Venue de Alexandre Jardin à la réunion de travail du Séminaire Bastiat

Alexandre Jardin, co-fondateur mouvement Bleu Blanc Zèbre, est intervenu le 27 janvier 2015 à la réunion de travail du séminaire Bastiat.
Découvrez ci-dessous le contenu de son intervention.
Lors de mon intervention du 16 novembre 2013, je vous avais présenté ma nouvelle initiative « Les Zèbres », je vais ici vous parler de sa suite, de ses développements et projets. Je demanderai également à la Fondation pour l’innovation politique, un soutien à un moment dans la mise en place du dispositif que je vais vous présenter.
C’est tout simple : ce pays a longtemps été un État, il faut que cela devienne une société. Nous le ferons dans les deux ans qui viennent et pour cela nous avons un plan. Depuis que je suis venu vous voir nous nous sommes structurés, nous avons une tactique, une vraie stratégie qui va nous conduire jusqu’en 2017. Vous en entendrez, très largement, parler médiatiquement à partir de la fin avril. Nos structures seront alors suffisamment solides pour que je puisse sortir un livre qui sera l’étendard, et qui me permettra d’embarquer la machine médiatique dans ce débat.
Pendant un an, nous, les Zèbres, avons réuni un club de personnes, qui font des choses ; ce sont des entreprises, des associations, comme « Lire et faire lire ». Cela a donc l’air d’un club de gentils et si vous allez sur le site vous verrez un catalogue à la Prévert de personnes qui savent régler, ponctuellement, un problème du pays. C’est le lent travail de collection, pour arriver à la masse critique de ce que nous appelons des « faiseux », c’est-à-dire des personnes qui savent quoi faire en France pour régler un problème. Nous avons beaucoup de mal à ramener dans notre sillage des « faiseux » de la fonction publique, non pas parce qu’il n’y en a pas, mais parce qu’avec la culture hiérarchique, ils sont tous au bord du site. Il y a donc ce que vous voyez sur le site, et puis il y a des kilomètres de gens qui aimeraient bien y entrer mais qui, pour toutes sortes de raison ne le font pas. Je vais vous prendre un exemple : j’ai rencontré à l’intérieure de la fonction publique, rue Oudinot, des vrais « faiseux », le général Loiacono et un colonel qui ont les clés d’un énorme problème français. Ils gèrent quelque chose qui s’appelle le SMA mais que personne à Paris ne connait. Il s’agit, dans les DOM-TOM, du service militaire qui a continué sur une base de volontariat. Le SMA s’occupe de 6 000 jeunes par an dans les DOM-TOM : 85% ressortent au bout de 10 mois avec un contrat de travail. C’est donc la meilleure école de la deuxième chance que l’on ait bâtie pour un coût imbattable puisqu’ils sont sous statut militaire. C’est un coût et une structure inouïs et ils avaient besoin des différents opérateurs des Zèbres, notamment pour financer les soldes, etc. Nous discutions et à un moment je leur dis : « vous n’auriez pas un petit plan d’invasion de la France ? Parce que 6 000, c’est un peu étroit ». Ils me disent que si, et me sortent le dossier : le plan porte sur 120 000 jeunes par an. Cela commence à devenir intéressant quand on sait qu’il y en a 140 000 qui quittent le système. Là, nous avons des vrais « faiseux » ayant les modes opératoires, maîtrisant leur budget, imbattables sur un plan financier de par leur statut miliaire, mais le général Loiacono, n’est pas complètement autonome. Il va de soi que dans le combat des Zèbres, nous nous battrons pour l’extension, en France, du SMA. Mais cela suppose, comme nous sommes des « faiseux », de trouver un opérateur. Nous allons donc aller démarcher les gendarmes, parce que l’armée de terre ne veut pas en entendre parler. Et je pense que dans une zone un peu difficile, si nous montons un centre SMA, je vois bien les gendarmes tout contents à l’idée que l’on prenne 10 000 jeunes très ennuyants, et qu’on les mette au boulot.
