Le remède pire que le mal ?

Dans ce qui se veut une sorte de dictionnaire à l’usage des médecins et des patients (Guide des  4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux, dont le Nouvel observateur publie le 13 Septembre les pages les plus saillantes), Bernard Debré (député UMP de Paris) et Philippe Even (président de l’Institut Necker) dressent neuf-cent pages d’expertise sur quatre mille médicaments superflus ou nocifs. Organisé par catégories de maladies que ces remèdes traitent ou sont censés traiter (asthme, cancer, maladies psychiatriques, obésité, diabète, hypertension…) et émaillé de récits sur des accidents thérapeutiques historiques, cet ouvrage se veut un substitut au livre à visée informative qui aurait pu (dû ?) être écrit par l’ANSM, anciennement AFSSAPS.

Si les thèses ici défendues ont été immédiatement contredites par la fédération professionnelle des industriels du médicament l’industrie pharmaceutique (LEEM), qui a dénoncé « amalgames et approximations » et regretté que ce brûlot « contribue à alarmer inutilement les malades», elles ont au moins le mérite de l’originalité… Le cholestérol ? Une « molécule noble, importante » qui « n’a aucun rôle dans aucune pathologie » (ce qui signifierait, concrètement, que 3 à 5 millions de français prennent chaque jour une molécule vitale pour un déchet dangereux). Les pilules de troisième et quatrième génération ? Des contraceptifs nocifs qui multiplieraient par trois ou quatre le risque d’embolie pulmonaire de de phlébites par rapport aux pilules de deuxième génération, sans pour autant augmenter leur efficacité. L’étude, fondée sur vingt-mille références de recherches internationales (consultables à l’Institut Necker), est d’autant plus alarmiste qu’elle se veut scientifiquement rigoureuse.

« Laxisme », «  démagogie », « incompétence », « corruption », « cynisme » …

Dans une interview accordée à la journaliste Malika Elkord, Philippe Even n’a pas de mots assez durs pour décrire l’attitude des pouvoirs publics et de l’industrie pharmaceutique face à la commercialisation de ces médicaments. Et le pneumologue de prendre pour exemple le cas des statines (médicaments destinés à lutter contre le cholestérol), qui coûtent selon lui à la France deux milliards d’euros par an. D’un point de vue strictement économique, cet ancien doyen de la faculté de médecine de Paris croit ainsi entrevoir dans l’épuration de la pharmacopée et une meilleure diffusion des médicaments génériques une solution partielle aux problèmes de financement des hôpitaux et à la prise en charge de l’enfance et de la vieillesse. Selon lui « Il suffi[rait] de retirer du marché tous les médicaments dangereux, inutiles ou inefficaces » pour gagner chaque année dix à quinze milliards d’euros.

Vers une refonte du système ?

Ce matin, sur Europe 1, l’ancienne Ministre de la Santé  Roselyne Bachelot a tempéré l’impact de cet ouvrage. Elle concède « qu’il faille faire un nettoyage » et que les études d’efficacité sur lesquelles s’appuient les laboratoires qui demandent des autorisations de mise sur le marché « méritent d’être revisitées », mais estime que cette enquête a été faite « un peu à la louche ». La docteure en pharmacie a également dénoncé la pression de l’opinion publique et des associations féministes pour rembourser les pilules de troisième génération.

François Hollande, dont l’un des conseillers politiques, Aquilino Morelle, a corédigé le rapport de l’Inspection générale des Affaires sociales (Igas) sur l’affaire du Mediator et les réformes nécessaires, a sans doute conscience qu’une refonte du système s’impose.

Lire la note de Nicolas Bouzou : réformer la santé, trois propositions.

Crédit photo : flickr, William Hamon

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