilité, le statut de l’AE permet de répondre aux formes d’activités non-normées qui peinaient à trouver leur place dans une société du salariat généralisé : les activités intermittentes, saisonnières, complémentaires d’une activité principale.
Ce sont autant d’activités qui trouvaient peu ou pas leur place dans le code du travail tel qu’il existe. Pourquoi ne pas imaginer, à côté du code de commerce, du code du travail, un code de l’entrepreneur individuel, qui viendrait réponde à toutes les problématiques particulières qui marquent la vie des entrepreneurs et définissent les règles qui doivent encadrer sa relation avec l’ensemble des acteurs économiques et publics ? Ce serait là une formidable reconnaissance de ses particularités et de son rôle dans l’économie.
Le développement de cette société de service ne s’arrête pas à nos frontières. De nombreux gouvernements étrangers sont intéressé par la mise en place d’un statut de type auto-entrepreneur. Nous pouvons citer le Maroc, la Tunisie et quelques autres pays d’Afrique. Vous allez l’évoquer un peu plus tard dans la journée.
Ce statut de l’AE est également puissamment moderne en cela qu’il épouse les outils de son temps. C’est la première fois, avec l’AE qu’une création d’entreprise 100% en ligne, sur internet, était permise. Et ceux qui se sont lancés ont su parfaitement exploiter cette possibilité : aujourd’hui, 80% des inscriptions se font en ligne.
Les Français ont adhéré à une triple révolution :
Une révolution culturelle et sociétale d’abord : que l’on soit étudiant, chômeur, retraité, salarié ou fonctionnaire, qu’on exerce à titre principal ou accessoire, on peut devenir auto-entrepreneur. L’auto-entrepreneur, c’est un droit universel à entreprendre, un véritable permis d’entreprendre. Universel, parce qu’il a été successivement étendu aux professionnels libéraux non règlementés, aux demandeurs d’emploi bénéficiant de l’ACCRE, au titulaire du revenu de solidarité active, aux fonctionnaires, bientôt aux agriculteurs et aux militaires.
Le régime s’adresse à tous, sans aucune forme de discrimination. Je voudrais vraiment insister sur ce point. Depuis la création du statut, beaucoup de Français se disent, parfois pour la première fois de leur vie, « et pourquoi pas moi » ? Ceux qui pensaient qu’ils n’étaient pas assez qualifiés, pas assez diplômés, pas assez expérimentés, s’aperçoivent qu’il n’y a pas d’autres barrières que leur propre volonté. Pour devenir auto-entrepreneur, on ne vous demande pas de présenter vos diplômes ou de passer un concours, de présenter des états de services ou de rentrer dans des critères d’âge ou de sexe.
L’auto-entrepreneur, de ce point de vue, ne fait que confirmer ce que l’on savait déjà sur la création d’entreprise : créer son entreprise, devenir son propre patron, c’est le meilleur ascenseur social. Il n’y a pas d’autres discriminations que celle du marché. Si votre projet est bon, si vous avez le talent et la volonté, vous pouvez réussir. Bien sûr, certains auto-entrepreneurs connaîtront l’échec, bien sûr tous les AE ne sont pas des Bill Gates en puissance – ils n’y aspirent d’ailleurs pas forcément, l’AE est aussi fait pour avoir un simple complément de revenu en parallèle d’une activité – mais au moins ont-ils la certitude qu’ils peuvent tenter leur chance. Si l’échec de quelques-uns est le prix à payer pour une opportunité nouvelle ouverte à tous, et bien ce prix à payer n’est pas trop fort.
Je parlais à l’instant de barrières, mais dans certains cas ce sont même des murs que nous avons abattus. Jusqu’à présent, un fonctionnaire pouvait certes créer son entreprise, mais sans les facilités offertes par ce nouveau régime. Or, nous n’avons aucune raison, et surtout aucun intérêt à brider les initiatives, à choisir parmi nos concitoyens ceux qui ont le droit de créer et ceux qui ne le peuvent pas. Je ne suis pas de ceux qui pensent que le bonheur des hommes se mesure à la faiblesse du nombre d’heures travaillées.
La deuxième révolution qu’introduit l’AE, c’est la révolution administrative : de chez soi, grâce à Internet, on peut créer son auto-entreprise en moins de 10 minutes. La France a pendant des décennies compté des millions de pourfendeurs de sa complexité administrative. Je vais vous faire un aveu : je faisais partie de ces pourfendeurs. Le chef d’entreprise que j’étais mesurait bien le poids de la fameuse « taxe papier », c’est-à-dire le temps passé à traiter des procédures administratives contraignantes. C’est en partie le souvenir de ces souffrances qui m’a fait opter pour un système qui tranche, enfin, avec cette complexité mortifère pour la création d’entrepriseLa simplicité, voilà le maître mot.
C’est cette simplicité que porte la troisième révolution de l’AE, la révolution fiscale. Pour la première fois, les charges fiscales et sociales sont calculées en pourcentage du chiffre d’affaires et sont payées en un prélèvement unique. Vous savez avec exactitude la part de votre chiffre d’affaires que vous devez à l’Etat, et surtout si vous n’encaissez rien, vous ne payez rien. De fait, l’entrepreneur n’a plus l’angoisse de se retrouver dans le rouge à cause de charges dont il ne pourrait s’acquitter.