Nous avons une centaine d’actions répertoriées, ce qui nous permet aujourd’hui d’attirer tous les géants du monde associatif et du monde économique. Cela signifie que derrière le site, il y a en réalité d’énormes puissances qui se sont agrégées. Nous sommes en train de faire une alliance entre les « faiseux » du monde associatif, du monde mutualiste, et ceux du monde économique, des entreprises pures et dures, et d’économie sociale et solidaire (ESS). Ils ont appris à vivre à l’intérieur de leur monde, ils savent bien se structurer mais ils n’ont pas eu l’idée de coopérer. Demain après-midi, je serai dans le bureau de Monsieur Gattaz avec une femme qui dirige le mouvement associatif. Le mouvement associatif, personne ne sait trop ce que c’est en France, mais c’est une sorte de parlement du monde associatif, rassemblant la Ligue, l’UNAF, etc. C’est vraiment « la carpe et le lapin » que l’on va mettre dans le même bureau, mais ils ont des intérêts communs, et les Zèbres vont les faire valoir. Nous allons donc passer à un catalogue inoffensif, c’est un travail que nous menons depuis maintenant un mois (il nous faut encore trois mois pour pouvoir le terminer). Nous allons créer ce que l’on appelle des bouquets. C’est-à-dire que l’on réunit, autour d’un problème français des opérateurs, par exemple : le retour à l’emploi. Comment fait-on ? Le back office est à peu près fait par Pôle emploi, le front office est catastrophique. Nous avons un programme qui s’appelle SNC (Solidarités Nouvelles face au Chômage) qui a des modules de formation pour former des salariés ou de simples citoyens et qui crée des groupes qui font du tutorat individualisé de chômeurs. Il y a un savoir-faire énorme chez SNC. Nous sommes en train de les marier avec la SNCF : il y a 250 000 salariés, et nous allons essayer d’implanter plein de groupes SNC dans cette compagnie. Nous pourrions le faire avec la CNAM et partout où il y a des gisements de salariés, des gens à peu près responsables qui pourraient faire des groupes SNC.
Nous avons quelque chose qui s’appelle Force Femmes qui est spécialisé dans l’accompagnement des chômeuses de plus de 50 ans, avec des spécificités. C’est un groupe de femmes très intelligent et remarquablement modélisé.
Nous avons les Café Contact Emploi : c’est une sorte de mini-bourse du travail. Vous rentrez dans un café, il y a une douzaine de patrons d’entreprises qui ne trouvent pas les personnes dont ils ont besoin : ils prennent le micro, expliquent exactement leur recherche et ils se mettent devant des tables. Il y a une centaine de personnes présentes et elles font affaire. C’est très efficace pour faire sortir le marché gris de l’emploi. Nous avons également quelque chose qui s’appelle CV Street, qui vient de Marseille ; etc.
C’est groupes-là sont en train de se réunir et lundi soir prochain le bouquet « Retour à l’emploi » va se structurer. À chaque fois, nous démarrons avec un minimum de quatre ou cinq opérateurs. Nous allons proposer nos bouquets, qui sont des politiques publiques, clés en main, portées par la société civile et surtout, avec la personne capable de le faire. C’est cela le fond de l’affaire : qui sait faire quoi ? Nous allons proposer cela avec les communes avec lesquelles les Zèbres entrent en partenariat. Pour l’instant, nous nous en avons à 20 ou 25 communes.
