Mercredi 12 Septembre, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a prononcé son « Discours sur l’état de l’Union ». Lors de cette allocution annuelle, troisième occurrence d’un rendez-vous créé sur le modèle américain, il a annoncé le schéma général de sa politique à venir.
Ambitieuse rentrée publique ou réveil tardif pour un président en milieu de mandat ?
« Acte fondateur », « révolution démocratique »*… si certains commentateurs ont été dithyrambiques sur l’intervention du représentant de l’exécutif, d’autres ne se sont pas privés pour railler un discours jugé convenu et pontifiant. De Bas Eickhout (député européen néerlandais), qui affirmait sur les réseaux sociaux : « La solution proposée : la croissance. Ouah ! Quel changement de paradigme » à Carl Schlyter (député européen suédois), qui regrettait : « Barroso demande une ‘nouvelle pensée’. Pour l’instant, il n’a réussi ni l’un ni l’autre », on ne peut pas dire que le discours ait fait l’unanimité…
Le programme porté par le président de la Commission se voulait pourtant novateur et efficace, pour remédier à une situation apocalyptique décrite par l’orateur lui-même comme une crise qui toucherait à la fois le domaine économique, financier, social, et moral (« crise de confiance »).
Un discours éminemment politique
En s’en prenant par trois fois aux mouvances populistes et nationalistes et en proposant de renforcer la Défense commune de l’Union, le président de la Commission a orienté son discours sur des sujets éminemment politiques. Dans un tel contexte, c’est à une solution politique commune qu’il nous faut aboutir, a-t-il souligné. D’où l’importance de la cohésion entre les Etats-membres : « il n’est pas acceptable de présenter les sommets européens comme des matchs de boxe et de clamer victoire par chaos sur un rival ». A titre d’exemple, à l’heure où les rumeurs de sortie de l’euro de la Grèce se font de plus en plus fortes, J.M. Barroso a rappelé le caractère irréversible des acquis de l’alliance européenne, au premier rang desquels la monnaie unique.
Au-delà des intérêts économiques communs qui sont ceux des européens, ce sont des valeurs collectives qui fondent l’ « âme européenne » version Barroso : liberté, démocratie, Etat de droit, droits de l’homme, ont successivement été évoqués par l’homme politique portugais.
Rôle du Parlement européen, listes électorales européennes, fédération d’Etats-Nations : florilège de propositions combinant approfondissement de la structure politique de l’Union et avancées économiques
- Une « fédération d’Etats-Nations »
L’expression est celle d’ un des illustres prédécesseurs de Barroso, Jacques Delors, qui présida la Commission de 1985 à 1995. Par son caractère sinon oxymorique, du moins « alambiqué »**, elle rassure à la fois ceux qui prêchent pour plus d’Europe (le terme « fédération » suppose plus qu’une simple organisation internationale) et ceux qui restent attachés à la souveraineté nationale (puisque Barroso distingue lui-même ce concept de celui de « super-Etat »). En pratique, cette entité sui generis dont certaines modalités ont été précisées par Habermas dans La Constitution de l’Europe impliquerait une modification des traités avant les prochaines élections européennes.
Quoi qu’il en soit, on est loin du « fanatisme » de l’intégration que dénonçait l’United Kingdom Independence Party (UKIP) par la voix de son leader Nigel Farage après le discours de Barroso.
- Des listes européennes au lieu de la simple somme de listes nationales
Entre autre idées « phares », J.Manuel Barroso a appelé de ses vœux la création de vrais partis européens qui se substitueraient aux coalitions de partis nationaux qui composent aujourd’hui le paysage politique du Parlement. Cette proposition, qui a reçu un accueil mitigé (Wim van de camp, député néerlandais, réagissait : « Barroso devient fou : des listes électorales européennes, une fédération d’Etats. Il faut d’abord essayer de résoudre les problèmes de l’euro »), serait un des vecteurs de l’objectif de résorption du « déficit démocratique » sans cesse imputé à l’Union. Ainsi, pour rendre l’Europe moins « technocratique [et] diplomatique » (J.M.Barroso), le président de la Commission a proposé que la nomination de son successeur soit fonction de la majorité parlementaire et non plus le fruit d’un choix des chefs d’Etats et de gouvernements suivi d’une simple approbation par le Parlement.
Plus généralement, il est à prévoir que les réformes à venir iront dans le sens d’une revalorisation du rôle du Parlement, comme le souhaite naturellement son président Martin Schulz : « Plus d’Europe avec moins de parlement n’est pas possible. L’euro est la monnaie de l’Europe, le Parlement européen est le parlement de l’Europe et de l’euro. Il n’y a pas d’autre solution ».
La principale difficulté de la participation accrue des citoyens réside dans l’allongement corrélatif du temps de négociation : en proposant une consultation sur les propositions émises (consultation qui sera elle-même suivie d’une convention et d’une conférence intergouvernementale), Monsieur Barroso reporte de fait de plusieurs mois (plusieurs années ?) la mise en œuvre des avancées institutionnelles présentées.
- Un environnement fiscal plus transparent et plus attractif
Le président de la Commission a également suggéré une meilleure coordination fiscale en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale. Dans le même ordre d’idées, il a souhaité la création d’une union bancaire, et attribué la crise économique à « des pratiques inacceptables dans le secteur financier ». Concrètement, des mécanismes de surveillance destinés à éviter la manipulation des taux d’intérêt bancaires seraient mis en place. Sur ce sujet, deux textes législatifs viennent d’être proposés par Michel Barnier, commissaire chargé du marché intérieur. Enfin, cette architecture renforcée avec pour clef de voûte la Banque centrale européenne se doublerait d’une coopération renforcée avec les Etats-tiers (et en particulier ceux qui sont régulièrement soupçonnés d’abriter l’évasion fiscale).
- Réitération de l’objectif d’augmentation du budget communautaire européen pour la période 2014-2020, malgré les réticences du Royaume-Uni
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