A cet égard, l’AE devient un permis d’entreprendre. On arrête et on reprend son activité quand on le souhaite. De la même manière qu’un permis de conduire donne le droit de circuler mais ne contraint pas les automobilistes à se servir de leurs véhicules.
C’est pourquoi je ne comprends pas les critiques qui reprochent aux AE de ne pas générer du chiffre d’affaire dès la création de leur activité. Beaucoup d’AE s’enregistrent dans l’idée de travailler quand ils le souhaitent, parfois après une transition professionnelle, parfois parce qu’il s’agit d’une activité saisonnière, parfois parce qu’ils attendent le bon moment, tout simplement. Avec ce régime, l’acte d’entreprendre devient un acte culturel autant qu’économique. On veut pouvoir travailler, générer des revenus quand on le souhaite, quand on en a envie. Cette liberté est une des clefs de ce succès.
Ces révolutions que j’évoquais, sociétale, administrative et fiscale,  forment les piliers de la réussite du statut de l’AE. Cette réussite, vous le savez, se traduit par des chiffres.
Certains se souviennent peut-être qu’en 2002, à l’occasion de la campagne présidentielle, Jacques Chirac promettait dans son programme la création de 200 000 entreprises par an, chiffre qui a été atteint mais qui à l’époque paraissait pour beaucoup déraisonnablement ambitieux ! Imaginez qu’en 2009 nous avons atteint 580 000 créations d’entreprises, dont 320 000 AE.
Autrement dit, malgré la violente crise que nous traversons, les Français ont montré qu’ils avaient à cœur de créer. Je dis malgré, mais peut-être faudrait-il aussi dire « grâce à la crise ». Je suis conscient du caractère choquant de cette formule. Pourtant, il est vrai que beaucoup de nos compatriotes ont trouvé dans l’AE la réponse à leur difficulté, qu’ils soient à la recherche d’un emploi ou qu’ils cherchent un complément de revenu. En vérité, la crise a révélé deux choses : une volonté des Etats d’adhérer à l’action collective, et une volonté des particuliers à trouver dans l’action individuelle des solutions à leurs difficultés.
L’analyse des profils des AE nous apprend ainsi qu’un tiers d’entre eux en 2009 étaient des demandeurs d’emploi. Je souhaite m’arrêter un instant avec vous sur ce chiffre : un tiers des AE sont des demandeurs d’emploi. Cela veut dire très concrètement que ce statut est sans doute la politique sociale la plus efficace qui ait été mise en œuvre depuis des décennies. Cela veut dire qu’il a contribué à redonner de l’espoir à 160 000 personnes, à une époque où la crise inciterait plutôt au renoncement et à la désespérance pour ceux qui ont perdu leur emploi.
A cet égard, les critiques sur le régime de l’AE ont parfois quelque chose de déplacer. A ceux qui se plaignent de la concurrence des AE, je réponds que je préfère voir un homme actif, qui retrouve sa dignité et qui par son activité crée une concurrence nouvelle que de voir cette même personne condamnée à vivre des ASSEDIC et de la générosité publique. Les critiques me paraissent non seulement déplacées, mais aussi en partie absurdes, parce que ceux qui se plaignent de payer trop de charges par rapport aux auto-entrepreneurs sont les mêmes qui préfèreraient voir les auto-entrepreneurs rester au chômage, et percevoir des prestations… qui alourdissent précisément les charges des entreprises installées.
En 2009, les auto-entrepreneurs ont déclaré 934 millions d’euros de chiffre d’affaires, ce qui veut dire qu’ils ont apporté 180 M€ de cotisations sociales à noter modèle social. Et ce chiffre ne fera que croître.
Le régime de l’auto-entrepreneur existe seulement depuis 18 mois. Ce régime est en cours d’appropriation par les acteurs économiques. Il n’est pas souhaitable de modifier profondément les règles de fonctionnement de ce régime, si peu  de temps après son démarrage. Les entrepreneurs sont légitimes à demander une stabilité suffisante du cadre juridique, fiscal et social, afin de pouvoir développer leurs activités. En particulier, il n’est pas raisonnable de modifier les paramètres essentiels d’un régime, alors que des dizaines de milliers d’entrepreneurs ont construit et lancé leurs projets sur la base d’un cadre législatif et règlementaire dont ils pensaient qu’il serait pérenne.
Ainsi, la limitation de la durée de ce régime donnerait un signal négatif important pour toutes ces personnes qui ce sont engagée sur cette voie de l’entrepreneuriat, avec les risques qu’elle implique.
Je souhaite répondre à ceux qui disent que le régime serait trop avantageux : il l’est par sa simplicité, mais il ne s’agit pas d’un régime subventionné. Je vous rappelle qu’en moyenne, l’auto-entrepreneur ne paie pas moins de charges sociales et fiscales que les autres entrepreneurs : il s’en acquitte dans un cadre simplifié et je veille à la simplicité de ce régime. L’étude de l’Ordre des experts comptables, actualisée en avril dernier, le montre clairement.
Les droits à la retraite des auto-entrepreneurs sont calculés dans les conditions du droit commun, sans aucune dérogation.