Pendant deux ans, nous allons multiplier les implantations concrètes de nos bouquets. Et le but du jeu, c’est que l’on ait une masse critique de « faiseux » suffisante pour que l’on puisse, dans une première étape, s’installer dans les mairies. Ensuite lorsque l’on approchera 2017, les partis politiques vont se mettre à draguer la société civile, nous passerons alors à l’étape deux. Nous allons faire du Hulot à l’envers : Hulot c’était mono-produit ; nous, nous sommes « tous produits », nous avons des bases sociales, derrière la ligue de l’enseignement, l’UNAF, etc. de vraies bases sociales, des troupes. Alors, nous dirons : « Signez l’alliance avec la société civile, mais comme nous n’avons pas très confiance en vous, nous ne vous demandons pas de faire ; laissez-nous faire ». Cela veut dire que nous voulons des contrats de mission pour nos bouquets, et nous voulons arracher à l’État la politique de la ville, qui est l’échec même de trente années d’interventionnisme public. Nous voulons que les opérateurs de la société civile concentrent leurs efforts sur ces 64 quartiers en échec. Nous avons des moyens très concrets pour relancer la création d’entreprise, etc. Cela ne peut être fait avec un ministère des PME, mais cela peut se faire avec la CGPME. Par exemple, la CGPME-Ile-de-France est très créative avec une personne absolument exceptionnelle à sa tête, Abdellah Mezziouane, qui nous envoie toute une série de Zèbres. Ainsi, sur le problème énorme de la transmission des TPE où il y a un enjeu d’emploi absolument colossal, Abdellah Mezziouane a une hyper-compétence sur ce problème-là.
Nous allons donc proposer à l’ensemble des partis, sauf le FN, un deal clair : faisons alliance, et nous voulons des contrats de mission. Laissez-faire les « faiseux », ceux qui savent faire, ceux qui ont une légitimité de terrain. Dans le bouquet éducation, par exemple, il y aura mon association « Lire et faire lire » et je veux, dans le contrat de mission, une extension à 100 % des écoles maternelles et des écoles primaires. Je veux des personnes âgées dans toutes mes maternelles pour faire lire les petits : c’est l’intérêt bien compris de la France. Mais si je le confis au ministère de l’Education nationale, ils vont le tuer. Je veux donc que les opérateurs soient les bouquets. Parce que nous, nous savons le faire, et nous avons deux ans pour apprendre à faire ensemble, au sein même de nos bouquets.
Vous me direz : « Mais vous rêvez Monsieur Jardin, ils ne se dessaisiront jamais de cela ». Nous allons le demander d’abord poliment. S’ils sont un peu durs d’oreille, nous irons aux élections parce que dans nos combats, nous nous implantons massivement, notamment dans les mairies rurales avec qui nous avons des accords. Même si à Paris on ne s’y intéresse pas, les maires ruraux représentent 32 000 communes sur les 36 000. J’étais à leur dernier congrès, et quand j’ai demandé à une personne si elle était à gauche ou à droite, une autre s’est levée au bout de la salle et a dit : « On s’en fiche Monsieur Jardin, nous représentons la ruralité ». Et les 100 000 représentants se sont mis debout et l’ont applaudi. Voilà l’état du territoire : une jacquerie d’hommes et de femmes qui représentent toutes les mairies rurales, qui sont dans un bras de fer total et qui ne se présentent plus dans la division droite/gauche. C’était palpable, c’était physique à l’intérieur de la salle. Je ne leur ai pas demandé des signatures : ils viennent ! Aujourd’hui l’état du pays est tel que le premier venu qui parle dans ce genre d’endroit est entendu. Ils cherchent tous des soutiens.
Donc nous allons structurer un deuxième pôle de révolte en France, citoyen, positif. Il ne faut pas que nous laissions le monopole de la révolte à Marine Le Pen. Le fond du pays ne veut plus entendre parler des partis classiques. Nous allons essayer de mettre en place un système pour arrêter le chèque en blanc qui a lieu à chaque élection. Sous forme de contrats : nous voulons que les partis contractualisent. Ainsi dans le bouquet éducation, vous avez « Lire et faire lire » pour le maternel et primaire ; puis vous avez « ZUP de Co » qui fait de l’accompagnement et de l’aide au devoir par des étudiants. C’est remarquablement structuré. Nous avons toute une foule de programmes pour faire réussir les enfants à fort potentiel de nos banlieues, pour qu’ils intègrent les grandes écoles. Nous avons des systèmes de tutorat numérique offert aux communes, pour offrir des parcours de réussite aux enfants et nous avons les opérateurs pour le faire, etc. Donc nous avons des politiques publiques avec nos propres opérateurs.
