Avant la présidentielle, les régionales referment un cycle électoral sur courants alternatifs en Haute-Vienne
Sébastien Dubois | 01 juillet 2021
Depuis la dernière présidentielle, la succession des élections démontre une déconnexion des scrutins locaux et nationaux, ainsi qu'une fracture entre une classe politique d'en haut et une classe politique d'en bas. Sur fond de montée du vote protestataire.
Il y a ceux qui terminent sur la jante et d’autres regonflés à bloc. Ceux qui ont le vent dans le dos ou affrontent au contraire une défaillance politique. Le double scrutin régionales-départementales de ce mois de juin vient clore un cycle électoral entamé en 2017, avec l’élection d’Emmanuel Macron, puis de trois députés LREM en Haute-Vienne. Quatre ans après, le parti présidentiel est loin du compte : invisible aux départementales et crédité de moins de 10 % des voix aux régionales.
Les cartes du premier tour des deux derniers scrutins avant la présidentielle montrent une hégémonie socialiste sur la Haute-Vienne, difficile à imaginer après les déroutes aux municipales à Limoges en 2014, puis aux présidentielles, législatives et aux européennes. Malgré la perte de la communauté urbaine en 2020, les élections municipales avaient paradoxalement confirmé cette emprise, qui a permis au PS d’envoyer deux sénateurs au palais du Luxembourg, en septembre dernier.
Les larges victoires aux régionales et aux départementales viennent le confirmer : dans un pays, voire une ex-région Limousin, de plus en plus à droite, la Haute-Vienne fait exception. De nouvelles têtes d’affiche, comme Andréa Brouille, émergent, quand le président du Département Jean-Claude Leblois symbolise l’enracinement socialiste local, malgré la mise en retrait d’anciens caciques.
En Marche arrière
Dans la foulée de sa conquête de la présidence de Limoges métropole par Guillaume Guérin, la droite locale rêvait à de nouveaux triomphes. Mais la sociologie électorale constitue toujours un frein, qui favorise quelques victoires ponctuelles, comme sur le canton de Panazol, dimanche dernier, après le succès de Fabien Doucet sur la commune en 2020. Localement, le PS et LR vivent de leur ancrage local, qui constitue une force d’autant plus grande que c’est la principale faiblesse d’En Marche, avec qui les deux partis historiques partagent la frange modérée de l’électorat.
Le fiasco de la liste de Monique Boulestin à Limoges en 2020, suivi de la cinglante défaite des régionales, prive le parti présidentiel d’assise électorale. Élue à Bordeaux, seule Marie-Ange Magne s’est assuré un mandat électoral par-delà les législatives. À cette transparence locale, s’ajoutent les difficultés de croissance du mouvement, que deux référents ont partagé en seulement quatre ans d’existence.
Cela démontre aussi une déconnexion entre les élections locales et nationales – et peut-être même entre une classe politique « d’en haut » et une classe politique « d’en bas ». Aux Européennes, LREM avait recueilli les voix de nombreux proeuropéens, de droite ou de gauche, quand le RN, alors leader sur le département, faisait le plein chez « les antis ». Ce sont alors leurs ADN respectifs qui s’expriment, quand le vivier militant apparaît indispensable aux conquêtes locales.
EELV progresse
La remarque est également valable pour EELV, tout à tour renforcé par les élections au Parlement européen, enlisé aux municipales, puis en progression aux régionales. Hors PS, les écologistes occupent la place jusqu’alors dévolue au front de gauche et aux insoumis, qui ont payé cher la rupture avec le PC, depuis 2017. Pour le parti mélenchoniste, ce cycle électoral n’a été qu’une longue suite de défaites, malgré l’existence, en Haute-Vienne d’un terreau favorable à la gauche radicale. Alors qu’en 2017, LFI avait réussi à concurrencer le RN dans le vote populaire et à favoriser la participation, il n’en est plus rien aujourd’hui.
Première aux Européennes, puis seconde aux régionales, l’extrême-droite s’installe dans le vote plus que sur le terrain. Son incapacité à présenter une liste aux municipales et des candidats aux départementales sur tous les cantons de Limoges limite son exposition. Les remous internes au parti lepéniste, suivi de la guerre larvée entre le leader légitimiste Albin Freychet et la figure historique Vincent Gérard pourrait augurer de divisions nationales potentiellement fatales à Marine Le Pen en 2022. Ce n’est pas pour rien, que dès dimanche, les affiches « Zemmour président » ont fleuri à Limoges, alors que l’ex-élu limougeaud et régional figure parmi les soutiens du polémiste condamné, en vue de la présidentielle.
Montée en puissance du vote protestataire
Dans la foulée des Gilets jaunes, dont l’héritage politique n’est pas encore soldé, le « non-vote », abstentionniste, blanc ou nul, est devenu le réel suffrage contestataire. Les observateurs feignaient de s’en étonner, dès 2017, mais du fait de l’abstention massive aux régionales, « le vote protestataire » mis en avant par la Fondation de l’innovation politique, progresse de sept points entre 2015 et 2021, en Nouvelle-Aquitaine. Pour 2022, ces citoyens pourraient, en partie, revenir aux urnes, pour le premier tour de la présidentielle. De leurs choix dépendra l’issue de la course à l’Élysée. Et localement, des élections législatives. Alors que la sortie de crise du Covid sera déterminante, le climat politique laisse planer de nouveaux bouleversements. Et de nouveaux horizons ?
Lisez l’article sur lepopulaire.fr.
Dominique Reynié (dir.), Protestation électorale en 2021 ? (Fondation pour l’innovation politique, juin 2021).
Dominique Reynié (dir.), 2022 le risque populiste en France(Fondation pour l’innovation politique, juin 2021).
Aucun commentaire.