Je souhaite également évoquer avec vous la problématique de l’artisanat. Le gouvernement a mis en place un groupe de travail sur ce sujet en mai 2009. J’ai décidé de donner suite aux propositions issues du groupe de travail. Dès le 1er avril, la qualification professionnelle des artisans comme des auto-entrepreneurs sera contrôlée avant la création de leur entreprise. C’est une avancée majeure, qui était attendue depuis longtemps par les organisations artisanales.
A cet égard je souhaite insister sur un point précis : la spécificité du régime de l’auto-entrepreneur n’en fait nullement un régime dérogatoire au droit du travail, ni d’ailleurs a fortiori aux règles relatives au travail illégal. Nous avons relevé des cas abusifs où des salariés ont été remplacés par des auto-entrepreneurs. Il convient de préciser que le régime de l’auto-entreprise ne remet pas en cause les fondements juridiques de la relation salariale. La question du détournement du statut d’auto-entrepreneur pour la réalisation d’un travail dans le cadre d’un lien de subordination tombe sous le coup de la requalification de la relation de prestation de service en contrat de travail. A cet égard, la jurisprudence de la chambre sociale de la cour de cassation est constante, et s’appliquera aussi bien aux auto-entrepreneurs qu’elle s’appliquait hier aux faux-sous-traitants et aux faux-consultants ou encore aux faux-indépendants.
Naturellement, il nous faut faire preuve de pédagogie vis-à-vis des auto-entrepreneurs pour qu’ils distinguent bien ce qui caractérise la relation de contrat de travail de leur situation d’auto-entrepreneur.
L’auto-entrepreneur est né sous de bons auspices. Il faut désormais qu’il grandisse et s’épanouisse sereinement. C’est pourquoi notre prochain défi doit être l’accompagnement des auto-entrepreneurs. Ce n’est pas tout de donner à chacun la possibilité de créer, il faut aussi donner à chacun la possibilité de réussir.
Après cette formidable année 2009, nous avons maintenant un défi à relever, qui est un défi collectif, à savoir l’accompagnement des auto-entrepreneurs.
L’accompagnement ne s’arrêtera pas là. La plus belle réussite d’un auto-entrepreneur, c’est de ne plus être auto-entrepreneur ! Non parce qu’il a échoué, mais parce qu’il a crevé les plafonds de chiffres d’affaires pour évoluer vers d’autres formes d’entreprises. Nous devons accompagner au mieux les auto-entrepreneurs qui sont dans ce cas de figure. Nous avons défini les orientations 2010 de travail avec les acteurs de l’accompagnement.
[ Vers une extension de la simplicité ]
Pour conclure, je souhaite évoquer avec vous les perspectives liées à ce régime, et le fait qu’il peut être utilisé comme modèle pour simplifier plus globalement le régime applicable aux travailleurs indépendants de droit commun.
Il nous faut tirer parti de l’expérience du régime de l’auto-entrepreneur pour simplifier les règles d’affiliation des travailleurs non salariés selon qu’ils sont commerçants, artisans ou libéraux. Ces règles, trop complexes et peu lisibles, devraient être simplifiées en concertation avec les différentes caisses. Nous travaillons sur ce sujet avec le Ministre du budget.
C’est dans ce même esprit que nous travaillons avec le Ministre du Budget sur le sujet des cotisations sociales pour les entreprises individuelles. Un trop grand nombre d’entreprises doit acquitter des montants de charges sociales disproportionnés à leur chiffre d’affaires. C’est notamment le cas en début d’activité ou en période de ralentissement de l’activité.
Dans ce contexte de simplification, des réflexions avec le Ministre du Budget vont porter sur la simplification des échéanciers sociaux afin que les chiffres d’affaires et les bénéfices, particulièrement lorsqu’ils sont faibles, ne subissent pas des appels à cotisations disproportionnées. Le groupe de travail réunit tous les acteurs concernés par ce thème afin de participer aux débats sur la question, compte tenu de ses enjeux, et enrichir les échanges de leurs expertises spécifiques et de leurs expériences propres.
Vous le voyez, l’ensemble de l’action que nous avons menée vise à libérer l’acte d’entreprendre, à en faire un geste naturel dans notre culture et dans notre société. Le régime de l’auto-entrepreneur a constitué une avancée essentielle en ce sens.
Sans partisans pour la soutenir, une révolution même superbe, ne change rien. C’est pourquoi je souhaite souligner l’activité de François Hurel et de l’Union des Auto-Entrepreneurs (l’UAE). Aujourd’hui c’est plusieurs milliers d’auto-entrepreneurs, adhérents de l’UAE, qui bénéficient des avantages nés des partenariats entre l’UAE et ses partenaires. Je me réjouis notamment du dernier en date, avec les Chambres de Commerce et d’Industrie qui informent et accompagnent les auto-entrepreneurs.
Je souhaite que le régime de l’auto-entrepreneur, ne soit pas uniquement le phénomène de l’année 2009, mais bien la révolution durable qu’attendait l’esprit d’entreprise français. Je demande donc à tous les acteurs qui sont au contact des auto-entrepreneurs de continuer à diffuser l’information de manière constante et soutenue.
Je vous remercie.