Je vous jure que c’est jouissif à faire. Dans toutes nos réunions, on ne voit que des gens réellement vivants. En ce moment, nous avons des sherpas, qui nous embarquent à l’intérieur de la fonction publique, parce qu’il est hors de question que dans l’aventure des « faiseux », nous n’embarquions pas les « faiseux » du service public ; ce serait une bêtise noire. Nous avons nos pôles d’excellence, nos pôles de renouvellement : nous tenons à ce que nos contrats de mission soient donnés à des structures publiques.
Nous voulons mettre en pièce le système hiérarchique ; c’est-à-dire que nous voulons des contrats de mission. Je vais vous prendre un exemple : dans les « faiseux » nous sommes en train d’intégrer des maires. Il y a un homme qui est président de l’association des maires ruraux du Puy-de-Dôme, il a monté un système de récupération des ordinateurs jetés par les administrations et les entreprises, il les reconditionne et équipe gratuitement les écoles primaires du Puy-de-Dôme. Je voudrais qu’il ait un contrat de mission pour étendre son système économique (qui ne coûte rien, le système est très intelligent) afin qu’il couvre un tiers des départements français, et prioritairement des départements qui en ont besoin. En principe, l’association des maires ruraux du Puy-de-Dôme n’est pas faite pour mener une politique nationale. Mais ce n’est pas grave je veux que l’on raisonne exclusivement par pôle de compétence. Qui dans la CNAM innove ? C’est ça qui nous intéresse, c’est de repérer les vivants.
Je sais que cela bouscule. Tous ces systèmes sont pesants, extraordinairement lourds. Nous voulons des contrats de mission. Cela se passera poliment, ou de manière sanglante, mais cela se passera, car c’est, à mes yeux, la seule manière d’assurer la victoire républicaine face à Marine Le Pen. Il va donc bien falloir qu’un mouvement civil aille prendre le fond du peuple. Mais pour cela, il nous faut des mouvements d’éducation populaire, il nous faut les CGPME. Il nous faut toutes les révoltes que nous sommes en train de repérer et de faire passer à l’acte.
Vous avez les notaires, qui n’étaient pas contents. Je suis allé les voir et leur ai dit : « je ne me mêle pas de votre dossier, c’est votre dossier, en revanche, pourriez-vous rendre service à la nation ? » J’ai demandé à des notaires bretons, notamment à, maître Chauveau, un jeune notaire étonnant. Je lui ai dit : « pourriez-vous faire du conseil gratuit dans des cafés ? Parce que quand vous dites que vous donnez gratuitement des conseils, ce n’est pas vrai, vous le faites pour des gens qui rentrent dans vos études, mais pas pour les classes populaires qui n’y rentrent pas. Donc faites-le une fois par mois dans les cafés ». Maître Chauveau a dit « ok » et il en a embarqué 300 par les réseaux sociaux. C’est en train de décoller, je pense que l’on sera plutôt autour de 500 le 7 février. Je veux qu’il gagne une légitimité populaire en rendant service. Ils ont lancé cela le 22 janvier, dans un café populaire. C’était bouleversant, ils étaient dans des troquets comme à Barbès où les gens ne vont jamais pousser la porte d’un notaire, c’est la première fois que ça leur arrivait. Eh bien ces gens-là, s’ils maintiennent leur niveau d’action, d’effort réel, auront légitimité pour être un des piliers, un des bouquets au sein des Zèbres, qui sera consacré à l’accès des Français au droit. Si nous laissions faire les énarques, que se passerait-il ? Ils feraient des maisons du droit, dans lesquelles seuls les gens psychiquement capables d’y rentrer rentreraient, c’est-à-dire, pas au fond, les classes populaires qu’il nous faut ramener vers la République.
Je veux dire que l’approche administrative consacrée aux 64 quartiers populaires ne doit plus être confiée à des préfets. Il faut confier cela à des gens sérieux qui savent faire. Si l’on veut faire de la création d’activité, ce n’est pas autour du préfet. En tous cas, je préfèrerais que dans ces quartiers il y ait pour les personnes du conseil juridique, un pôle éducatif extrêmement puissant, un pôle retour à l’emploi avec tous nos opérateurs, etc. sur l’ensemble des sujets, et que nous concentrions nos efforts. Et là, nous pourrons vivre une étonnante réussite. Parce que la question, c’est fondamentalement, toujours : qui fait quoi ? À quelle heure ? Qui sait faire quoi ? Selon quel process ? etc. Je ne vous dis pas qu’en 2017 nos bouquets seront totalement mûrs. Nous aurons simplement fait une grosse partie du chemin et atteint une masse critique qui permettra d’embarquer les Zèbres qui resteront encore.
Là où la Fondation pour l’innovation politique pourrait nous aider, ce n’est pas tout de suite, c’est au moment où s’engageront les négociations avec les partis. Parce que dans ces contrats de missions, il y aura parfois un volet financier, en tout cas il doit y avoir du chiffrage : il faut que chaque bouquet puisse s’engager à atteindre un objectif. Par exemple, pour « Lire et faire lire », si l’on veut atteindre 100 % des maternelles, nous devons travailler en interne pour dire dans quel délai, dans quel planning. Il y aura donc un volet financier. Nous avons aussi des choses qui sont portées par l’économie sociale et solidaire qui n’ont pas besoin de volet financier. Il y aura ensuite un volet « déverrouillage juridique » parce que dans tous nos secteurs, il y a un milliard de normes et autres qui font que nous ne pourrons pas atteindre certains objectifs sans certains déverrouillages juridiques. Si vous discutez aujourd’hui avec le directeur des centres Léo Lagrange, du tourisme social, des vacances sociales, vous verrez qu’il en est arrivée à fermer des centres Léo Lagrange parce qu’il n’avait pas l’argent pour faire les mises aux normes. Qu’il y ait des agents dans un bureau qui aillent vérifier les mises aux normes de centres Léo Lagrange, et que cela empêche des enfants de partir en vacances les obligeant donc à rester dans leur cité, c’est honteux pour notre pays ! Dans ce bouquet-là, il est bien clair que nous demanderons des moratoires. Je ne veux plus que ferme un centre Léo Lagrange pour des histoires de mise aux normes. On marche sur la tête !
Sujet par sujet, il y aura donc un volet « déverrouillage juridique ». Ensuite, il y aura pour certains bouquets un volet « Planning d’accompagnement administratif ». Le bouquet éducation par exemple aura besoin d’avoir un accès très régulier aux réunions d’inspecteurs d’académie. Si vous ne rentrez pas dans ces instances, ça ne fonctionnera pas. J’insiste : le pilotage, ce sera nous. Laissez-nous faire car sur notre domaine de compétence, on est plus fort que n’importe quel ministre, parce qu’on le fait depuis un moment. Il faut que les bons pilotent, il faut que nous arrachions à la puissance publique le pilotage de 30 à 40 sujets, très sérieux, et que les gens acquièrent, par l’action, une légitimité.
C’est drôle, parce que tout le débat public français s’est organisé et a évacué cette notion, pourtant fondamentale pour les personnes. Je vois bien, dans nos réunions, dans les quartiers populaires, lorsque nous implantons nos programmes, que l’on m’a identifié comme étant celui qui écrit des romans, mais qui s’occupe aussi de leurs enfants, qui les fait lire : ils me trouvent légitime sur cette question. Par exemple, Guillaume Bapst qui a monté les épiceries solidaires, un système qui a nourri un million et demi de personnes. Il trie tout ce qui est jeté à Rungis, et c’est devenu quelque chose d’absolument gigantesque. Il y a aussi les personnes qui pilotent un programme qui s’appelle Solaal, pas très connu, a été fondé par l’ancien président de la FNSEA ; c’est un système qui récupère tous les surplus alimentaires. Dès qu’il y a un surplus, un invendu, ils font la jonction, la logistique avec le monde caritatif. Il est clair qu’un bouquet avec Solaal, l’ANDES, le réseau des épiceries solidaires, de gros opérateurs de ce genre, serait efficace. Si dans une phase nous devions couper des dizaines de milliards pour restructurer nos finances publiques, nous aurions des zones de tensions alimentaires réelles. Ainsi, si nous signons un contrat de mission, pour, par exemple, alimenter les cantines de ces 64 quartiers, je sais que Solaal, l’ANDES seront capables, logistiquement, et à des coûts dérisoires, d’assurer cela. Nous allons donc faire monter en ligne les « faiseux », pas les « diseux ».