 

III Partie

Table ronde n°1 : Génération auto-entrepreneur

Animation par Claire FOURNIER (France 5)

Alain BOSETTI, multientrepreneur et fondateur du site Planète auto-entrepreneur
Grégoire LECLERCQprésident de la Fédération des auto-entrepreneurs
Louis LE DUFFprésident fondateur du Groupe Le Duff
Anne-Cécile PINAT, 500 000e auto-entrepreneur, créatrice de vêtements
Marc SOUFFIR, managing director de GFI SECURITIES

Présentation par Fabienne SIMON, directrice du département Stratégies d’Opinion à TNS Sofres, des résultats d’une enquête exclusive sur l’image des autoentrepreneurs

IV Partie

Table ronde n°2 : Tous patrons ?

Animation par Jean-Francis PÉCRESSE (Les Échos)

Charles BEIGBEDER, président de GRAVITATION, fondateur et président de POWEO, vice-président du conseil de surveillance de la Fondation pour l’innovation politique
Julie COUDRY, fondatrice et directrice générale de La Manu
Guy GROUX, directeur de recherche Sciences Po, CNRS
François HUREL, président de l’Union des auto-entrepreneurs (UAE), auteur du rapport remis à Hervé Novelli sur le travail indépendant

V Partie

Table ronde n°3 : Nouveaux marchés, nouveaux métiers

Animation par Hedwige CHEVRILLON (BFM)

Jacques BARTHÉLÉMY, ancien professeur associé à la Faculté de droit de Montpellier et avocat-conseil en droit social
Michèle DEBONNEUIL, inspecteur général des Finances et rédactrice du document d’orientation Les services à la personne : bilan et perspectives (2008)
Isabelle BORDRYprésidente de WebMediagroup : Maison facile, Siandso, Badiliz, Craftiz
Anne-Laure VINCENT, directrice générale du groupe auFeminin.com, cofondatrice du réseau Mompreneurs.fr

VI Partie

Table ronde n°4 : Small is beautiful, un statut qui s’exporte

Animation par Agnès MOLINIER (France 2)

Régis LABEAUME*, maire de Québec et ancien président de la Fondation de l’entrepreneurship du Québec
Gil RAMOS MASJUAN, sous-directeur général de l’économie Sociale, du travail Indépendant et de la responsabilité sociale des entreprises au ministère du Travail espagnol
Maïmouna SOURANG-NDIR, ambassadeur du Sénégal en France
Jean-Claude VOLOT, président de l’Agence pour la création d’entreprise

VII Partie

Foire aux questions

VIII Partie

Discours de clôture de Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique

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