Mais nous aurions besoin d’un sacré coup de main au moment des négociations, au moment où il va falloir formaliser l’offre politique des bouquets issus de la société civile. Car c’est une chose de piloter « Lire et faire lire » ou l’ANDES, c’en est une autre d’agréger et de proposer une politique publique cohérente. Ce que nous avons découvert, c’est que depuis que nous créons des bouquets au sein des Zèbres, tout le monde arrive, car tous ceux qui hésitaient, en disant que nous étions des rêveurs, à partir du moment où vous traitez de leur domaine de compétence, là, ils se sentent concernés, donc ils viennent. Il y a donc un effet d’entraînement au niveau de chacun de ces bouquets qui fait que nous pouvons mettre du monde autour de la table. J’aimerais bien aussi demander à Monsieur Gattaz son salon de l’emploi, il marche très bien et est bien fait. Il faudrait qu’il coopère dans le même bouquet, avec par exemple la SNC, les Cafés Contact Emploi, etc. Ce sont des portes d’entrées, des savoir-faire différents, avec une puissance d’opérationnalité extrêmement forte. Voilà donc l’offre que je fais à la Fondation. Ce n’est pas tout de suite, c’est après : est-ce que vous voudriez travailler avec les bouquets ? Il va bien falloir que quelque chose se passe, et ce n’est pas dans les partis que cela va se passer. En fait, ce n’est pas le mode de pensée qui a créé le problème qui va résoudre le problème. C’est pour cela que l’on appelle cela des Zèbres ; ce sont des gens qui raisonnent.
Je reviens sur les communes qui nous suivent. Il y en a deux types : Bordeaux, Paris, Reims, Le Havre, Clermont-Ferrand, etc. À celles-ci nous disons : « Vous nous trouvez un chasseur de Zèbres dans votre équipe ». Ce travail est fait par Jean-Paul Delevoye, qui fait l’interface avec les communes. Nous faisons les déjeuners de chasseurs de Zèbres au CESE, cela fait République et ils arrivent moins inquiets que s’ils allaient dans ma cuisine.
Maintenant, pour que les communes embrayent, nous leur donnons des programmes un par un ; il nous fallait des bouquets à leur proposer. Vous avez des municipalités comme Bordeaux où vous avez des équipes qui sont sincèrement passionnées par ce type de travail et où il y a aussi une économie sociale et solidaire très forte. Il y a notamment quelque chose d’exemplaire qui s’appelle le projet Darwin.
Nous collaborerons aussi de plus en plus avec les associations de maires. Nous venons de signer un accord avec deux Zèbres et l’association des maires ruraux pour implanter « Lire et faire lire » ; ils ont une opération qui s’appelle « Lecture Commune ». Il y a de nombreux maires, pour « Lire et faire Lire » qui nous disent ne pas avoir de livres. Donc dans nos Zèbres, nous avons une personne, un éditeur jeunesse, qui a monté une association qui vend des livres jeunesse à 80 centimes, en dehors du marché du livre. Il a complètement cassé le modèle économique. Il en vend 2 millions par an dans les cités et au fond des campagnes. Il fait le travail du ministre de la Culture et il ne dépense pas un centime, car il a un modèle économique de subventions. Je lui ai donc demandé s’il pouvait faire un « package » pour les petits villages qui veulent démarrer « Lire et faire lire », et il m’a fait une offre, frais de port compris à 100 livres jeunesse pour 100 euros. Cela permet à un village de démarrer l’activité « Lire et faire lire » lorsqu’ils ont 350 ou 400 habitants. Nous allons donc nous développer avec les réseaux. En ce moment, nous sommes en train de faire un accord avec François Baroin pour lancer début mai une grande opération avec les maires de France pour qu’ils se lancent dans « Lire et faire lire ». Après les attentats, il faut que les grands programmes d’intégration comme « Lire et faire lire » se développent. François Baroin est à fond là-dessus. On rencontrera des maires dans un grand évènement, que nous ferons sans doute dans une école un peu difficile du XIXe arrondissement (et personnellement, je ramènerai une centaine d’écrivains du comité de soutien de « Lire et faire lire »).
Nous allons donc travailler ponctuellement avec les mairies, ce que nous faisons avec les équipes de Jean-Paul Delevoye. Nous allons venir avec des bouquets, passer par des associations de maires, et nous ferons également monter sur la plateforme des Zèbres des maires Zèbres. Une personne étonnante, Jo Spiegel, maire de Kingersheim en Alsace, a beaucoup d’idées, qu’il met en œuvre, pour améliorer le processus démocratique (je ne connais même pas sa couleur politique). Nous allons probablement faire un bouquet sur la rénovation des pratiques démocratiques et d’implication des populations dans les décisions locales. La personne qui implante des ordinateurs gratuits dans les écoles, c’est aussi un bon Zèbre, nous allons le prendre. Nous avons également d’autres Zèbres élus ; une personne, à La Chatre (et dans d’autres villes), a mis en place un système pour faire passer le permis de conduire. En zone rurale c’est fondamental pour l’employabilité. Vous avez des communes qui ont mis au point un process qui marche très bien : sachant qu’un permis vaut 1500 euros, ils subventionnent à hauteur de 500 euros contre 50 heures de travail d’intérêt général. Et ce qui est intéressant, c’est de regarder ce qui est fait dans les cinquante heures. C’est là que nous avons besoin des « faiseux », nous avons besoin de la personne qui s’est confrontée au problème, et qui sait réellement comment supprimer les 500 euros d’un poste de dépense ailleurs, puisque son budget n’était pas extensible.
Nous nous sommes rendu compte que quasiment toutes les grandes structures, les AMF, les associations de maires ruraux, etc. ne font pas le travail de diffusion des bonnes pratiques en interne. Je ne sais pas pourquoi, donc nous allons le faire, nous allons nous servir des Zèbres pour cela. Donc vous verrez parmi les Zèbres de plus en plus de maires. Et plus nous serons médiatisés à partir de fin avril, plus nous verrons arriver sur la plateforme des gens qui font des choses que tout le monde ignore.
Notre choix stratégique est un vrai choix politique, c’est notre zone de contact avec la République : ce sont les élus locaux. Nous ne voulons pas les partis, ni l’État. Je n’interdits pas à un Zèbre d’aller « dealer », mais je ne veux pas que la maison mère le fasse. La maison mère doit incarner l’autonomisation d’une société civile. Par exemple, Total, très gentiment, à qui j’étais allé demander des sous m’a dit « OK, mais il va falloir signer avec la France s’engage ». Je leur ai répondu qu’ils étaient inélégants et inconscients, parce qu’à un moment donné, en 2017, il va bien falloir battre Marine Le Pen ; donc il faudra que des gens ayant acquis une certaine autonomie soient capable d’appeler véritablement les classes populaires. « Arrêtez donc votre petite cuisine de récupération ! C’est puéril et stupide, vu l’état de la République, ce n’est pas décent. » Ils n’ont rien voulu entendre, nous ferons donc sans eux, parce qu’il n’était pas question que la maison mère passe sous tutelle étatique.
Enfin je vais dire aussi un mot sur l’association que j’ai créée « Lire et faire lire ». Elle m’a appris énormément de choses. C’est un système qui engage 160 00 bénévoles qui travaillent toutes les semaines dans les cent départements. Nous nous occupons de 400 000 enfants que nous faisons lire. L’idée est simple : si nous transmettons le plaisir de la lecture aux petits à partir de la moyenne section de maternelle, nous les vaccinons contre l’échec scolaire. Si un enfant s’amuse avec un bouquin, il va pérenniser l’acquis scolaire, or nos 20 % d’enfants qui ne lisent pas à l’entrée du collège sont des enfants qui sont passés par le système, mais qui n’ont pas pris conscience qu’il y avait un vague plaisir sous la lecture. Donc, pour déclencher cela, nous mettons des grands-pères et des grand-mères dans leur vie. Nous faisons des petits groupes entre 4 et 5 maximums. Il faut qu’ils puissent voir les images, et il faut que le lien affectif s’établisse. Nous les prenons donc en moyenne section de maternelle, et nous ne les lâchons plus jusqu’à l’entrée au collège. Nous montons en puissance de manière spectaculaire en ce moment, et je n’arrête pas de multiplier ce système. De plus les attentats ont créé un climat qui fait en sorte que la préfecture de région a fait une réunion d’urgence pour implanter « Lire et faire lire » dans la totalité de nos zones difficiles à l’intérieur de Paris, car eux-mêmes n’ont pas d’outils. Je leur ai dit : « Arrêtons les bêtises, envoyons les mamies ! ». Nous recousons la société car « Lire et faire lire » est le principal programme français d’intégration. Parce que vous envoyez Jacqueline, qui se dit neuf fois sur dix « ces enfants, ils sont tout de même très colorés » ; quinze jours après, les enfants donnent des dessins : la mamie est aimée ; elle n’avait pas prévu d’être aimée. Elle colle les dessins sur son frigo, elle commence à changer de point de vue. Elle commence à dire à ses amis que l’on peut aller à Nanterre, que ce n’est pas si dangereux que ça. Donc le flux des mamies s’accroît, et vous faites de l’intégration réciproque, tendre, parce que ces gens-là s’aiment. Vous ne pouvez pas braquer un enfant de 5 ans en lui disant : « tu vas aimer la France quoi que tu entendes à la maison ». L’enfant va aimer Jacqueline, et quand il croise la mamie ou le papy dans la supérette, il lui saute au cou, il en parle à sa grand-mère, qui est un peu jalouse… et se mettent en route des processus positifs de réussite scolaire sans avoir déclenché de manifs. Nous infiltrons les mamies, c’est redoutable ! Nous avons pu coller dans le système scolaire 16 000 personnes sans qu’il y ait eu la moindre opposition.
Voici le principal enseignement de « Lire et faire lire » : les deux pilotes sont la Ligue de l’enseignement, qui n’est pas précisément à droite, et l’UNAF (les associations familiales dont de nombreuses composantes ne sont pas précisément à gauche, mais sont plus mêlées). Deux cultures politiques et des histoires qui n’ont rien à voir. C’est un miracle que « Lire et faire lire » ait survécu. C’était une sorte de guerre civile et pas seulement à Paris, dans tous les bureaux, dans tous les départements, parce nous, cela marche partout.
Nous avons appris qu’il est possible de faire de l’unité nationale par l’action : ce qui est strictement impossible sur un plan politique, est faisable dans l’action. C’est ainsi que j’ai fini par comprendre que nous pouvions, au sein de nos bouquets de faiseux, faire coopérer des gens, ayant des cultures politiques absolument opposées, lorsqu’ils ont une action supérieure à mener. Pour de vrai, cela marche ! Je le sais, je le vis. On peut marier « la carpe et le lapin » en France, mais il faut qu’il y ait une action ; si vous êtes dans la réflexion, tout le monde se dispute. Nous allons monter fortement en puissance en mai-juin, pour préparer la rentrée et RMC va nous faire une campagne colossale pendant dix jours. J’ai besoin de radios populaires. Les gens qui s’engagent là-dedans, ce ne sont absolument pas les bourgeois qui aiment lire, ce sont les classes populaires qui aiment bouquiner, c’est la secrétaire d’un village de 2 000 habitants qui part à la retraite, c’est le fond de la nation qui s’engage là-dedans. Nous aurons donc une grande campagne radio, j’irai voir d’autres médias pour accélérer les choses. Je veux que l’on double ou triple dans les deux ou trois ans à venir. Je veux que nous atteignions 2017 en ayant déjà un outil absolument colossal d’intégration en place pour que l’extension nationale ne soit plus que la dernière marche.
Alexandre Jardin,
27/01/2015







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